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29/11/2023 | FRANCE | N°23PA01722

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 29 novembre 2023, 23PA01722


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2227050/6-1 du 17 février 2023 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, Mme B..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :



1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2227050/6-1 du 17 février 2023 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, Mme B..., représenté par Me Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2227050/6-1 du 17 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à

son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporterait sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2023 à 12h puis reportée au 26 septembre 2023 à 12h.

Par une décision du 20 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui ;

- les observations de Me Grolleau, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante brésilienne entrée en France selon ses déclarations le 19 février 2022, a présenté une demande d'admission au statut de réfugié. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 27 juillet 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 10 novembre 2022. Par arrêté du 13 décembre 2022, pris en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme B... fait appel du jugement n° 2227050/6-1 du 17 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a répondu avec précision, au point 9 de ce jugement, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision contestée, qui vise, notamment, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité et la date de naissance de Mme B... ainsi que celle de son entrée en France et précise que la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 juillet 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 novembre 2022. Elle indique également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision obligeant l'intéressée à quitter le territoire français énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation qui entacherait cette décision doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, notamment des motifs de la décision en litige, que le préfet de police, qui n'était saisi que d'une demande présentée en qualité de réfugié, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Mme B... soutient qu'elle a été victime de menaces et violences de la part du père de son fils aîné et qu'en cas de retour au Brésil, ses enfants et elle se trouveraient à nouveau exposés à la violence de celui-ci. Toutefois, d'une part, la mesure d'éloignement litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet, de contraindre la requérante et ses enfants à se rendre au Brésil. D'autre part, à supposer même établie la réalité des violences dont Mme B... soutient avoir été victime avant son arrivée en France, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ses enfants seraient exposés à un contexte de violences familiales en cas de retour au Brésil, ni même qu'elle et ses enfants ne pourraient obtenir la protection des autorités de ce pays. A ce titre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressée ait sollicité, en vain, la protection des autorités brésiliennes. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Mme B... soutient que ses enfants et elle justifient d'une intégration en France, que ses enfants sont scolarisés et qu'elle comprend et parle parfaitement le français. Toutefois à la date de la décision attaquée, Mme B... résidait en France depuis seulement dix mois et ses enfants étaient scolarisés, depuis quelques mois seulement, en cours préparatoire et en maternelle et il n'est fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'ils poursuivent leur scolarité au Brésil. Si elle verse au dossier des attestations établies par des membres de l'équipe pédagogique des écoles au sein desquelles ses enfants sont scolarisés ainsi qu'une pétition de soutien ayant recueilli de nombreuses signatures, elle n'établit ni même n'allègue avoir noué sur le territoire français des relations personnelles ou familiales intenses alors qu'elle n'est pas isolée au Brésil, où réside sa mère. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

11. Mme B... n'établit pas, par les pièces versées au dossier, qu'elle risquerait d'être à nouveau victime, en cas de retour au Brésil, de violences de la part du père de son fils aîné. Elle n'établit pas davantage qu'elle ne pourrait bénéficier d'une protection effective des autorités brésiliennes en se bornant à soutenir que cette protection ne lui serait pas accordée compte tenu de sa couleur de peau, du fait qu'elle réside dans un quartier défavorisé de Sao Paulo et de la circonstance que son ex-compagnon entretient des relations étroites avec des membres d'un gang. Les rapports et différents articles cités par la requérante ne sont pas davantage de nature à établir que celle-ci serait personnellement menacée ou exposée à des risques de traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu ces stipulations ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporterait sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

La rapporteure,

N. ZEUDMI-SAHRAOUI

Le président,

B. AUVRAY

La greffière

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01722 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01722
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;23pa01722 ?
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