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06/03/2024 | FRANCE | N°468958

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 mars 2024, 468958


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2223462/12-1 du 15 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. A... B..., enregistrée au greffe de ce tribunal le 10 novembre 2022. Par cette requête, M. B... demande au Conseil d'État :



1°) d'annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'adjoint à la cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou d

signés de la direction des services judiciaires du ministère de la justice a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2223462/12-1 du 15 novembre 2022, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. A... B..., enregistrée au greffe de ce tribunal le 10 novembre 2022. Par cette requête, M. B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 20 juin 2022 par laquelle l'adjoint à la cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés de la direction des services judiciaires du ministère de la justice a rejeté sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, ensemble la décision du 9 septembre 2022 par laquelle la sous-directrice des ressources humaines de la magistrature de la direction des services judiciaires du ministère de la justice a rejeté son recours hiérarchique;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, saisi par M. B... de sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, le garde des sceaux, ministre de la justice, a, par une décision du 20 juin 2022, refusé de proposer celle-ci au Conseil supérieur de la magistrature. Par la présente requête, M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ainsi que de la décision du 9 septembre 2022 rejetant son recours gracieux formé contre ce refus.

2. L'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit, au chapitre V bis, des possibilités d'intégration provisoire et à temps partiel dans le corps judiciaire, parmi lesquelles figure le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire. Aux termes de l'article 41-10 de cette ordonnance : " Peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge d'instance, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. (...) / Elles doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l'article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de cinq années au moins d'exercice professionnel(...)". Aux termes de l'article 22 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : / 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ; / 2° Les directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leur corps ; / 3° Les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice ne remplissant pas les conditions prévues au 1° de l'article 16 et justifiant de sept années de services effectifs au moins en cette qualité ". Aux termes de l'article 41-12 de cette même ordonnance : " Les magistrats recrutés au titre de l'article 41-10 sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. / (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les modalités d'organisation et la durée de la formation (...) ". Enfin, aux termes de l'article 35-1 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de cette ordonnance : " Tout candidat aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire (...) doit transmettre sa demande, adressée au garde des sceaux, aux chefs de la cour d'appel dans le ressort de laquelle il réside, qui procèdent à l'instruction de sa candidature. Le dossier de candidature doit comporter l'indication du ou des tribunaux judiciaires dans lesquels l'intéressé aspire à être nommé ". Aux termes de l'article 35-2 de ce même décret : " Le dossier de candidature, assorti de l'avis motivé des chefs de cour, est transmis au garde des sceaux, ministre de la justice, qui procède, le cas échéant, à une instruction complémentaire. / Le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège des projets de nomination aux fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire. / Il lui transmet, avec chaque projet de première nomination, la liste de tous les candidats aux fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire dans la même juridiction. / Les dossiers de l'ensemble des candidats aux fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire sont tenus à la disposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au garde des sceaux, qui dispose, en vertu de l'article 35-2 du décret du 7 janvier 1993, d'un pouvoir d'instruction propre, de s'assurer, avant de saisir le Conseil supérieur de la magistrature, de la recevabilité des dossiers de candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire qui lui sont transmis par les chefs de cour d'appel. Il lui revient à ce titre, dans un premier temps, d'écarter les candidatures qui ne répondent pas aux conditions d'âge, de diplôme et d'exercice professionnel découlant de l'article 41-10 de l'ordonnance, avant, dans un second temps, de transmettre l'ensemble des candidatures recevables au Conseil supérieur de la magistrature et de proposer à la nomination, parmi les candidats qui satisfont à ces conditions, ceux dont il estime qu'ils remplissent également l'exigence selon laquelle les intéressés doivent détenir une compétence et une expérience les qualifiant particulièrement pour l'exercice de ces fonctions judiciaires.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé sa candidature aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire à la cour d'appel de Limoges, puis a été auditionné le 30 mars 2022 par la secrétaire générale de la première présidence et le secrétaire du Parquet général de cette cour. M. B... soutient qu'en application de l'article 35-1 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, sa candidature devait être examinée par les autorités compétentes de la cour d'appel d'Agen, comme il l'avait demandé dans un second temps, au motif qu'il résidait dans le ressort de cette dernière, et non par les autorités compétentes de la cour d'appel de Limoges. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le fait que l'évaluation de son expérience professionnelle et de ses motivations ait été conduite par la cour d'appel de Limoges plutôt que par celle d'Agen n'a, en tout état de cause, pas privé le requérant d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions attaquées, alors que les fonctions dont il se prévalait principalement comme le qualifiant pour les fonctions de magistrat à titre temporaire avaient été exercées dans le ressort de la cour d'appel de Limoges et qu'il indiquait dans son dossier de candidature qu'il aspirait à être nommé au tribunal judiciaire de Guéret, situé dans le ressort de cette cour. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'audition par des magistrats de la cour d'appel de Limoges, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le garde des sceaux, ministre de la justice, pouvait préciser, dans sa circulaire du 29 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la réforme relative aux magistrats exerçant à titre temporaire et instruction des candidatures, les modalités selon lesquelles les candidatures aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire sont instruites et prévoir que : " Le candidat est entendu par les chefs de cour ou leurs délégataires, notamment sur sa motivation et son expérience professionnelle en matière juridique. Une fiche d'entretien est jointe à cette circulaire à titre de modèle ". Ainsi qu'il a été dit au point 4, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été auditionné le 30 mars 2022 par la secrétaire générale de la première présidence et le secrétaire du Parquet général de la cour d'appel de Limoges et que l'avis délivré à la suite de cette audition a été signé par les chefs de cour. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que les magistrats ayant procédé à son audition n'avaient pas de compétence d'attribution pour exercer cette mission.

6. En troisième lieu, si M. B... soutient disposer de compétences particulièrement adaptées à l'exercice des fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, il ressort des pièces du dossier que le garde des sceaux a fondé sa décision de refus de proposition de sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature sur les insuffisances relevées, lors de son entretien, quant à ses connaissances en matière juridique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le garde des sceaux aurait entaché, ce faisant, les décisions contestées d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 6 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Hoynck

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 468958
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2024, n° 468958
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468958.20240306
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