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05/07/2023 | FRANCE | N°467992

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 juillet 2023, 467992


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905157 du 29 septembre 2020, ce tribunal a réduit d'un montant de 761 048 euros la base d'imposition de M. B... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, l'a déchargé dans cette mesure des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et d

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905157 du 29 septembre 2020, ce tribunal a réduit d'un montant de 761 048 euros la base d'imposition de M. B... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, l'a déchargé dans cette mesure des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il avait été assujetti, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Par un arrêt n° 20LY03483 du 4 août 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement en tant qu'il lui demeurait défavorable.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 4 octobre 2022, 4 janvier, 15 juin et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler cet arrêt ;

2° réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 juin 2023, présentée par M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 à 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration a réintégré dans son revenu imposable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes correspondant à des paiements effectués en faveur de la société dont il était gérant mais encaissés par lui sur ses comptes personnels. Les rehaussements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été établis par voie de taxation d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, en raison du défaut de réponse de M. B... à une demande de justifications que lui avait adressée l'administration sur le fondement de l'article L. 16 du même livre. Par un jugement du 20 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir fait droit à ses demandes de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au tire de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, a rejeté ses demandes de décharge des mêmes impositions au titre des années 2010 et 2011. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 août 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement en tant qu'il a maintenu ces dernières impositions.

2. En vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, l'administration peut adresser au contribuable une demande de justification " (...) lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 € (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 76 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 ". Aux termes de l'article 1651 F du code général des impôts : " Lorsqu'elle est saisie en application du premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires comprend, outre le président, deux représentant des contribuables, choisis par le président parmi ceux visés aux trois premiers alinéas du I de l'article 1651 A et à l'article 1651 B, et un représentant de l'administration ". Enfin, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un contribuable est taxé d'office en application de l'article L 69 du livre des procédures fiscales à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la notification que doit lui adresser l'administration en application de l'article L. 76 du même livre doit l'inviter à présenter d'éventuelles observations aux redressements notifiés et que lorsque le contribuable lui a fait parvenir ses observations dans le délai qui lui a été imparti, l'administration est tenue d'y répondre et de lui faire connaître si le désaccord persiste afin de le mettre en mesure de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la notification adressée le 24 décembre 2013 au contribuable en application des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales mentionnait chacune des sommes que l'administration lui reprochait d'avoir perçues sur ses comptes personnels alors qu'elles correspondaient à la rémunération de prestations effectuées par son entreprise, en précisant, pour chacune de ces prestations, le nom de la contrepartie, les montants concernés et la date d'encaissement. En jugeant que cette proposition, alors même qu'elle ne mentionnait pas le numéro du compte bancaire sur lequel M. B... avait encaissé chaque montant, indiquait de manière suffisante les motifs de fait sur lesquels l'administration s'était fondée pour procéder aux rectifications envisagées, la cour administratif d'appel n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. En en déduisant, après avoir relevé qu'elle indiquait également les impôts et années d'imposition concernés ainsi que les motifs de droit des rectifications envisagées, que cette proposition était suffisamment motivée pour lui permettre de faire valoir utilement ses observations, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni insuffisamment motivé son arrêt.

5. En deuxième lieu, en se fondant, pour écarter l'allégation de M. B... selon laquelle il aurait reçu signification, le 24 décembre 2013, d'une version tronquée de cette notification, ne comportant pas les pages 19 et 20 mentionnant les conséquences financières du contrôle, sur ce que celui-ci n'avait accompli aucune diligence pour signaler au vérificateur cette prétendue erreur, qui aurait pourtant été manifeste compte tenu de la mention de l'acte de signification selon laquelle le document comportait 12 feuillets et de l'incohérence d'une numérotation des pages passant directement de 18 à 21, et sur ce que la seule mention de " 13 feuilles " figurant également sur l'acte de signification ne permettait pas d'établir qu'une feuille du document litigieux aurait été manquante, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l'a entaché ni de dénaturation, ni d'erreur de droit, sans qu'ait d'incidence à cet égard la proximité de la date de signification avec celle de l'expiration du droit de reprise de l'administration pour la plus ancienne des années vérifiées. Par suite, doit également être écarté le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en se fondant, pour juger que M. B... n'avait pas été privé des garanties prévues par l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, sur le contenu de la notification établie par l'administration et non sur la version de ce document qui lui a été effectivement signifiée.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières dont elles sont issues, qu'en permettant au contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant avec l'administration, le législateur, qui a prévu que la commission siégeait dans cette hypothèse dans la composition spécifique visée à l'article 1651 F précité, n'a pas entendu restreindre cette possibilité aux seuls cas dans lesquels le désaccord porte sur les matières, mentionnées au I de l'article L. 59 A du même livre, au titre desquelles cette commission est compétente lorsque les rectifications sont mises en œuvre selon la procédure contradictoire des articles L. 55 et suivants du même livre.

