La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°475063

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 04 avril 2024, 475063


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 475063, par une requête sommaire, trois mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin, 4 et 7 juillet, 15 août et 16 novembre 2023, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... K..., Mme F... H..., Mme E... B..., Mme D... I..., M. Q... P..., M. O... J... et M. L... M... demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 1er juin 2023 par laquelle le conseil académique restreint de l'unive

rsité de Bourgogne a décidé de ne pas transmettre au Conseil national des universités l...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 475063, par une requête sommaire, trois mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin, 4 et 7 juillet, 15 août et 16 novembre 2023, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... K..., Mme F... H..., Mme E... B..., Mme D... I..., M. Q... P..., M. O... J... et M. L... M... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 1er juin 2023 par laquelle le conseil académique restreint de l'université de Bourgogne a décidé de ne pas transmettre au Conseil national des universités la liste des candidats classés par le comité de sélection relative au recrutement pour le poste de professeur des universités en droit public n° PR 0077, d'autre part, la décision du 21 juin 2023 par laquelle le président de l'université a mis fin au processus de recrutement pour ce poste ;

2°) d'enjoindre au conseil académique de l'université de Bourgogne d'examiner à nouveau la liste de candidats transmise par le comité de sélection pour le poste n° PR 0077 dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

2° Sous le n° 476300, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 25 juillet, 19 août et 19 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme N... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération du 1er juin 2023 par laquelle le conseil académique restreint de l'université de Bourgogne a décidé de ne pas transmettre à la section compétente du Conseil national des universités la liste des candidats classés par le comité de sélection relative au recrutement pour le poste de professeur des universités en droit public n° PR 0077, d'autre part, la décision du 21 juin 2023 par laquelle le président de l'université a mis fin au processus de recrutement pour ce poste ;

2°) d'enjoindre au conseil académique de l'université de Bourgogne d'examiner à nouveau la liste de candidats transmise par le comité de sélection pour le poste n° PR 0077 ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Bourgogne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'université de Bourgogne et de l'université de Dijon UBFC université de Bourgogne Franche-Comte ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2024, présentée par Mme K... et autres sous le n° 475063 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers que l'université de Bourgogne a ouvert au recrutement par concours, sous le n° PR 0077, un poste de professeur des universités en droit public. Par une délibération du 26 mai 2023, le comité de sélection institué pour ce recrutement a procédé à l'audition de huit candidats et établi une liste de huit noms, sur laquelle Mme C..., maîtresse de conférences en droit public à l'université de Toulouse I Capitole, figurait en première position. Toutefois par une délibération du 1er juin 2023, le conseil académique, siégeant en formation restreinte, a décidé que cette liste des candidats classés par ordre de préférence ne serait pas transmise au conseil d'administration siégeant en formation restreinte. Par une décision du 21 juin 2023, le président de l'université de Bourgogne a interrompu le concours. Par une requête enregistrée sous le numéro 475063, au soutien de laquelle Mme C..., qui justifie d'un intérêt suffisant, a présenté une intervention, et par une requête enregistrée sous le numéro 476300, Mme K... et autres, d'une part, et Mme C..., d'autre part, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : " Le comité de sélection examine les dossiers des candidats postulant à la nomination dans l'emploi de maître de conférences ou de professeur des universités soit par mutation, soit par détachement. Pour la nomination par recrutement à l'issue d'un concours, il examine les dossiers des candidats, selon le cas, inscrits sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités ou dispensés d'une telle qualification. Au vu de rapports pour chaque candidat présenté par deux de ses membres, le comité établit la liste des candidats qu'il souhaite entendre. (...) / Après avoir procédé aux auditions, le comité de sélection délibère sur les candidatures et, par un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats, arrête la liste, classée par ordre de préférence, de ceux qu'il retient. Le comité de sélection se prononce à la majorité des voix des membres présents. En cas de partage des voix, le président du comité a voix prépondérante. / Le comité de sélection émet un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats ainsi qu'un avis motivé sur chaque candidature. Ces deux avis sont communiqués aux candidats sur leur demande. / Dès lors que le comité de sélection a rendu un avis sur le ou les emplois pour lesquels il a été constitué, il met fin à son activité. / L'avis du comité de sélection est transmis au conseil académique ou à l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation. / Au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, propose le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. Il ne peut proposer que les candidats retenus par le comité de sélection. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement. / Le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, prend connaissance du nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, de la liste des candidats proposée par le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation. / Sauf dans le cas où le conseil d'administration émet un avis défavorable motivé, le président ou directeur de l'établissement communique au ministre chargé de l'enseignement supérieur le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement. (...) ".

