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10/11/2023 | FRANCE | N°470316

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 470316


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une part, que soit constatée l'inexécution de l'injonction adressée au préfet de Mayotte, par son ordonnance n° 2204456 du 6 octobre 2022, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance et, d'autre part, que soit réitérée sans délai l'injonction au préfet de lui délivrer cette

autorisation de travail, en l'assortissant d'une astreinte de 500 euros p...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une part, que soit constatée l'inexécution de l'injonction adressée au préfet de Mayotte, par son ordonnance n° 2204456 du 6 octobre 2022, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de cette ordonnance et, d'autre part, que soit réitérée sans délai l'injonction au préfet de lui délivrer cette autorisation de travail, en l'assortissant d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2205212 du 4 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a enjoint au préfet de Mayotte de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de cinq jours suivant la notification de cette ordonnance et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un pourvoi enregistré le 9 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 6 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, d'une part, ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de Mayotte a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, d'autre part, enjoint au préfet de Mayotte de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance et de lui délivrer dans un délai de huit jours suivant cette notification une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision du juge du fond. Le préfet de Mayotte a, en exécution de cette ordonnance, délivré à Mme A... le 17 octobre 2022 une autorisation provisoire de séjour qui n'autorisait pas l'intéressée à travailler. Saisi par Mme A... d'une requête tendant, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, à l'exécution de l'ordonnance du 6 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a, par une ordonnance du 4 novembre 2022, enjoint au préfet de Mayotte de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de cinq jours suivant la notification de l'ordonnance, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".

3. Il appartient aux parties, si elles estiment qu'un jugement est entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur matérielle, de recourir aux voies de réformation du jugement ouvertes par le code de justice administrative. Elles peuvent également, en cas d'erreur matérielle, s'adresser au président du tribunal pour lui signaler l'existence d'une erreur matérielle dans ce jugement. En dehors de ces voies de réformation et de la possibilité pour le président du tribunal de rectifier l'erreur matérielle affectant un jugement, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle, de rectifier les erreurs de droit ou purement matérielles dont cette décision serait entachée.

4. Pour enjoindre par l'ordonnance attaquée au préfet de Mayotte de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a estimé que c'est par suite d'une erreur matérielle que le dispositif de l'ordonnance du 6 octobre 2022 n'avait pas précisé que l'autorisation provisoire de séjour qu'il était enjoint au préfet de délivrer à Mme A... devait l'autoriser à travailler. En rectifiant l'erreur matérielle qui, selon lui, entachait l'ordonnance du 6 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif a méconnu l'office du juge de l'exécution. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit et à en demander, par voie de conséquence, l'annulation.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que la suspension de l'exécution du refus de titre de séjour que prononce l'ordonnance du 6 octobre 2022 implique nécessairement que l'autorisation provisoire de séjour que cette ordonnance enjoint au préfet de délivrer à Mme A... autorise celle-ci à travailler. Par suite, la requérante, en se bornant à invoquer les motifs de cette ordonnance, n'est pas fondée à demander qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Mayotte du 4 novembre 2022 est annulée.

Article 2 : La demande de Mme A... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme B... A... et au préfet de Mayotte.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Paul Bernard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Bernard

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 470316
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2023, n° 470316
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470316.20231110
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