La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2023 | FRANCE | N°21BX01303

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 21BX01303


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) MSS a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 16 mars 2016 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) a mis à sa charge une somme de 14 292,86 euros au titre de la participation pour l'assainissement collectif, ensemble le titre exécutoire émis le 12 avril 2016 par la CACL en vue du recouvrement de cette somme.



Par un jugement n° 1800935 du 2

8 janvier 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé le titre exécutoire émis le 12 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) MSS a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 16 mars 2016 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) a mis à sa charge une somme de 14 292,86 euros au titre de la participation pour l'assainissement collectif, ensemble le titre exécutoire émis le 12 avril 2016 par la CACL en vue du recouvrement de cette somme.

Par un jugement n° 1800935 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé le titre exécutoire émis le 12 avril 2016 par la CACL, a mis à la charge de la CACL une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la CACL au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2021, la CACL, représentée par Me Peyrical, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 28 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société MSS devant le tribunal administratif de la Guyane ;

3°) de mettre à la charge de la société MSS une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le litige ne ressort pas de la compétence de la juridiction administrative ; le tribunal s'est fondé sur un article inexistant du code général des collectivités territoriales ; le litige, qui concerne une facture de prestations de services par un service public industriel et commercial, est relatif aux rapports entre un service public industriel et commercial et ses usagers et relève par conséquent de la compétence de la juridiction judiciaire ;

- la demande de première instance était tardive et, par suite, irrecevable ; la société requérante a eu connaissance de la décision attaquée au plus tard le 20 juin 2016, date de son recours gracieux ; le délai de recours raisonnable était donc expiré lorsqu'elle a sa saisi le tribunal administratif ;

- la décision contestée est fondée sur sa délibération du 29 janvier 2015, laquelle a actualisé la délibération du 18 septembre 2012 sans l'abroger et sans modifier les modalités de calcul ; c'est ainsi à tort que le tribunal a annulé la décision en se fondant sur le caractère rétroactif de la délibération du 29 janvier 2015 ; le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors qu'il retient le caractère rétroactif de la délibération du 29 janvier 2015 sans constater l'abrogation de la délibération du 18 septembre 2012 ;

- la facture émise le 2 mars 2016 a été signée par une autorité compétente ;

- la créance n'était pas prescrite, une facture ayant été émise le 2 mars 2016 ;

- la participation pour voirie et réseaux, mise à la charge de la société par la commune, qui n'était plus compétente en matière d'assainissement depuis 2001, ne comprenait pas le financement des réseaux d'assainissement des eaux usées.

Par ordonnance 6 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2022 à 12h00.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Corcouer, représentant la CACL.,

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) MSS a édifié en 2013 sur le territoire de la commune de Rémire-Montjoly (Guyane), un ensemble immobilier comportant 21 logements. A la suite d'un contrôle opéré au mois de février 2016 par des agents de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), il a été constaté que ces logements avaient été raccordés au réseau collectif d'assainissement. Par un courrier du 16 mars 2016, auquel était jointe une facture émise le 2 mars 2016, l'établissement public intercommunal a informé la société MSS qu'elle était redevable d'une somme de 14 292,86 euros au titre de la participation pour le financement de l'assainissement collectif et qu'un titre exécutoire serait émis en vue du recouvrement de cette somme. Par un courrier du 20 juin 2016, reçu le 24 juin 2016, la société a contesté son obligation de payer cette participation. Après avoir reçu des avis de poursuites établis par un cabinet d'huissiers les 17 avril et 13 juin 2018, la société MSS a saisi le 27 juillet 2018 le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cette " demande de payer ". Ayant obtenu, en cours d'instance, une copie du titre exécutoire émis le 12 avril 2016 par la CACL en vue du recouvrement de la somme de 14 292,86 euros, qu'elle affirme n'avoir jamais reçu auparavant, elle a également présenté, dans un mémoire complémentaire enregistré le 30 novembre 2020, des conclusions dirigées contre ce titre exécutoire. La CACL relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé ce titre exécutoire.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Les propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l'article L. 1331-1 peuvent être astreints par la commune, la métropole de Lyon, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent en matière d'assainissement collectif, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif (...) Cette participation s'élève au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose de l'installation mentionnée au premier alinéa du présent article, diminué, le cas échéant, du montant du remboursement dû par le même propriétaire en application de l'article L. 1331-2. La participation prévue au présent article est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l'immeuble, de l'extension de l'immeuble ou de la partie réaménagée de l'immeuble, dès lors que ce raccordement génère des eaux usées supplémentaires. Une délibération du conseil municipal, du conseil de la métropole de Lyon ou de l'organe délibérant de l'établissement public détermine les modalités de calcul de cette participation (...) "

