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11/05/2023 | FRANCE | N°464106

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 11 mai 2023, 464106


Vu la procédure suivante :



La société ATC France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 juillet 2021 par lequel le maire de Chevigny a refusé de lui délivrer un permis de construire une antenne relais.



Par une ordonnance n° 2200607 du 2 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire c

omplémentaire, enregistrés les 17 mai et 1er juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,...

Vu la procédure suivante :

La société ATC France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 juillet 2021 par lequel le maire de Chevigny a refusé de lui délivrer un permis de construire une antenne relais.

Par une ordonnance n° 2200607 du 2 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 1er juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ATC France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chevigny une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des postes et des télécommunications électroniques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société ATC France, et à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la commune de Chevigny ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Besançon que la société ATC France, spécialisée dans la réalisation d'infrastructures de télécommunications, a déposé, le 24 juin 2021, une demande de permis de construire une antenne relais, un ancrage en béton armé et des armoires techniques sur une parcelle cadastrée n° ZB 114 sur le territoire de la commune de Chevigny. Par un arrêté du 8 juillet 2021, le maire de Chevigny a refusé de lui délivrer le permis sollicité. La société ATC France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 2 mai 2022 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le pourvoi :

3. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le maire de Chevigny a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de substituer au motif initial figurant dans l'arrêté attaqué le motif tiré de la fraude entachant le dossier de demande de permis de construire. Pour regarder ce motif comme étant à l'évidence susceptible de fonder légalement le refus de permis opposé et rejeter en conséquence la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés a estimé que la demande de permis portait sur une opération de " remplacement d'une antenne relais existante " sur la parcelle cadastrée n° ZB 114 et a relevé que, contrairement à ce qu'indiquait la société pétitionnaire dans son dossier de demande, il n'existait aucun pylône " à remplacer " sur cette parcelle. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces qui lui étaient soumises que la société ATC France, propriétaire d'un pylône implanté sur la parcelle n° A 688 dans le cadre d'une convention d'occupation que la commune n'avait pas souhaité reconduire, avait déposé une demande en vue de construire un pylône sur la parcelle voisine n° ZB 114, comme solution de remplacement, afin d'y poursuivre son activité d'hébergement d'opérateurs de téléphonie mobile et que les photomontages produits faisaient clairement apparaître que l'infrastructure figurant sur le terrain d'assiette ne correspondait pas à la situation existante mais à celle projetée, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société ATC France est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le maire de Chevigny a initialement fondé son refus de délivrer le permis de construire sollicité sur l'atteinte portée à l'activité agricole en méconnaissance des dispositions de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal. Par la voie de la substitution de motifs, il invoque des nouveaux motifs de refus, tirés de la fraude, de la méconnaissance des articles L. 43, L. 34-9-1 et D. 98-6-1 du code des postes et des communications électroniques, de l'absence d'avis préalable de l'Agence nationale des fréquences et de la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. Les moyens tirés des erreurs de droit et d'appréciation entachant ces différents motifs sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il n'en va pas de même du moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux.

6. D'autre part, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et à la finalité de l'infrastructure projetée, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

7. Il résulte de ce qui précède que la société ATC est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision qu'elle attaque.

8. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Chevigny de délivrer, à titre provisoire, le permis de construire sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chevigny le versement à la société ATC France de la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Besançon et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société ATC France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 2 mai 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 8 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Chevigny a rejeté la demande de permis de construire présentée par la société ATC France est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Chevigny de délivrer, à titre provisoire, le permis de construire sollicité par la société ATC France dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de Chevigny versera la somme de 4 500 euros à la société ATC France au titre des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Chevigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société ATC France et à la commune de Chevigny.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 464106
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2023, n° 464106
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464106.20230511
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