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13/12/2023 | FRANCE | N°23PA00748

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 23PA00748


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande du 3 mai 2019 tendant à l'attribution du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) depuis le 4 janvier 2018 et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser le montant C... qu'elle estime lui être due pour la période précitée.



Par un jugement n°

1924748/3-1 du 2 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande du 3 mai 2019 tendant à l'attribution du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) depuis le 4 janvier 2018 et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser le montant C... qu'elle estime lui être due pour la période précitée.

Par un jugement n° 1924748/3-1 du 2 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février et 28 août 2023, Mme A... représentée par Me Sulli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924748/3-1 du 2 janvier 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande du 23 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui attribuer à compter du 1er janvier 2019 le bénéfice d'une NBI dont le montant ne saurait être inférieur à 30 points, sans délai et au plus tard dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 40 euros par jour de retard ;

4°) de condamner le garde des sceaux, ministre de la justice à lui verser les sommes correspondantes à la NBI depuis le 1er janvier 2019, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande le 23 août 2019, calculée selon les dispositions du décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 et de son annexe et de l'arrêté ministériel du 14 novembre 2001 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre des politiques de la ville dans les services du ministère de la justice, la somme mensuelle correspondant au point d'indice multiplié par le nombre de points mensuellement attribués au titre C..., soit au minimum 30 points, compte tenu de son grade et de son ancienneté ;

5°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à la reconstitution de sa carrière en intégrant la NBI ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en exerçant la totalité de son activité professionnelle de psychologue au sein de l'unité éducative d'hébergement collectif (UEHC) Salomon de Caus situé dans le 3ème arrondissement de Paris dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité, elle est éligible au bénéfice C..., dès lors qu'elle établit relever de l'article 1er du décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice et du point 3 de l'annexe du même décret concernant les fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse qui exercent dans un " centre de placement immédiat " ;

- la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les agents publics dès lors que les autres agents exerçant dans la même unité qu'elle sont bénéficiaires C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :'

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 ;

- l'arrêté interministériel du 14 novembre 2001 fixant les conditions d'attribution C... au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- l'arrêté ministériel du 4 décembre 2001 fixant par département les emplois éligibles à la NBI au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Sulli, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est psychologue titulaire au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis le 1er janvier 2016. Le 1er janvier 2019, elle a été affectée au sein de l'unité éducative d'hébergement collectif (UEHC) Salomon de Caus à Paris, dans le 3ème arrondissement. Par courrier transmis par la voie hiérarchique le 23 mai 2019, elle a sollicité le bénéfice C... à compter de l'année 2019. Elle relève appel du jugement du 2 janvier 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a implicitement rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Figurent dans cette annexe au décret, dans sa version applicable à partir du 1er janvier 2015, les fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse exercées : " (...)3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité. ".

3. D'une part, les contrats locaux de sécurité définis par la circulaire ministérielle du 28 octobre 1997 publiée sous la référence NOR : INTK9700174, sont des outils d'une politique de sécurité s'appliquant en priorité aux quartiers sensibles, conclus sous l'impulsion du maire d'une ou plusieurs communes et du représentant de l'Etat dans le département, lorsque la délinquance est particulièrement sensible sur un territoire donné. D'autre part, en application des dispositions de l'article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure, dans leur version alors applicable, le maire ou son représentant préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville. Enfin, aux termes de l'article D. 132-7 du même code : " Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune. / (...) / Il assure l'animation et le suivi du contrat local de sécurité lorsque le maire et le préfet de département, après consultation du procureur de la République et avis du conseil, ont estimé que l'intensité des problèmes de délinquance sur le territoire de la commune justifiait sa conclusion. " La circonstance que les contrats locaux de sécurité sont conclus en priorité dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville et sont animés, lorsqu'ils existent, par le CLSPD, n'implique pas, et n'a pas pour effet, que tout quartier prioritaire politique de la ville soit couvert par un contrat local de sécurité.

4. Pour bénéficier C... prévue par l'article 1er du décret du 14 novembre 2001, les fonctionnaires titulaires du ministère de la justice figurant en annexe à ce décret qui entendent se prévaloir de la condition prévue au point 3 de cette annexe doivent apporter la preuve, par tout moyen, qu'ils accomplissent la majeure partie de leur activité dans le ressort territorial d'un ou plusieurs contrats locaux de sécurité, quel que soit par ailleurs leur lieu d'affectation.

5. Mme A... produit le contrat parisien de prévention et de sécurité, assimilable à un contrat local de sécurité, conclu pour la période courant de l'année 2016 à l'année 2020, appliqué au 3ème arrondissement de Paris et justifie, par la production de sa fiche de poste ainsi que d'un compte-rendu d'entretien annuel, accomplir depuis le 1er janvier 2019, la totalité de son activité au sein de l'UEHC Salomon de Caus à Paris situé dans le ressort territorial de ce contrat et qui relève de la catégorie des centres de placement immédiat, centre éducatif renforcé ou de foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville, au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'elle remplissait la condition prévue au 3. de l'annexe du décret du 14 novembre 2001 précité, du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020.

6. Il résulte ainsi de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de lui attribuer le bénéfice C... à compter du 1er janvier 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

8. L'exécution du présent arrêt implique que le garde des sceaux, ministre de la justice procède au versement à Mme A... C... depuis le 1er janvier 2019 et pour l'avenir, sous réserve de changements qui seraient intervenus dans la situation professionnelle de l'intéressée et procède corrélativement à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension de retraite, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les intérêts :

9. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont dues au titre des arriérés de NBI depuis le 1er janvier 2019 à compter de la date de réception de la demande qu'elle a adressée au garde des sceaux, ministre de la justice le 23 mai 2019 sur les sommes dues à cette date, puis à compter de la date de chacune des échéances à laquelle la NBI devait être versée.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1924748/3-1 du 2 janvier 2023 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à Mme A... à compter du 1er janvier 2019 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au versement de la nouvelle bonification indiciaire à Mme A... à compter du 1er janvier 2019 et pour l'avenir, sous réserve de changements qui seraient intervenus dans sa situation professionnelle, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension de retraite dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : Les sommes à verser au titre des arriérés de la nouvelle bonification indiciaire depuis le 1er janvier 2019 porteront intérêts à compter du 23 mai 2019 sur les sommes dues à cette date puis, à compter de la date de chacune des échéances à laquelle la nouvelle bonification indiciaire devait être versée.

Article 5 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00748
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SULLI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;23pa00748 ?
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