3. Le présent litige a trait à la participation exigée par la CACL sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique pour le financement de l'assainissement collectif, laquelle ne constitue pas une redevance pour service rendu mais une contribution obligatoire au financement de travaux publics destinée à couvrir tout ou partie des frais exposés par le maître de l'ouvrage pour l'établissement et l'extension d'installations collectives d'évacuation et d'épuration des eaux usées. Les litiges relatifs à cette participation relèvent de la compétence de la juridiction administrative, alors même que le service public de l'assainissement revêt un caractère industriel et commercial.

Au fond :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. /Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. /L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. "

5. Il résulte de l'instruction que la société MSS a eu connaissance du courrier du 16 mars 2016 l'informant qu'elle était redevable d'une somme de 14 292,86 euros au titre de la participation pour le financement de l'assainissement collectif et de la facture émise à ce titre le 2 mars 2016, au plus tard, le 24 juin 2016, date de réception par la CACL de son courrier contestant son obligation de payer cette somme. La CACL fait valoir que la demande de première instance, enregistrée le 27 juillet 2018, a été présentée au-delà d'un délai raisonnable et était, par conséquent, tardive.

6. Toutefois, le destinataire d'un titre exécutoire est recevable à contester, à l'appui de son recours contre ce titre, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant la créance est devenue définitive, ainsi que le prévoient d'ailleurs les dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

7. En l'espèce, la société MSS soutient, sans être contredite, que le titre exécutoire émis le 12 avril 2016 en vue du paiement de la somme de 14 292, 86 euros ne lui a pas été notifié, et affirme en avoir reçu une copie le 20 novembre 2020. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à l'annulation de ce titre exécutoire, enregistrées devant le tribunal le 30 novembre 2020, n'étaient pas tardives.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

8. Il résulte de l'instruction que la CACL a, par une délibération du 12 septembre 2012, instauré la participation pour le financement de l'assainissement collectif prévue par les dispositions de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique dans leur version issue de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 et fixé, pour les constructions à usage d'habitation, le montant de cette participation rapporté à l'équivalent habitant (EH). Par une délibération du 29 janvier 2015, qui se réfère à la délibération précitée du 18 septembre 2012, la CACL a, en outre, notamment prévu l'application spécifique de tarifs forfaitaires.

9. Ainsi que le soutient la CACL en appel, si le courrier du 16 mars 2016 mentionne uniquement la délibération du 29 janvier 2015, cette délibération, qui se fonde expressément sur celle du 18 septembre 2012 ayant instauré la participation pour le financement de l'assainissement collectif, n'avait pas pour objet de l'abroger, ni même de modifier les montants fixés pour les constructions à usage d'habitation. Par suite, en se basant sur un tarif de 246,43 euros par EH pour déterminer le montant de la somme réclamée à la société MSS au titre de cette participation, la CACL a fait application des modalités de calcul telles que prévues par la délibération du 18 septembre 2012 applicables à la date d'exigibilité de la participation correspondant au raccordement, en 2013, des immeubles édifiés par la société MSS. Par suite, la CACL est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle a fixé le montant de la participation réclamée à la SCI MSS en se fondant sur une délibération à laquelle elle avait donné un effet rétroactif et ont, pour ce motif, annulé le titre exécutoire émis le 12 avril 2016 en vue du recouvrement de cette participation.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société MSS à l'encontre du titre exécutoire du 12 avril 2016.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par la société MSS :

11. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur.

12. Au cas d'espèce, le titre exécutoire du 12 avril 2016 ne comporte aucune mention du nom, du prénom et de la qualité de la personne compétente pour l'émettre. De plus, alors que la société MSS conteste l'existence de la signature du titre, la CACL n'a pas produit à l'instance le bordereau du titre de recettes dûment signé. Par suite, le titre exécutoire du 12 avril 2016 est entaché d'un vice de forme et doit, pour ce motif, être annulé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la CACL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé le titre exécutoire du 12 avril 2016.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société MSS, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la CACL et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la CACL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du centre littoral et à la société civile immobilière MSS.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01303
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET PEYRICAL & SABATTIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;21bx01303 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award