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10/11/2023 | FRANCE | N°470808

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 470808


Vu la procédure suivante :



La société Free Mobile a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 23 mai 2022 par laquelle le maire de la commune de La Verdière (Var) s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de la création d'un relais de radiotéléphonie mobile sur le territoire de la commune, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune de lui délivrer une décis

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Vu la procédure suivante :

La société Free Mobile a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 23 mai 2022 par laquelle le maire de la commune de La Verdière (Var) s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de la création d'un relais de radiotéléphonie mobile sur le territoire de la commune, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune de lui délivrer une décision de non-opposition dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2300017 du 9 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 25 janvier, 2 février, 19 juin, 28 août et 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Free Mobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Verdière la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société Free mobile, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de La Verdière ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Free Mobile se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 janvier 2023 prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, a rejeté sa demande de suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, de la décision du 23 mai 2023 par laquelle le maire de la commune de La Verdière s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur le territoire de cette commune.

Sur le cadre juridique :

2. En premier lieu, l'article L. 521-1 du code de justice administrative dispose que : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ". L'article L. 522-3 permet ainsi au juge des référés, lorsque les conditions qu'il fixe sont remplies, de statuer sans procédure contradictoire et sans audience publique.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. (...) ".

4. En outre, en vertu des articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l'urbanisme, lorsque, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, la commune demande à l'auteur de la déclaration les pièces qu'elle estime manquer au dossier, sa demande doit notamment préciser que les pièces manquantes doivent lui être adressées dans le délai de trois mois à compter de sa réception et que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie.

5. En vertu du c) de l'article R. 423-24 du même code, le délai d'instruction de droit commun des déclarations préalables, qui est d'un mois en application de l'article R. 423-23 du même code, est majoré d'un mois lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques. Aux termes du II de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (...) ". Selon l'article L. 621-32 du même code, " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1. " Selon l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 632-2 du même code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 632-2-1 du même code : " Par exception au I de l'article L. 632-2, l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est soumise à l'avis de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle porte sur : / 1° Des antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d'accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ; (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains (...). ". L'article N.T.1.1 du règlement du plan d'urbanisme de la commune de la Verdière dispose en outre que sont autorisées " les installations nécessaires à des équipements collectifs en toute zone et tout secteur dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages " et son article PG.3.3 que " En toutes zones, les ouvrages techniques nécessaires au bon fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif peuvent être accordés sous réserve d'une bonne intégration au site (antennes relais ...) (...). ".

Sur l'ordonnance attaquée :

7. Il ressort des pièces soumises au juge des référés que, dans la demande qu'elle lui a adressée, la société Free mobile soutenait notamment que la décision litigieuse avait été signée par une personne ne disposant pas d'une délégation de compétence, qu'elle devait être regardée comme le retrait illégal d'une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable et qu'au regard des caractéristiques du projet et de celles des lieux environnants, les motifs de refus, tirés du non-respect des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et N.T.1.1 du règlement du plan d'urbanisme de la commune de la Verdière en raison de la hauteur du projet et de son impact visuel, étaient illégaux.

8. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a jugé qu'il apparaissait manifeste, au seul vu de la demande, que celle-ci était mal fondée et l'a rejetée en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sans instruction contradictoire, et en particulier sans solliciter les observations de la commune sur les caractéristiques du lieu d'implantation du projet et des lieux avoisinants. En statuant ainsi, alors qu'il ne disposait d'aucun élément lui permettant de se prononcer sur les moyens soulevés, le juge des référés a méconnu son office.

9. Il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur la demande de suspension :

10. D'une part, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société Free Mobile qui a pris des engagements vis-à-vis de l'Etat quant à la couverture du territoire par son réseau et à la circonstance que le territoire de la commune de La Verdière n'est que partiellement couvert par le réseau de téléphonie mobile de la société requérante, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

11. D'autre part, sont de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée les moyens, mentionnés au point 8, tirés de l'incompétence du signataire de la décision, de ce que la décision attaquée doit être regardée comme retirant une décision de non-opposition tacite en méconnaissance des dispositions de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 et de l'illégalité des motifs de la décision ;

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis au Conseil d'Etat, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner la suspension de la décision attaquée.

13. Il résulte de ce qui précède que la Société Free Mobile est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté contesté du 23 mai 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision suspendue interdiraient que la demande de suspension puisse être accueillie pour un motif que la commune n'a pas relevé ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la présente décision y ferait obstacle. Par suite il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de la Verdière de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu, en revanche, s'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Verdière le versement à la société Free Mobile d'une somme de 4 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de cette société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de La Verdière au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 9 janvier 2023 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 23 mai 2022 du maire de La Verdière s'opposant à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de La Verdière de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune de La Verdière versera à la société Free Mobile une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de La Verdière tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Free Mobile et à la commune de La Verdière.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Paul Bernard, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Bernard

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 470808
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2023, n° 470808
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470808.20231110
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