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21/12/2023 | FRANCE | N°22BX00093

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 22BX00093


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le président du conseil départemental de La Réunion lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) correspondant au groupe de fonctions A 4, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2000719 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa dem

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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le président du conseil départemental de La Réunion lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) correspondant au groupe de fonctions A 4, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000719 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, M. E... B..., représenté Me Maillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 8 octobre 2021 précité ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le président du conseil départemental de La Réunion lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), correspondant au groupe de fonctions A4, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au département de La Réunion, sous astreinte, de lui attribuer l'IFSE au titre du groupe de fonctions A3 ;

4°) de mettre à la charge du département de La Réunion une somme de 2 170 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure devant le tribunal administratif et une somme identique au titre de la procédure devant la cour.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- dès lors que le département de La Réunion a produit devant le tribunal un mémoire en défense incomplet et une pièce jointe incomplète, le principe du contradictoire de la procédure a été méconnu par le tribunal ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'auteur de l'acte en litige est incompétent ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors qu'il exerce des fonctions de chef de projet qui relèvent du groupe de fonctions A 3 et non A 4 ;

- cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir et tend à lui faire grief de son engagement syndical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, le département de La Réunion, représenté par le cabinet Bardon et de Faÿ, agissant par Me de Faÿ, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le décret n° 2020-182 du 27 février 2020 ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Carrey, pour le département de La Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 3 juin 2020, le conseil départemental de La Réunion a adopté les modalités de mise en œuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) applicable à la fonction publique d'Etat, les différents emplois départementaux étant ainsi classés dans des catégories appelées " groupes de fonctions ". Par un arrêté du 30 juin 2020 portant application de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), le président du conseil départemental a classé les fonctions exercées par M. B... dans la catégorie A 4 de la filière technique. M. B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de cet arrêté en tant qu'il classe ses fonctions dans la catégorie A 4 et non dans la catégorie A 3 de la filière technique des ingénieurs. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance que le premier et unique mémoire en défense du département de La Réunion, déposé au greffe du tribunal le 17 mars 2021, a été communiqué le jour suivant au requérant, ainsi que les huit pièces dont il était accompagné, conformément aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Par suite, et alors même que ce mémoire comportait une erreur de pagination et une phrase incomplète et que la pièce 6 comportait deux pages sur trois selon la pagination, aucune méconnaissance du principe du contradictoire susceptible d'avoir exercé une influence sur l'issue du litige ne peut être retenue. Par suite, le jugement attaqué n'a pas été rendu au terme d'une procédure irrégulière et le moyen opposé à ce titre ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, si le requérant fait valoir que l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente, M. A... D... a pris cet arrêté en sa qualité de président du conseil départemental conformément aux attributions qui lui sont dévolues par les dispositions de l'article L. 3221-1 du code général des collectivités territoriales aux termes desquelles " Le président du conseil départemental est l'organe exécutif du département. / Il prépare et exécute les délibérations du conseil départemental ". Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, repris à l'article L. 714-4 du Code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales (...) fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 27 février 2020 relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale, modifiant l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 susvisé : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration de leurs établissements publics pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. / Le tableau joint en annexe 1 établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique, dans le domaine médico-social, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif et dans le domaine de l'animation. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, qui permettent à une collectivité locale de mettre en place pour ses agents le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) institué par le décret du 20 mai 2014, qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat.

6. Par une délibération en date du 18 décembre 2019, le département de La Réunion a mis en place et a approuvé les modalités du RIFSEEP pour un certain nombre de cadres d'emplois, compte tenu des arrêtés parus à cette date et après consultation du comité technique. Le décret précité du 27 février 2020 relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale ayant permis l'éligibilité de tous les cadres d'emplois au RIFSEEP, le département de La Réunion a, par sa délibération du 3 juin 2020, a décidé la mise en place du RIFSEEP à compter du 1er juin 2020 en intégrant tous les cadres d'emplois au dispositif existant.

