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29/12/2023 | FRANCE | N°471945

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 décembre 2023, 471945


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2018 par laquelle le directeur du centre ministériel de gestion (CMG) de Metz a refusé de le nommer au grade de technicien supérieur d'études et de fabrications de 1ère classe au 1er janvier 2018 ainsi que la décision du 9 août 2018 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de lui verser rétroactivement les rappels de rémunération correspondants. Par un jugement n° 1807682 du 23 novembre 20

20, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 19 a...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2018 par laquelle le directeur du centre ministériel de gestion (CMG) de Metz a refusé de le nommer au grade de technicien supérieur d'études et de fabrications de 1ère classe au 1er janvier 2018 ainsi que la décision du 9 août 2018 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de lui verser rétroactivement les rappels de rémunération correspondants. Par un jugement n° 1807682 du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 19 avril et 9 août 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 21MA00300 du 6 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre des armées contre ce jugement

Par un pourvoi, enregistré le 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code du service national ;

- la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2011-964 du 16 août 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ancien sous-officier du service des essences des armées, a été intégré à la fonction publique de l'Etat sur le fondement de l'article L. 4139-1 du code de la défense et, à ce titre, titularisé dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF) de 2ème classe du ministère de la défense, à compter du 1er septembre 2017, au 11ème échelon du 2ème grade de ce corps. Le 26 octobre 2017, il a été informé de sa réussite à l'examen professionnel, organisé au titre de l'année 2018, pour l'accès au 3ème grade des TSEF. Toutefois, le 19 avril 2018, après examen de son dossier, le directeur du centre ministériel de gestion de Metz l'a informé qu'il ne pourrait pas prononcer sa nomination dans ce grade, au motif qu'il ne remplissait pas les conditions d'ancienneté requises pour se présenter à l'examen professionnel. Par un courrier du 1er juin 2018, M. B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision qui a été rejeté par une décision du 9 août 2018. Par un jugement du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. B..., annulé les décisions du 19 avril et du 9 août 2018. Par un arrêt du 6 janvier 2023, contre lequel le ministre des armées se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense : " La demande de mise en détachement du militaire lauréat d'un concours de l'une des fonctions publiques civiles ou d'accès à la magistrature ainsi que celle du militaire admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier dans un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade du corps ou cadre d'emplois est acceptée, sous réserve que l'intéressé ait accompli au moins quatre ans de services militaires (...) le militaire lauréat de l'un de ces concours, ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade de ce corps ou cadre d'emplois, est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi ".

3. Aux termes de l'article 18 du décret du 16 août 2011 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense : " Les conditions d'accès aux grades de technicien supérieur d'études et de fabrications de 2e classe et de technicien supérieur d'études et de fabrications de 1ère classe sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 susvisé ". L'article 1er du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat dispose que : " Les corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B par leurs statuts particuliers et inscrits par eux en annexe au présent décret relèvent des dispositions de celui-ci (...) ", parmi lesquels figure le corps de technicien supérieur d'études et de fabrications. En vertu de l'article 2 du même décret : " Chaque corps comprend trois grades ou assimilés : / les premier et deuxième grades comportent treize échelons ; / le troisième grade, grade le plus élevé, comporte onze échelons ". Aux termes du II de l'article 25 du même décret, dans sa version applicable au litige : " Peuvent être promus au troisième grade de l'un des corps régis par le présent décret : / 1° Par la voie d'un examen professionnel, les fonctionnaires justifiant d'au moins deux ans dans le 5e échelon du deuxième grade et d'au moins trois années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les agents appartenant au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense doivent, pour pouvoir être promus au troisième grade de leur corps par la voie d'un examen professionnel, justifier d'au moins trois ans de services effectifs accomplis en qualité de fonctionnaire dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau.

5. Ni les dispositions de l'article L. 4139-1 du code de la défense, citées au point 2, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire ne prévoit que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique selon la procédure prévue par l'article L. 4139-1, l'appréciation de la durée de service exigée pour la promotion à un grade supérieur dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil doit inclure les services qu'il a antérieurement accomplis en tant que militaire. Par suite, en jugeant que, pour apprécier la durée des services accomplis par M. B... dans son corps d'accueil, l'administration devait tenir compte des services militaires accomplis par l'intéressé avant sa réussite à l'examen professionnel, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, le ministre des armées est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé, pour l'application de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, que les services accomplis par les militaires en qualité de sous-officier doivent être regardés comme des services effectifs dans un corps de même niveau qu'un cadre d'emplois ou emploi de catégorie B.

8. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

9. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Chaque concours donne lieu à l'établissement d'une liste classant par ordre de mérite les candidats déclarés aptes par le jury. / (...) / Les nominations sont prononcées dans l'ordre d'inscription sur la liste principale, puis dans l'ordre d'inscription sur la liste complémentaire. S'il apparaît, au moment de la vérification des conditions requises pour concourir, laquelle doit intervenir au plus tard à la date de la nomination, qu'un ou plusieurs candidats déclarés aptes par le jury ne réunissaient pas lesdites conditions, il peut être fait appel, le cas échéant, aux candidats figurant sur la liste complémentaire. / (...) ".

10. M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute en ne vérifiant les conditions requises pour se porter candidat qu'après les résultats de l'examen professionnel, dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 qu'une telle vérification pouvait l'être jusqu'à la date de la nomination consécutive à la réussite à cet examen professionnel.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 8 du code du service national : " Sont considérés comme ayant satisfait à leurs obligations de service actif, les jeunes gens qui ont accompli, en vertu d'un engagement, une durée de service au moins égale à la durée légale de ce service actif ". Le deuxième alinéa de l'article L. 63 du même code dispose : " Le temps de service national actif est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite ".

12. M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il résulterait de la combinaison des dispositions des articles L. 8 et L. 63 du code du service national que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique selon la procédure prévue par l'article L. 4139-1 du code de la défense, l'appréciation de la durée de service exigée pour la promotion à un grade supérieur dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil devrait inclure les services antérieurement accomplis en tant que militaire et équivalant à la durée du service national actif.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les décisions litigieuses du 19 avril et du 9 août 2018.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 6 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille et l'article 1er du jugement du 23 novembre 2020 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 471945
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 471945
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471945.20231229
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