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05/12/2023 | FRANCE | N°22PA03547

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 22PA03547


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., épouse G..., M. E... G..., Mme C... G... et M. D... G... ont demandé au tribunal administratif de Paris par une requête transmise au tribunal administratif de Melun par une ordonnance n°1822479 du 11 décembre 2018, de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 47 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait du décès de leur père, beau-père et grand-père.



Par un jugement n° 1810342 du 1er juillet 2022, le tribunal admini

stratif de Melun a rejeté leur demande.







Procédure devant la Cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse G..., M. E... G..., Mme C... G... et M. D... G... ont demandé au tribunal administratif de Paris par une requête transmise au tribunal administratif de Melun par une ordonnance n°1822479 du 11 décembre 2018, de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 47 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait du décès de leur père, beau-père et grand-père.

Par un jugement n° 1810342 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet 2022 et 24 février 2023, Mme B... A..., épouse G..., M. E... G..., Mme C... G... et M. D... G..., représentés par Me Malherbe, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 47 000 euros, avec intérêts de droit à compter du 23 juillet 2018, date de leur demande préalable, décomposée comme suit :

- 10 000 euros à verser à Mme A..., épouse G..., en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance,

- 16 000 euros à verser à Mme A..., épouse G..., en réparation de son préjudice d'affection,

- 5 000 euros à verser à M. E... G..., en réparation de son préjudice d'affection,

- 8 000 euros à verser à Mme C... G... en réparation de son préjudice d'affection,

- 8 000 euros à verser à M. D... G... en réparation de son préjudice d'affection;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun d'eux, de la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le décès de M. A..., victime d'un malaise à son domicile le 6 mars 2017, est imputable à la faute, commise par la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, qui a entraîné la chute du brancard lors de sa prise en charge par les services de secours ;

- cette chute a causé à M. A... un traumatisme crânio-cervical et un traumatisme de l'épaule gauche ;

- ces traumatismes ont nécessité une hospitalisation de M. A..., pendant plus d'un mois, durant laquelle il a développé une escarre du sacrum ayant généré un choc infectieux cause de son décès.

Par mémoire, enregistré le 5 septembre 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, représentée par Me Dontot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 33 144,40 euros, correspondant aux prestations en nature et frais divers exposés pour le compte de la victime, avec intérêts au taux légal à compter de la première demande et capitalisation des intérêts, outre une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense,

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un malaise survenu à son domicile le 6 mars 2017, M. A..., né le 3 mai 1942, a été pris en charge par la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Lors de cette prise en charge, il a chuté du brancard utilisé pour le placer dans le véhicule de secours, ce qui lui a causé un traumatisme crânio-cervical et un traumatisme de l'épaule gauche, ainsi que diverses contusions. M. A..., qui souffrait déjà de plusieurs pathologies, a été hospitalisé à l'hôpital d'instruction des armées Bégin, où il est décédé le 10 avril 2017. Le 23 juillet 2018, sa fille, son gendre, et ses petits-enfants ont, par l'intermédiaire de leur compagnie d'assurance Aviva, présenté auprès de la préfecture de police une réclamation à fin d'obtenir réparation des préjudices subis. Par une lettre du 11 octobre 2018, le préfet de police a rejeté cette demande. Par un jugement du 1er juillet 2022, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Melun, saisi dans les mêmes termes que leur réclamation préalable du 23 juillet 2018, a rejeté leur demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de (...) pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours (...) ". Selon l'article L. 2216-2 du même code : " (...) les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence (...) ". Aux termes de l'article L. 2521-3 de ce code : " Le préfet de police de Paris est chargé du secours et de la défense contre l'incendie dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne (...) ". Aux termes de son article R. 2521-2 : " La brigade de sapeurs-pompiers de Paris assure sa mission dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. / A cet effet, elle est à la disposition du préfet de police de Paris. " L'article R. 1321-19 du code de la défense dispose : " La brigade de sapeurs-pompiers de Paris, placée pour emploi sous l'autorité du préfet de police, est chargée de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne (...). / Elle concourt, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence dans les limites territoriales mentionnées à l'alinéa précédent ". L'article R. 1321-20 de ce code précise : " Dans le cadre de ses missions, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris intervient dans les domaines suivants : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. ". Lorsqu'il assure, dans une commune du département des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne, les missions qui lui sont attribuées par ces dispositions, le préfet de police y exerce des missions de police municipale prévues par les dispositions de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales. La responsabilité de l'Etat peut, par suite, être recherchée pour les fautes éventuellement commises dans l'exercice de ces missions, dans les conditions fixées par l'article L. 2216-2 du même code.

3. Il résulte de l'instruction, et n'est du reste pas contesté, que lors de sa prise en charge par la BSPP à la suite d'un malaise fait à son domicile le 6 mars 2017, M. A... a été victime d'une chute ayant entrainé un traumatisme crânio-cervical et un traumatisme de l'épaule gauche ainsi que diverses contusions, alors que les secouristes s'apprêtaient à relever le brancard sur lequel il était allongé pour le placer dans le véhicule de secours. Les requérants soutiennent que cette chute serait imputable à une faute des sapeurs-pompiers, qui n'auraient pas tout mis en œuvre pour assurer la sécurité de M. A..., alors que sa corpulence aurait dû les conduire à solliciter des renforts et à utiliser du matériel spécialement adapté. Les requérants produisent à l'appui de leurs allégations trois attestations, l'une de la victime elle-même datée du 15 mars 2017, et deux autres établies par son assistante de vie, le 23 mars 2017 et, près de trois années après, le 10 janvier 2020. Toutefois, ces documents sont peu clairs, voire contradictoires, dans la mesure où ils font état d'une chute de brancardage, mais mentionnent également que M. A... serait tombé d'une chaise à porteur. Par ailleurs, ils ne sont pas circonstanciés sur les causes de la chute en ce qu'ils n'établissent pas que les sapeurs-pompiers auraient, par un geste inapproprié ou par l'usage d'un matériel inadapté, été à l'origine de l'accident. Le courrier électronique adressé au préfet de police le 29 juin 2017 par un agent de la " section contentieux opérationnel " des pompiers de Paris et les attestations concordantes des 25 et 27 novembre 2019 de deux des trois agents présents au moment des faits, exposent, en revanche, précisément qu'au moment du relevage du brancard, et malgré, d'une part, la mise en place de dispositifs de sécurité comprenant des sangles et des ridelles latérales, d'autre part, les consignes données à l'intéressé, qui montrait des signes d'appréhension et à qui il avait été demandé de ne pas s'accrocher à la rambarde, M. A..., pris de panique, s'est tourné brusquement d'un côté du brancard, ce qui a eu pour effet de le déséquilibrer brutalement sans que les intervenants ne puissent éviter la chute. Dans ces conditions, aucune défaillance fautive de la BSPP lors des secours portés à M. A... n'étant établie, la responsabilité de l'Etat ne saurait, en l'espèce, être engagée.

4. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Leur requête ne peut par suite qu'être rejetée.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne :

5. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) / En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie (...) ".

6. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que la responsabilité de l'Etat dans le décès de M. A... ne peut être engagée. Par suite, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne au titre de son recours subrogatoire doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par les requérants et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A..., épouse G..., de Mme G... et de MM. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse G..., M. E... G..., Mme C... G..., et M. D... G..., au préfet de police et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pages, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULe président,

J-C. NIOLLET

La greffière,

Z. SAADAOUILa République mande et ordonne au préfet de police de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA03547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03547
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : MOREL - LE LOUEDEC - MALHERBE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;22pa03547 ?
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