7. Il résulte du rapport de la commission permanente du conseil départemental du 3 juin 2020 que " la refonte du régime indemnitaire poursuit les objectifs suivants : - mettre en place un régime indemnitaire lisible et transparent pour les agents ; - prendre en compte la place des agents dans l'organigramme de la collectivité et reconnaître les spécificités de certains postes et de certaines expertises ; - valoriser les fonctions occupées. Seuls la catégorie (A, B ou C) et le groupe de fonction détermineront désormais le montant du régime indemnitaire alloué, indépendamment du grade et de la filière d'appartenance, dans le respect des plafonds réglementaires ". Selon ce rapport, " le RIFSSEP est attribué aux fonctionnaires stagiaires et titulaires à temps complet, non complet ou à temps partiel. / Les agents contractuels ne sont pas éligibles au RIFSEEP sauf décision expresse et discrétionnaire de l'autorité territoriale afin de tenir compte de profils spécifiques, des difficultés de recrutement et des dispositions contractuelles antérieures à l'entrée en vigueur du RIFSEEP. (...) Le nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) se compose : - d'une indemnité liée aux fonctions, aux sujétions et à l'expertise (IFSE). Son montant est fixé, par catégorie (A,B,C) selon le niveau de responsabilité et d'expertise des fonctions exercées par chaque agent ainsi que les sujétions de poste ; (...) La part IFSE peut varier selon le niveau des responsabilités, le niveau d'expertise ou les sujétions auxquelles les agents sont confrontés dans l'exercice de leurs missions (...) L'adéquation du grade avec les fonctions exercées est également prise en compte pour déterminer le montant de l'IFSE. (...) ".

8. Le département de La Réunion a ainsi déterminé, en vue de l'attribution de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), qui constitue l'indemnité principale du nouveau régime indemnitaire, aux fonctionnaires et à certains agents contractuels de la collectivité, " des groupes de fonctions selon les critères suivants : Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage et de conception ; / Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel extérieur ou de proximité. ".

9. Par l'arrêté en litige du 30 juin 2020, le département de La Réunion a décidé que les fonctions exercées par M. E... B... justifiaient le classement dans le groupe A 4 alors que ce dernier soutient qu'en sa qualité de chef de projet fonctionnel, il devait bénéficier de l'IFSE attachée au groupe A 3 de la filière technique et, en conséquence, selon le rapport précité, d'une indemnité de 7 800 euros au lieu de 3 180 euros, le groupe A 3 regroupant notamment, selon la liste non exhaustive jointe au rapport de la commission permanente du 3 juin 2020, les agents exerçant des fonctions de chef de projet tandis que le groupe A 4 regroupe les travailleurs sociaux, les éducateurs de jeunes enfants et tous les emplois de catégorie A qui ne sont pas mentionnés dans les cinq autres groupes.

10. En l'espèce, M. E... B... a été recruté à compter du 1er juin 2014 en qualité d'ingénieur contractuel pour exercer les fonctions d'administrateur informatique à la direction de l'environnement-Jardin botanique pour une durée indéterminée. Ses fonctions " d'administration fonctionnelle des applications AIRS et NUXEO " figurent d'ailleurs dans le compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2018 produit en défense, alors même que M. B... aurait sollicité que lui soit adressée une fiche de poste en qualité de chef de projet. Si M. B... invoque une erreur de fait dès lors qu'il exercerait les fonctions de chef de projet fonctionnel ainsi qu'il résulte, selon lui, de la note de service du 1er juin 2016 l'affectant au service " appui modernisation-cellule administration fonctionnelle ", le Département fait valoir en défense que M. B... a bien rejoint ce service mais pour exercer des fonctions qui ne sont pas celles d'un chef de projet, ce que M. B... ne conteste pas utilement, dès lors qu'il s'abstient d'apporter des éléments de nature à décrire précisément les fonctions qui sont les siennes et toutes précisions utiles sur ses fonctions d'encadrement, son expertise ou ses sujétions. Ainsi, M. B... n'établit pas, eu égard à ses fonctions d'administrateur fonctionnel, que le département de La Réunion a commis l'erreur de fait, l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation qu'il allègue en lui attribuant l'IFSE correspondant au groupe A 4 de la filière technique.

11. En troisième lieu, si M. B... soutient être victime de discrimination syndicale et que l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir, il se borne à soutenir qu'il est membre d'un syndicat, qu'il a obtenu l'annulation par le tribunal d'une précédente décision relative à ses droits à indemnité et que son état de santé s'est dégradé. Ces éléments ne permettent cependant pas d'établir l'existence d'un détournement de pouvoir ou d'une discrimination syndicale.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de La Réunion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demande le requérant au titre des frais qu'il a exposés tant en première instance qu'en appel. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1000 euros à verser au département de La Réunion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au département de La Réunion une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au département de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Ghislaine Markarian La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00093
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22bx00093 ?
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