3. Aucune règle ni aucun principe n'impose que le comité de sélection, lorsqu'il se prononce sur les mérites des candidats en vue de leur audition, statue dans une composition identique pour tous les candidats. A cet égard, la seule circonstance qu'un membre du jury d'un examen ou d'un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations de cet examen ou de ce concours. En revanche, le respect du principe d'impartialité exige que, lorsqu'un membre du jury a, avec l'un des candidats, des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit s'abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat. En dehors de ces hypothèses, il incombe aux membres des jurys d'examen de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable. Pour l'application de ces principes à la première phase d'examen des candidatures qui conduit un comité de sélection, constitué sur le fondement des dispositions de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984, à fixer la liste des candidats qu'il souhaite entendre, il appartient à tout membre du comité qui aurait, avec l'un des candidats, des liens de nature à influer sur son appréciation, de s'abstenir de participer tant aux rapports sur ce candidat qu'à la décision particulière par laquelle le comité de sélection choisit, ou non, de procéder à l'audition de ce candidat.

4. Il ressort des pièces des dossiers que le conseil académique restreint aux professeurs de l'université de Bourgogne a relevé que l'un des membres du comité de sélection, M. P..., possédait des liens de nature à influer sur son appréciation avec M. G..., maître de conférence à l'université de Bourgogne, dont la candidature avait été écartée par le comité de sélection à l'issue de l'examen de son dossier et que le procès-verbal du comité de sélection ne permettait pas d'établir que M. P... s'était abstenu de participer aux rapports concernant M. G... et à la décision particulière par laquelle le comité avait choisi de ne pas l'auditionner. Le conseil académique siégeant en formation restreinte a estimé que ces éléments étaient susceptibles de caractériser " un dysfonctionnement lié à une situation de manquement au principe d'impartialité du comité de sélection " de nature à entrainer l'irrégularité de la procédure de recrutement.

5. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers, en particulier des attestations de membres du comité de sélection, et il n'est pas sérieusement contesté, que M. P... s'est abstenu de participer tant aux rapports rédigés sur la candidature de M. G... qu'à la décision particulière par laquelle le comité de sélection a choisi de ne procéder à l'audition de ce candidat, même si cette information n'a pas été retracée dans le procès-verbal du comité de sélection. Dès lors, en décidant que la liste des candidats classés par ordre de préférence ne serait pas transmise au conseil d'administration au motif que le comité de sélection avait méconnu le principe d'impartialité et en interrompant par suite la procédure de recrutement, le conseil académique siégeant en formation restreinte a entaché sa délibération d'illégalité. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, que Mme K... et autres ainsi que Mme C... sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 1er juin 2023 du conseil académique de l'université de Bourgogne ainsi que, par voie de conséquence, de la décision du 21 juin 2023 du président de l'université.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution de la présente décision implique, si le recrutement est maintenu, de reprendre la procédure de recrutement sur le poste de professeur des universités n° PR 0077 au stade de l'examen, par le conseil académique, de la liste de candidats établie le 26 mai 2023 par le comité de sélection. Il y a lieu d'enjoindre à l'université Bourgogne de reprendre la procédure à ce stade dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Bourgogne la somme de 3 000 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme K... et autres et de Mme C... qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de Mme C... au soutien de la requête n° 475063 est admise.

Article 2 : La délibération du conseil académique de l'université de Bourgogne du 1er juin 2023 et la décision du président de l'université de Bourgogne du 21 juin 2023 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à l'université Bourgogne, si le recrutement est maintenu, de réunir son conseil académique afin qu'il délibère à nouveau sur la liste proposée par le comité de sélection en vue du recrutement sur le poste de professeur des universités n° PR0077, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'université de Bourgogne versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme K... et autres est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'université de Bourgogne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme A... K..., première dénommée pour l'ensemble des requérants dans l'instance n° 475063, à Mme N... C... et à l'université de Bourgogne.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 4 avril 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Sylvain Monteillet

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 475063
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2024, n° 475063
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475063.20240404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award