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11/01/2024 | FRANCE | N°23BX02180

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 11 janvier 2024, 23BX02180


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Pau, sous le n° 2200460 d'annuler la décision par laquelle la préfète des Landes a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour, sous le n° 2202334 d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et dans les deux instances

d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsid...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Pau, sous le n° 2200460 d'annuler la décision par laquelle la préfète des Landes a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour, sous le n° 2202334 d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et dans les deux instances d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par un jugement nos 2200460, 2202334 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la décision implicite de rejet, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2023, M. C... représenté par Me Savary, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 de la préfète des Landes ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Landes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement d'une

somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de consultation des autorités consulaires maliennes dans le cadre de la vérification de l'authenticité des documents d'état civil produits, prévue par les dispositions de l'article 1er du décret

n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la préfète ne disposait pas de suffisamment d'éléments pour renverser la présomption de validité des actes d'état civil ; les documents fournis n'ont pas fait l'objet d'une

vérification d'authenticité en lien avec les autorités consulaires maliennes telle que prévue par le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, et ne comportent aucun vice intrinsèque ;

- cette décision se fonde sur le rapport de la police aux frontières

du 16 février 2021 qui conclut à tort au caractère frauduleux et inauthentique des documents d'état civil produits ; les points relevés par ce rapport ne constituent pas la preuve d'une éventuelle fraude, alors même que l'acte de naissance comporte

une coquille " ; son passeport et sa carte consulaire sont authentiques ; le rapport

du 13 décembre 2018 doit être écarté en l'absence de fondement juridique permettant au département de soumettre ses documents à la police aux frontières ; c'est ainsi à tort que le tribunal a jugé que son identité n'était pas valablement établie ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit toutes les conditions pour son admission au séjour sur ce fondement ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont privées de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une décision n° 2023/008497 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 17 octobre 2023, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien, est entré sur le territoire français

le 4 juin 2018. Il a été confié en qualité de mineur isolé aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Landes à compter du 11 juillet 2018, puis a bénéficié à compter

du 11 septembre 2020 d'un contrat jeune majeur, renouvelé jusqu'en mars 2022.

Le 19 novembre 2020, il a sollicité son admission au séjour auprès de la préfète des Landes sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11, devenu l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 septembre 2022, la préfète des Landes a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 30 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré

de ce que l'absence de consultation des autorités maliennes méconnaissait les dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger. Ces dispositions prévoient que l'autorité administrative fait procéder aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente en cas de doute sur l'authenticité d'un acte de l'état civil étranger. Le point 13 du jugement a écarté ce moyen en précisant

que " la préfète des Landes disposait de suffisamment d'éléments pour renverser la présomption de validité des actes d'état civil instituée par l'article 47 du code civil, sans qu'il soit besoin de consulter les autorités maliennes sur ce point ". Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoyait, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente (...) ".

4. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en procédant aux vérifications utiles pour apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

5. En outre, il résulte des dispositions citées au point 3 que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. C... en qualité de jeune majeur ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans, la préfète des Landes s'est fondée sur l'absence de caractère probant des documents d'état civil présentés à l'appui de la demande.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a transmis à l'administration un jugement supplétif d'acte de naissance n° 2304/19 rendu par le tribunal de grande instance de la commune IV du district de Bamako le 2 mai 2019, un acte de naissance n° 132 MC6Rg03 établi le 7 mai 2019 sur la base de ce jugement supplétif, et une carte consulaire d'identité et un passeport délivrés respectivement le 10 août 2020 et le 30 mars 2021 par les autorités consulaires maliennes. Pour contester l'authenticité de l'état civil résultant de ces différents documents, la préfète des Landes s'est appuyée sur un rapport technique du 14 janvier 2021, établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction interdépartementale des Pyrénées Atlantiques. Ce rapport indique que l'acte de naissance ne comporte pas le numéro de support normalement apposé en haut de l'acte, que la référence à l'imprimeur officiel est manquante, et que dans l'encart vertical pré-imprimé du corps de l'acte, la mention " officier de l'état civil " est orthographiée " offier de l'état civil ". Concernant le jugement supplétif, le rapport relève que le numéro de transcription correspond à l'acte de naissance contrefait, et que la transcription du jugement, datée du même jour, ne respecte pas le délai de quinze jours pour l'appel et de huit jours pour l'opposition prévu par l'article 554 du code de procédure civile malien. Eu égard à ces anomalies, il conclut que l'acte de naissance et le jugement supplétif sont des faux.

8. Pour contester les termes de ce rapport, M. C... se borne à affirmer que l'absence des mentions normalement présentes sur les actes de naissance, soit le numéro d'en-tête et le nom de l'imprimerie, ne sont pas de nature à vicier le document dès lors qu'elles ne seraient pas obligatoires, et produit un acte de naissance rectifié sans faute d'orthographe, mais qui ne comporte pas de numéro d'identification, et dont la calligraphie est très différente de celle du premier, alors qu'il aurait été établi le même jour par le même officier d'état civil. Si le requérant soutient que les dispositions de l'article 554 du code de procédure civile malien relatives au délai d'appel et d'opposition ne s'appliquent pas aux jugements supplétifs, il ne conteste pas sérieusement que ce jugement ne répond pas aux exigences de formalisme et de cohérence dès lors qu'il manque le numéro d'identification attribué à toute personne

à la naissance, et que le numéro de transcription correspond à celui de l'acte de naissance affecté de plusieurs anomalies. Si M. C... se prévaut de sa carte d'identité consulaire et

de son passeport délivrés par les autorités consulaires maliennes, ces documents, qui ne constituent pas des actes d'état civil, ont été établis au regard des actes d'état civil dont l'authenticité est remise en cause par l'autorité préfectorale. Enfin, la circonstance

que M. C... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance ne permet pas davantage d'établir qu'il serait né le 29 novembre 2002 comme l'indiquent les actes d'état civil produits. Eu égard aux imprécisions et aux anomalies précédemment détaillées, la préfète des Landes a pu légalement estimer, sans avoir à solliciter des autorités maliennes une vérification sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 citées au point 3, que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par le requérant.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée du séjour et des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

10. Eu égard aux anomalies décrites au point 7, M. C..., dont la date de naissance du 29 novembre 2002 ne peut être regardée comme établie, ne justifie pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. Par suite, alors même que les autres conditions prévues par les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée du séjour et des étrangers et du droit d'asile seraient satisfaites, la préfète des Landes pouvait légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que

c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre

des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer. Une copie en sera adressée à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02180
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SELARL SAVARY-GOUMI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23bx02180 ?
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