La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°456787

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 avril 2023, 456787


Vu les procédures suivantes :

Mme A... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 28 mars 2020 et la décision du 13 mai 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'échange de son permis de conduire malgache contre un permis de conduire français et d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, d'autre part, d'annuler la décision implicite née le 20 septembre 2020

par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarc...

Vu les procédures suivantes :

Mme A... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 28 mars 2020 et la décision du 13 mai 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'échange de son permis de conduire malgache contre un permis de conduire français et d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, d'autre part, d'annuler la décision implicite née le 20 septembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet de la Loire-Atlantique rejetant sa demande d'échange de son permis de conduire et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision dans le délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2002311, 2100497 du 9 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Par deux ordonnances n° 21NT022288 du 16 septembre 2021 et n° 21NT022289 du 22 septembre 2021, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.351-2 du code de justice administrative, deux requêtes formées par Mme E... contre ce jugement.

1° Sous le n°456988, sur renvoi de la cour administrative d'appel de Nantes, sur un pourvoi enregistré le 7 août 2021 au greffe de cette cour et par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre et 17 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juin 2021 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n°432082, sur renvoi de la cour administrative d'appel de Nantes, par un pourvoi enregistré le 7 août 2021 au greffe de cette cour et par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 17 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juin 2021 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 2004-1085 du 14 octobre 2004 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois n°456938 et n°456938 étant dirigés contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". L'article R. 613-3 du même code dispose : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".

3. Lorsqu'un tribunal verse au contradictoire, après la clôture de l'instruction, un mémoire, il doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il doit alors clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, fixer une nouvelle date d'audience. Si le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R.613-2 du code de justice administrative, il appartient à la juridiction, si elle l'estime nécessaire, de fixer une nouvelle date d'audience et de clore l'instruction ainsi rouverte. Le jugement ne peut être rendu tant que l'instruction est ouverte.

4. Il ressort des pièces de procédure que les mémoires en réplique de Mme E... ont été enregistrés au greffe du tribunal administratif respectivement les 24 et 25 mai 2021 et communiqués le 25 mai 2021 à l'administration, la veille de l'audience qui a eu lieu le 26 mai, ce qui a eu pour effet de rouvrir l'instruction. En s'abstenant de clore cette instruction ainsi rouverte, le magistrat désigné qui a statué sur le fondement de l'article R.222-13 du code de justice administrative a entaché son jugement d'irrégularité.

5. Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, Mme E... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6.Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2020 du préfet de la Loire-Atlantique :

7. En premier lieu, par une convention de délégation de gestion du 11 septembre 2017 conclue entre le préfet de la région Pays de la Loire, préfet de la Loire-Atlantique, qui a autorité sur le Centre d'échanges et de ressources titres (CERT) de Nantes, et le préfet du Cher en application de l'article 2 du décret du 14 octobre 2004 relatif à la délégation de gestion dans les services de l'Etat et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique du 5 octobre 2017, le préfet du Cher a délégué sa compétence pour instruire les demandes d'échange et prendre les actes juridiques liés à l'échange ou au refus de permis. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas territorialement compétent pour prendre la décision attaquée.

8. En deuxième lieu, par arrêté du 17 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 74 du 17 septembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à Mme B... C..., directrice du centre d'expertise et de ressources titres de la Loire-Atlantique (CERT), délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à l'échange des permis de conduire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée du 13 mai 2020 manque en fait.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route, dans sa rédaction applicable depuis le 5 novembre 2017 : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 susvisé : " I. - Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : A. - Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route. (...) ". Aux termes de l'article 14 du même arrêté : " Une liste des Etats dont les permis de conduire nationaux sont échangés en France contre un permis français est établie conformément aux articles R. 222-1 et R. 222-3 du code de la route. Cette liste précise pour chaque Etat la ou les catégories de permis de conduire concernée (s) par l'échange contre un permis français. Elle ne peut inclure que des Etats qui procèdent à l'échange des permis de conduire français de catégorie équivalente et dans lesquels les conditions effectives de délivrance des permis de conduire nationaux présentent un niveau d'exigence conforme aux normes françaises dans ce domaine. (...)".

10. Lorsque de nouvelles normes générales sont édictées par voie de décret ou d'arrêté, elles ont vocation, en principe, à s'appliquer immédiatement, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer le droit au maintien de la réglementation existante, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions.

11. D'une part, ni les dispositions précitées du code de la route, ni celles de l'arrêté du 12 janvier 2012 ne prévoient l'application de la réglementation en vigueur avant l'intervention de l'arrêté du 9 avril 2019 aux demandes d'échange de permis de conduire présentées avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 9 avril 2019 modifiant l'arrêté susvisé du 12 janvier 2012. D'autre part, la requérante ne peut se prévaloir d'une situation juridiquement constituée avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 9 avril 2019. Dans ces conditions, la légalité de la décision du 13 mai 2020 du préfet de la Loire-Atlantique rejetant la demande d'échange du permis de conduire malgache de la requérante contre un permis de conduire français doit s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise et en appliquant la réglementation en vigueur à cette date, quelle qu'ait été celle en vigueur à la date de la demande d'échange. Il en résulte que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la situation existante à la date de sa demande d'échange en matière d'accord de réciprocité entre Madagascar et la France pour l'échange de permis de conduire.

12. D'autre part, le ministre fait valoir, sans être utilement contredit, qu'il n'existait pas d'accord de réciprocité en matière d'échange de permis de conduire entre la France et Madagascar à la date du 13 mai 2020 à laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a statué sur la demande de la requérante. Par suite, et sans que la requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle satisfaisait aux autres conditions applicables, c'est à bon droit que le préfet a rejeté sa demande.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 13 mai 2020 du préfet de la Loire-Atlantique rejetant sa demande d'échange de permis de conduire.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique :

14. En premier lieu, lorsque le ministre de l'intérieur rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision du préfet rejetant une demande d'échange de permis de conduire étranger contre un permis de conduire français, sa décision ne se substitue pas à celle du préfet. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle du préfet, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision du ministre de l'intérieur n'est pas motivée est inopérant.

15. En second lieu, la requérante ne peut utilement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, se prévaloir de l'existence d'un accord de réciprocité entre la France et Madagascar.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme E... épouse D... doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

-------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juin 2021 est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme E... devant le tribunal administratif d'Orléans sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme E... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 avril 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur

Rendu le 27 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Rousselle

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 456787
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2023, n° 456787
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:456787.20230427
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award