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10/07/2023 | FRANCE | N°469860

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 10 juillet 2023, 469860


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 décembre 2022, 27 janvier et 2 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 21 novembre 2022 accordant son extradition aux autorités marocaines.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention contre la torture et autres peines

ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 décembre 2022, 27 janvier et 2 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 21 novembre 2022 accordant son extradition aux autorités marocaines.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

- la convention d'extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 2008 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités marocaines l'extradition de M. A... B..., de nationalité marocaine, au titre d'un mandat d'arrêt international délivré le 23 février 2017 par le substitut du procureur général du Roi près la cour d'appel de Fès aux fins de l'exercice de poursuites pénales pour des faits qualifiés de détournement de fonds publics.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article 2-1 de la convention d'extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc en date du 18 avril 2008 qui détermine les conditions mises à l'extradition entre les deux pays : " 1. Donnent lieu à extradition les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d'une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans ou d'une peine plus sévère. ". Aux termes de l'article 6 de la même convention : " (...) 2. La demande d'extradition doit être formulée par écrit et accompagnée : (...) d) les textes des dispositions légales applicables à l'infraction ou aux infractions pour lesquelles l'extradition est demandée, les peines correspondantes et les délais de prescription. Lorsqu'il s'agit d'infractions commises hors du territoire de la Partie requérante, le texte des dispositions légales ou conventionnelles attribuant compétence à ladite Partie (...) ". Aux termes de l'article 707 du code de procédure pénale marocain : " Tout fait qualifié crime par la loi marocaine et commis hors du royaume par un marocain peut être poursuivi et jugé au Maroc. / Toutefois la poursuite ou le jugement ne peut avoir lieu que lorsque l'inculpé est revenu au Maroc et ne justifie pas que le jugement de condamnation a acquis force de chose jugée à l'étranger et, en cas de condamnation, avoir subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à M. B... d'avoir commis, alors qu'il était employé consulaire à l'étranger, des faits de détournement de fonds publics, qualifiés de crime par la loi marocaine. Il résulte des dispositions précitées du premier alinéa de l'article 707 du code de procédure pénale marocain que les autorités judiciaires marocaines sont compétentes pour poursuivre et juger de tels faits. La circonstance qu'un mandat d'arrêt international visant à engager une procédure d'extradition à l'encontre du requérant ait été émis en l'absence de ce dernier sur le territoire marocain est sans incidence sur cette compétence, dès lors qu'elle concerne seulement les modalités d'exercice des poursuites, dont il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la régularité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le Premier ministre aurait, en décidant l'extradition, méconnu l'article 2-1 de la convention bilatérale d'extradition, ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret qu'il attaque, il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, en raison des conditions d'incarcération au Maroc, il n'apporte, au soutien de ce moyen, aucun élément permettant d'établir l'existence des risques qu'il encourrait à titre personnel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 21 novembre 2022 accordant son extradition aux autorités marocaines.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat, Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 10 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469860
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-04-03 ÉTRANGERS. - EXTRADITION. - DÉCRET D'EXTRADITION. - RÉGULARITÉ DES MODALITÉS D’EXERCICE DES POURSUITES – 1) INCIDENCE SUR LA COMPÉTENCE DE L’ÉTAT REQUÉRANT POUR POURSUIVRE ET JUGER LES FAITS – ABSENCE – 2) CONTRÔLE PAR LE CONSEIL D’ÉTAT – ABSENCE [RJ1].

335-04-03 Premier ministre ayant accordé l’extradition d’un ressortissant marocain....Il résulte des dispositions du code de procédure pénale marocain que les autorités judiciaires marocaines sont compétentes pour poursuivre et juger les faits qu’il est reproché à ce ressortissant marocain d’avoir commis à l’étranger. ...1) La circonstance qu’un mandat d’arrêt international visant à engager une procédure d’extradition à l’encontre de ce ressortissant marocain ait été émis en l’absence de ce dernier sur le territoire marocain est sans incidence sur cette compétence, dès lors qu’elle concerne seulement les modalités d’exercice des poursuites, 2) dont il n’appartient pas au Conseil d’Etat statuant au contentieux d’apprécier la régularité.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 19 mars 2010, M. Abi Elias, n° 328872, T. p. 808.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2023, n° 469860
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469860.20230710
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