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05/12/2023 | FRANCE | N°23PA03773

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 23PA03773


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'informat

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Par un jugement n° 2305663/3-3 du 11 juillet 2023, le Tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2305663/3-3 du 11 juillet 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. B..., représenté par Me Kanza, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 juillet 2023 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 mars 2023, par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Le jugement attaqué :

- est insuffisamment motivé ;

- est irrégulier, les premiers juges ayant omis de solliciter la production de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 15 avril 2022 ;

- est irrégulier, les premiers juges ayant omis de répondre au moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- est irrégulier, les premiers juges ayant omis de statuer sur l'obligation pour le préfet de police de produire le précédent avis du collège des médecins de l'OFII au vu duquel un titre de séjour lui avait été délivré, et de lui demander de produire cet avis.

Le refus de titre de séjour :

- est insuffisamment motivé ;

- est irrégulier en raison de l'absence de production du nouvel avis du collège de médecins de l'OFII du 15 avril 2022 ;

- est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il ne pourra avoir accès, dans son pays d'origine, à une prise en charge appropriée de sa pathologie ;

- est entaché d'une erreur de droit, en ce que le préfet s'est considéré à tort, en situation de compétence liée ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- est entaché d'un vice de procédure, en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- méconnaît le droit à la santé garanti par le stipulations de l'article 12-1 du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 11 et 13 de la charte sociale européenne et le droit constitutionnel à la protection de la santé.

L'obligation de quitter le territoire français :

- est entachée des mêmes vices ;

- est illégale, en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale, ainsi que sur son état de santé.

La décision fixant le pays de destination :

- est entachée des mêmes vices ;

- est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

L'interdiction de retour sur le territoire français :

- est entachée des mêmes vices ;

- est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- est disproportionnée, son comportement ne constituant pas une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- la charte sociale européenne ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais né le 18 avril 1962 à Brazzaville (République du Congo), qui a déclaré être entré en France en 1993, a, le 3 janvier 2022, sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé de ce qu'il ferait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour cette même durée. Il fait appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. B..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris, et n'a pas joint à son appel une telle demande. Dans ces conditions, il ne peut être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Ses conclusions en ce sens doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le Tribunal administratif de Paris a répondu par un jugement suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande de M. B..., notamment aux moyens relatifs à l'absence de production de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 15 avril 2022, et à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Il n'était pas tenu de demander au préfet de police de produire le précédent avis du collège des médecins de l'OFII au vu duquel un titre de séjour avait été délivré à M. B....

4. En second lieu, la contestation par M. B... du bienfondé du jugement attaqué, notamment compte tenu du précédent avis du collège des médecins de l'OFII au vu duquel un titre de séjour lui avait été délivré, est sans rapport avec la régularité de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, M. B... n'est, pour les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu d'adopter, pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux ne serait pas suffisamment motivé, qu'il aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière sans consultation de la commission du titre de séjour, que le préfet de police se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle, qu'il se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII du 15 avril 2022 et qu'il n'aurait pas produit cet avis.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

7. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de M. B..., le préfet de police a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, à destination duquel il peut voyager sans risque. Il ressort des certificats médicaux et comptes rendus médicaux produits en première instance, ainsi que du certificat médical confidentiel de son médecin traitant transmis à l'OFII, que M. B... est suivi pour plusieurs pathologies, parmi lesquelles une polyarthrite rhumatoïde, une arthropathie évolutive du genou droit, une fracture du fémur droit ayant nécessité la mise en place d'une prothèse, une gastrite hémorragique, une valvulopathie, une ischémie aiguë du membre inférieur gauche, une hypertension artérielle, un antécédent de dépendance aux opiacés et un glaucome sévère. En outre, il ressort du certificat médical confidentiel adressé à l'OFII par son médecin traitant, que ces pathologies nécessitent la prise d'un traitement médicamenteux à base de Xatral, de Tramadol, de Valsartant, de Bisoprolol et d'Amlor. S'il allègue que son suivi médico-chirurgical ne serait pas disponible dans son pays, et produit en ce sens deux certificats médicaux en date du 5 septembre et du 9 novembre 2023, établis par un médecin en charge de son suivi à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et par un praticien de Brazzaville, ces certificats sont insuffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, puis par le préfet de police, sur la disponibilité effective au Congo d'un traitement approprié à son état de santé. M. B... ne saurait par ailleurs se prévaloir utilement du précédent avis du collège de médecins de l'OFII au vu duquel un titre de séjour lui avait été délivré. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il n'est en tout état de cause pas fondé à invoquer le droit constitutionnel à la protection de la santé et les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 12-1 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et des articles 11, 13 de la charte sociale européenne.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si M. B... se prévaut, sans en établir la continuité, de sa présence en France depuis 1993, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, et qu'il a été condamné à quinze reprises entre 1994 et 2012, notamment à des peines d'emprisonnement et d'interdiction du territoire pour des faits de trafic de stupéfiants et de vol, et, en dernier lieu, le 14 octobre 2019 à une amende de 150 euros pour des faits d'usage de stupéfiants, et le 22 novembre 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de recel de bien provenant d'un vol. Dans ces conditions, en refusant de renouveler son titre de séjour à M. B..., le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle du requérant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les moyens que M. B... fait valoir à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les moyens que M. B... fait valoir à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peuvent qu'être écartés.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

12. En premier lieu, compte tenu des faits à raison desquels il a été condamné comme il a été rappelé ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, et que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans dont il fait l'objet, serait disproportionnée.

13. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les autres moyens que M. B... fait valoir à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français, ne peuvent qu'être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Mme d'Argenlieu, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.

L'assesseur le plus ancien,

D. PAGES

Le président-rapporteur,

J-C. NIOLLET

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03773 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03773
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. NIOLLET
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : KANZA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;23pa03773 ?
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