7. Devant la cour administrative d'appel, M. B... soutenait que l'administration avait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en omettant de mentionner, dans sa réponse à ses observations, qu'il avait la faculté de saisir cette commission, ce qui aurait eu selon lui pour effet de le priver de cette garantie. Pour écarter ce moyen, la cour s'est fondée sur ce que les revenus de capitaux mobiliers, exceptés ceux visés au d de l'article 111 du code général des impôts, échappaient à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, telle que définie par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, de sorte que M. B... n'avait pu être privé de la garantie tenant à la possibilité de la saisir. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit.

8. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration de faire mention, dans la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans la notification des bases taxées d'office prévue par l'article L. 76 du même livre ou dans la réponse aux observations du contribuable, de la possibilité qu'a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts en cas de désaccord persistant. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, à celui retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467992
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - OBLIGATION DE MENTIONNER LA POSSIBILITÉ DE SAISIR LA CDI DANS LA PR - LA NOTIFICATION DES BASES TAXÉES D’OFFICE OU LA ROC – ABSENCE.

19-01-03-02 Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l’administration de faire mention, dans la proposition de rectification (PR) prévue par l’article L. 57 du LPF, dans la notification des bases taxées d’office prévue par l’article L. 76 du même livre ou dans la réponse aux observations du contribuable (ROC), de la possibilité qu’a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (CDI) en cas de désaccord persistant.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - COMMISSION DÉPARTEMENTALE - SAISINE PAR UN CONTRIBUABLE TAXÉ D’OFFICE (ART - L - 69 ET L - 76 DU LPF) – RESTRICTION AUX SEULS CAS DANS LESQUELS LE DÉSACCORD PORTE SUR UNE MATIÈRE MENTIONNÉE AU I DE L’ARTICLE L - 59 A DU MÊME LIVRE – ABSENCE.

19-01-03-02-03-01 Il résulte de la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales (LPF), telles qu’éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dont il est issu, qu’en permettant au contribuable taxé d’office en application de l’article L. 69 du LPF à l’issue d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (CDI) en cas de désaccord persistant avec l’administration, le législateur, qui a prévu que la commission siégeait dans cette hypothèse dans la composition spécifique visée à l'article 1651 F, n’a pas entendu restreindre cette possibilité aux seuls cas dans lesquels le désaccord porte sur les matières, mentionnées au I de l’article L. 59 A du même livre, au titre desquelles cette commission est compétente lorsque les rectifications sont mises en œuvre selon la procédure contradictoire des articles L. 55 et suivants du même livre.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - COMMISSION DÉPARTEMENTALE - OBLIGATION DE MENTIONNER CETTE FACULTÉ DANS LA PR - LA NOTIFICATION DES BASES TAXÉES D’OFFICE OU LA ROC – ABSENCE.

19-01-03-02-03-02 Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l’administration de faire mention, dans la proposition de rectification (PR) prévue par l’article L. 57 du LPF, dans la notification des bases taxées d’office prévue par l’article L. 76 du même livre ou dans la réponse aux observations du contribuable (ROC), de la possibilité qu’a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires (CDI) en cas de désaccord persistant.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2023, n° 467992
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467992.20230705
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