La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°487666

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 21 décembre 2023, 487666


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions implicites par lesquelles la préfète du Rhône a respectivement rejeté sa demande de titre de séjour et refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui déli

vrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail d'une durée d'au mo...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions implicites par lesquelles la préfète du Rhône a respectivement rejeté sa demande de titre de séjour et refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail d'une durée d'au moins six mois, dans un délai de cinq jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2306306 du 27 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 7 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP gatineau, fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B... est arrivée en France le 16 septembre 2021 accompagnée de son fils mineur gravement malade et qu'elle a déposé une demande de certificat de résidence en qualité d'étranger malade, sur le fondement des stipulations des 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. La préfète du Rhône lui a délivré le 7 mars 2022 une attestation de dépôt d'une demande de séjour valable jusqu'au 6 septembre 2022. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la préfète du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour déposée le 7 mars 2022 et de la décision de refus de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail d'une durée d'au moins six mois. Par une ordonnance du 27 juillet 2023, contre laquelle Mme B... se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

3. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, pour rejeter la demande de Mme B..., estimé que les effets de la décision attaquée ne caractérisaient pas une situation d'urgence. En statuant ainsi, alors qu'avaient été produits l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 juillet 2022 concernant l'enfant de la requérante, qui considérait que l'état de santé de ce dernier nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne pouvait pas bénéficier dans son pays d'origine, que la requérante produisait la confirmation d'inscription de son enfant sur la liste nationale d'attente d'une greffe de rein et d'une greffe de foie, un certificat médical du 9 février 2022 du chef de service du service de néphrologie, rhumatologie et dermatologie pédiatrique de l'hôpital femme-mère-enfant de Bron établissant que l'enfant de la requérante nécessitait des soins quotidiens et un certificat médical du même jour certifiant que sa présence était justifiée sur le territoire du fait de l'état de santé de son fils et qu'enfin, elle soutenait, sans être contredite, qu'elle se trouvait dans une situation de très grande précarité et dépourvue de toute ressource pour faire face aux besoins de son enfant, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la condition d'urgence doit être, dans les circonstances de l'espèce, regardée comme remplie.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 sur l'état de santé du fils de la requérante que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien paraît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision implicite par laquelle la préfète du Rhône a refusé de délivrer à Mme B... un certificat de résidence.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions par lesquelles la préfète du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B... et refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête tendant à leur annulation.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 521-1 du même code dispose : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 911-1 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". En vertu de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

11. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 521-1, L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative que le juge des référés peut, y compris de sa propre initiative lorsque la décision contestée est une décision administrative de rejet, assortir la mesure de suspension qu'il ordonne de l'indication des obligations provisoires qui en découleront pour l'administration et qui pourront consister à réexaminer la demande dans un délai déterminé ou, le cas échéant, à prendre toute mesure conservatoire utile compte tenu de l'objet du litige, du moyen retenu et de l'urgence. Toutefois, ces mesures doivent être celles qui sont impliquées nécessairement par la décision de suspension.

12. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Savoie, désormais territorialement compétent compte tenu du nouveau domicile de la requérante, d'une part, de délivrer à Mme B... un récépissé de sa demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision et, d'autre part, de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la même date, au réexamen de sa demande de titre de séjour. En revanche, il n'y a lieu ni d'assortir cette injonction d'une astreinte, ni de faire droit au surplus des conclusions de la demande de Mme B....

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : L'exécution des décisions implicites par lesquelles la préfète du Rhône a respectivement rejeté la demande de titre de séjour de Mme B... et refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Savoie, d'une part, de délivrer à Mme B... un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision et, d'autre part, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la même date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme B..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 487666
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2023, n° 487666
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:487666.20231221
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award