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28/11/2023 | FRANCE | N°22NT03517

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 novembre 2023, 22NT03517


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 octobre 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer une carte de séjour pluri-annuelle.



Par un jugement n°1912806 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



M. C... B... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel

le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Afghan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 octobre 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer une carte de séjour pluri-annuelle.

Par un jugement n°1912806 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

M. C... B... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Afghanistan comme pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois et d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel la même autorité l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Cholet pendant une durée de six mois, subsidiairement, de réduire la fréquence de pointage au commissariat à une fois par mois

Par un jugement n°2200327 du 13 octobre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022 sous le n° 22NT03517, M. B..., représenté par Me Dazin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du

13 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant l'Afghanistan comme pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois et l'arrêté du 10 janvier 2022 portant assignation à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Dazin renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il n'a fait l'objet d'aucune autre procédure pénale depuis sa condamnation en 2018 ; il n'a pas été condamné à une interdiction du territoire français ; il a purgé sa peine ; depuis sa libération en 2018, il a réussi sa réinsertion ; il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée et dispose de revenus stables ;

- en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à subir des traitements inhumains et dégradants, contraires aux droits protégés par les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

-il appartient à la préfecture de rapporter la preuve de ce que M. D... est compétent pour signer en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A....

Le préfet de Maine-et-Loire, régulièrement mis en cause n'a pas produit avant la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 13 juillet 2023 à effet du 31 août 2023 à 12h00.

M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 29 novembre 2022.

II - Par une requête enregistrée le 13 décembre 2022 sous le n° 22NT03904, M. C... B..., représenté par Me Dazin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2019 portant refus de renouvellement d'une carte de séjour pluri-annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Dazin renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée pour permettre au juge d'exercer un plein contrôle de proportionnalité ;

- les premiers juges ont apprécié sa situation au jour de la condamnation pénale de 2018 et non au jour de l'édiction de la décision attaquée ;

- il a acquis une maitrise de la langue française en détention ; la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de Maine-et-Loire, régulièrement mis en cause n'a pas produit avant la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 13 juillet 2023 à effet du 31 août 2023 à 12h00.

M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 5 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Viéville.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant afghan, s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "vie privée et familiale" valable du 18 septembre 2017 au 19 septembre 2019 en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par jugement n°1912806 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant au renouvellement de cette carte de séjour. Sous le n° 22NT03905, M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement.

2. Par ailleurs, M. B... demande à la cour sous le n° 22NT03517 d'annuler le jugement n° 2200327 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Afghanistan comme pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois et de l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel la même autorité l'a assigné à résidence dans la commune de Cholet pendant une durée de six mois, subsidiairement, de réduire la fréquence de pointage au commissariat à une fois par mois.

Sur la jonction :

3. Les deux affaires susvisées concernent la situation d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule ordonnance.

Sur la légalité de la décision du 17 octobre 2019 de refus de renouvellement de titre de séjour :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée.

5. En second lieu, M. B... soutient que les premiers juges se sont placés à la date de la condamnation prononcée par la juridiction pénale pour apprécier sa maitrise de la langue française, alors qu'à la date de la décision attaquée, il avait réalisé des progrès dans la maîtrise de cette langue notamment au cours de sa période de détention. Cependant, en opposant que la maîtrise de la langue française alléguée est contredite par les termes du jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 26 juillet 2018, les premiers juges ne se sont pas irrégulièrement placés à la date de cette condamnation mais ont répondu à l'argumentation du requérant sur son degré de maitrise de la langue française. En outre, le requérant n'a produit en appel, pas plus qu'à l'occasion de la première instance, d'éléments susceptibles d'établir sa maitrise alléguée de la langue française à la date de la décision attaquée. Par suite, la décision attaquée n'est ni entachée d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant. Le moyen est écarté.

Sur la légalité de l'arrêté 7 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant l'Afghanistan comme pays de destination :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

7. M. B... a été condamné, par un jugement du 26 juillet 2018 devenu définitif du tribunal correctionnel d'Angers, à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis, pour des faits d'agression sexuelle imposée à une mineure de quinze ans. Ainsi que l'a estimé le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes, les faits à l'origine de sa condamnation, bien qu'isolés, sont d'une particulière gravité puisqu'ils ont consisté en une agression à caractère sexuel sur une adolescente âgée de 13 ans et demi et ne présentent pas de caractère ancien ayant été commis trois an et demi avant l'édiction de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire. Alors même que

M. B... est inséré professionnellement et n'a pas fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français, le motif tiré de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France n'apparaît pas entaché d'erreur d'appréciation. Le moyen dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français est écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (23 août 2016, J.K et autres c/ Suède, n° 59166/1228). Selon cette même cour, l'appréciation d'un risque réel de traitement contraire à l'article 3 précité doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l'éloignement du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l'intéressé (30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, paragraphe 108, série A n° 215). À cet égard, et s'il y a lieu, il faut rechercher s'il existe une situation générale de violence dans le pays de destination ou dans certaines régions de ce pays si l'intéressé en est originaire ou s'il doit être éloigné spécifiquement à destination de l'une d'entre elles. Cependant, toute situation générale de violence n'engendre pas un risque réel de traitement contraire à l'article 3, la Cour européenne des droits de l'homme ayant précisé qu'une situation générale de violence serait d'une intensité suffisante pour créer un tel risque uniquement " dans les cas les plus extrêmes " où l'intéressé encourt un risque réel de mauvais traitements du seul fait qu'un éventuel retour l'exposerait à une telle violence.

10. Il ressort des pièces du dossier et notamment du récit de vie de l'intéressé que celui-ci fait valoir qu'il a quitté l'Afghanistan au début de l'année 2012 en raison des menaces proférées par son beau-frère, taliban, qui aurait tué son père et l'une de ses sœurs. Cependant, ses allégations à caractère général concernant l'instabilité de l'Afghanistan et le récit de vie versé au dossier par M. B..., ne suffisent pas à établir qu'il encourrait actuellement des risques le visant personnellement en cas de retour en Afghanistan. Le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination est écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du portant assignation à résidence :

11. L'arrêté attaqué a été signé par M. D..., chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière à la préfecture de Maine-et-Loire. Il ressort des pièces du dossier que

M. D... a reçu du préfet de Maine-et-Loire délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture, notamment les décisions portant assignation à résidence, aux termes de l'arrêté portant délégation de signature du 21 décembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 22 décembre 2021. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. M. B... soutient en appel qu'il appartient à la préfecture de rapporter la preuve de ce que M. D... est compétent pour signer en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., ce qu'elle n'a pas fait en première instance. Cependant, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par lui aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n°s 22NT03517 et 22NT03904 de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise au préfet du Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillevéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

Nos 22NT03517, 22NT0390402

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03517
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22nt03517 ?
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