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14/04/2023 | FRANCE | N°467622

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 14 avril 2023, 467622


Vu la procédure suivante :

La société Cofagest Conseils a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des pénalités et intérêts de retard assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2017. Par un jugement n° 2009371 du 3 mai 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22LY01945 du 18 juillet 2022, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de la société Cofagest Conseils contre ce jugement.

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Vu la procédure suivante :

La société Cofagest Conseils a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des pénalités et intérêts de retard assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2017. Par un jugement n° 2009371 du 3 mai 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22LY01945 du 18 juillet 2022, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de la société Cofagest Conseils contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre 2022, 19 décembre 2022 et 25 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cofagest Conseils demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Cofagest Conseils ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société à responsabilité limitée (SARL) Cofagest Conseils a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2017, assortis d'intérêts de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré. Par un jugement du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge de cette pénalité et de ces intérêts de retard. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 juillet 2022 par laquelle le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté, par application de l'article R.222-1 du code de justice administrative, son appel comme manifestement dépourvu de fondement.

Sur les conclusions du pourvoi dirigé contre l'ordonnance, en tant qu'elle a statué sur les intérêts de retard :

2. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. -Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard... IV. - 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. / (...) 4. Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement ". Les dispositions du 4 du IV de cet article qui prévoient, en cas d'application des majorations mentionnées à l'article 1729 du code général des impôts, que le décompte de l'intérêt de retard court jusqu'au dernier jour du mois de la proposition de rectification, n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à ce que ce décompte soit arrêté au dernier jour du mois du paiement, conformément au 1 du IV de ce même article, lorsque le contribuable a procédé à ce paiement avant la notification de cette proposition.

3. Il ressort de la requête soumise à la cour administrative d'appel, enregistrée le 27 juin 2022 au greffe de cette cour, que la société requérante a soulevé une argumentation tirée de ce qu'elle avait spontanément réglé au cours du mois d'août 2018 la taxe sur la valeur ajoutée omise, de sorte que le décompte des intérêts de retard qui lui ont été appliqués devait être arrêté au 31 août 2018. Cette argumentation d'appel différait de celle soulevée en première instance, tirée de ce que le décompte de ces mêmes intérêts devait être arrêté au 31 juillet 2018, que le tribunal administratif a écartée au motif qu'il était constant que la société requérante n'avait pas procédé au paiement de cette taxe au cours du mois de juillet 2018. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'une telle argumentation n'était pas inopérante. Par suite, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son ordonnance d'irrégularité en omettant d'y répondre.

4. Il en résulte que la société est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance, en tant qu'elle a statué sur ses conclusions relatives aux intérêts de retard.

Sur les conclusions du pourvoi dirigé contre l'ordonnance, en tant qu'elle a statué sur la pénalité pour manquement délibéré :

5. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " ... les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, ... par ordonnance, rejeter..., après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement... ".

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les

inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de... 40 % en cas de manquement délibéré... ".

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante a déposé les 30 novembre 2016 et 14 décembre 2017 les liasses fiscales des exercices clos en 2016 et 2017, lesquelles faisaient apparaître au passif une dette de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 315 141 euros, non justifiée à hauteur de la somme de 145 679 euros.

8. La cour administrative d'appel, adoptant sur ce point les motifs du jugement du tribunal administratif, a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que si la société faisait valoir que les insuffisances relevées dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée étaient imputables aux nombreux mouvements et absences de personnel auxquels elle avait été confrontée et qu'elle avait, dès le mois de juin 2018, entrepris de les chiffrer en vue de les régulariser, la déclaration faisant apparaître la taxe omise n'avait été déposée que le 17 septembre 2018, soit la veille du premier entretien avec le vérificateur, initialement fixé le 30 août 2018 et reporté à la demande de la contribuable. En jugeant que, dans ces circonstances, l'administration devait être regardée comme apportant la preuve lui incombant du caractère délibéré des manquements commis par la société requérante, laquelle ne pouvait, en sa qualité de professionnelle de la comptabilité, ignorer ses obligations fiscales, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, la circonstance que la commission des infractions fiscales, saisie par l'administration en application de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, aurait rendu un avis défavorable sur l'engagement de poursuites correctionnelles étant dépourvue d'incidence à cet égard.

9. Il en découle que le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, fait un usage abusif des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative en rejetant par ordonnance l'appel de la société requérante.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Cofagest Conseils n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle a statué sur ses conclusions relatives à la pénalité de 40%.

Sur le règlement au fond du litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

12. Si la société Cofagest Conseils soutient qu'elle aurait acquitté en août 2018 la taxe sur la valeur ajoutée omise, de sorte qu'il faudrait, en application des dispositions rappelées au point 2, arrêter au 31 août 2018 le décompte des intérêts de retard qui lui sont réclamés, il est constant que la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée relative au mois d'août 2018, sur laquelle elle a fait figurer cette taxe, n'a été souscrite que le 17 septembre 2018 et que la taxe n'a pas été payée antérieurement à la notification de la proposition de rectification en date du 21 décembre 2018. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration n'a pas arrêté le décompte de l'intérêt de retard antérieurement au 31 décembre 2018. Est sans incidence à cet égard la circonstance, à la supposer avérée, que le vérificateur l'aurait incitée à différer le paiement de la taxe omise.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Cofagest Conseils n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 18 juillet 2022 du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon est annulée, en tant qu'elle a statué sur les conclusions relatives aux intérêts de retard.

Article 2 : L'appel formé par la société est rejeté dans cette mesure.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Cofagest Conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467622
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - GÉNÉRALITÉS. - AMENDES, PÉNALITÉS, MAJORATIONS. - INTÉRÊTS POUR RETARD. - RÉPARATION DU PRÉJUDICE RÉSULTANT POUR LE TRÉSOR D'OMISSIONS OU INEXACTITUDES DÉCLARATIVES (4 DU IV DE L'ART. 1727 DU CGI) – PORTÉE – CAS OÙ LE CONTRIBUABLE A PROCÉDÉ AU PAIEMENT DE L’IMPÔT AVANT LA NOTIFICATION DE LA PR – ARRÊT DU DÉCOMPTE AU DERNIER JOUR DU MOIS DU PAIEMENT.

19-01-04-01 Le 4 du IV de l’article 1727 du CGI qui prévoit, en cas d’application des majorations mentionnées à l'article 1729 du CGI, que le décompte de l'intérêt de retard court jusqu’au dernier jour du mois de la proposition de rectification (PR), n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à ce que ce décompte soit arrêté au dernier jour du mois du paiement, conformément au 1 du IV de ce même article, lorsque le contribuable a procédé à ce paiement avant la notification de cette proposition.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2023, n° 467622
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467622.20230414
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