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29/12/2023 | FRANCE | N°468248

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 décembre 2023, 468248


Vu la procédure suivante :



M. Ladgi C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir, en premier lieu, la décision du 22 mai 2012 par laquelle la présidente de la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) des îles de Guadeloupe lui a accordé un congé sans rémunération pour convenances personnelles, en tant qu'elle a limité ce congé à une durée d'un an et subordonné son renouvellement à une manifestation de sa volonté, en deuxième lieu, la décision du 29 novembre 2013 par laquelle la présidente

de la CCIR l'a déclaré démissionnaire et l'a radié des cadres et, en dernier li...

Vu la procédure suivante :

M. Ladgi C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir, en premier lieu, la décision du 22 mai 2012 par laquelle la présidente de la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) des îles de Guadeloupe lui a accordé un congé sans rémunération pour convenances personnelles, en tant qu'elle a limité ce congé à une durée d'un an et subordonné son renouvellement à une manifestation de sa volonté, en deuxième lieu, la décision du 29 novembre 2013 par laquelle la présidente de la CCIR l'a déclaré démissionnaire et l'a radié des cadres et, en dernier lieu, la décision du 30 mai 2017 par laquelle le président de la CCIR a refusé de retirer la décision du 29 novembre 2013. Par un jugement n° 1800545 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19BX03716 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. C..., annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 29 novembre 2013 et 30 novembre 2017, puis annulé ces deux décisions et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 16 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CCIR des îles de Guadeloupe demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., agent de droit public de la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) des îles de Guadeloupe, a sollicité, en 2012, un congé sans rémunération pour convenances personnelles. Par une décision du 22 avril 2012, la présidente de cette chambre lui a accordé ce congé, à compter du 1er octobre 2012, pour une durée d'un an. Cette décision précisait que M. C... devait se manifester, avant le terme de ce congé, pour indiquer s'il entendait reprendre son poste, démissionner ou prolonger son congé. Par une décision du 29 novembre 2013, la présidente de la CCIR, sans nouvelles de M. C..., l'a considéré comme démissionnaire et a prononcé sa radiation des cadres. En réponse à une demande de M. C..., le président de la CCIR a, par décision du 30 mai 2017, refusé de retirer cette dernière décision. Par un jugement du 28 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté les demandes de M. C... tendant à l'annulation des décisions du 22 avril 2012, du 29 novembre 2013 et du 30 mai 2017. Par un arrêt du 13 juillet 2022, contre lequel la CCIR se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 28 juin 2019 et les décisions du 29 novembre 2013 et du 30 mai 2017.

2. En premier lieu, la cour a considéré que M. C... n'avait eu connaissance de la décision du 29 novembre 2013 le déclarant démissionnaire qu'à la date de sa lettre adressée à la CCIR le 17 mai 2017. En jugeant qu'eu égard au contenu de cette lettre, cette dernière devait être considérée comme un recours gracieux exercé contre la décision du 29 novembre 2013 et en relevant que ce recours avait été rejeté comme tel par la CCIR, la cour administrative d'appel a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 4. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 4 pour saisir le juge.

6. En jugeant, après avoir retenu que le courrier du 30 mai 2017 constituait une décision de rejet du recours gracieux de M. C... et souverainement constaté qu'il n'avait pas été notifié à ce dernier dans les conditions prévues au point 3, que le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne lui était pas opposable et que le délai raisonnable d'un an, qui avait commencé à courir à compter du rejet du recours gracieux, n'était pas expiré, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la CCIR n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe et à M. Ladgi C....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 468248
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 468248
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468248.20231229
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