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28/06/2013 | FRANCE | N°12BX02859

France | France, Cour administrative d'appel de, 5ème chambre (formation à 3), 28 juin 2013, 12BX02859


Vu la décision n° 327363 du 22 octobre 2012, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 12BX02859, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 07BX00593 du 26 février 2009 rejetant la requête de la société SNDA Touzalin tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 0502667 du 18 janvier 2007 et à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, d'autre part, a renvoy

l'affaire devant la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2...

Vu la décision n° 327363 du 22 octobre 2012, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 12BX02859, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 07BX00593 du 26 février 2009 rejetant la requête de la société SNDA Touzalin tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 0502667 du 18 janvier 2007 et à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, d'autre part, a renvoyé l'affaire devant la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2007, présentée pour la société SNDA Touzalin, société anonyme, dont le siège social est situé Zone Industrielle République III 2 rue Louis Proust BP 1112 à Poitiers Cedex (86061), représentée par son représentant légal, par la société d'avocats Jurica ;

La société SNDA Touzalin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502667 du 18 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, la société SNDA Touzalin, société anonyme exploitant une concession d'automobiles de la marque Toyota, s'est vu notifier des propositions de rectification du fait de la remise en cause, par le vérificateur, de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux achats des véhicules dit de courtoisie, aux achats des véhicules de démonstration et aux dépenses afférentes à l'entretien de ces véhicules de courtoisie et de démonstration ; que, par jugement du 18 janvier 2007, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la société SNDA Touzalin tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés conformément auxdites rectifications, mis en recouvrement le 21 février 2005 ; que la présente cour a, par arrêt du 26 février 2009, confirmé le jugement ; que, par décision du 22 octobre 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt précité de la cour en tant qu'il a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société SNDA Touzalin sur les véhicules de démonstration et sur les frais d'entretien, de réparation et d'équipement de ces véhicules, a rejeté le surplus des conclusions et a renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de cette annulation ; que la cour est saisie, ainsi, seulement de la contestation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté les rappels de taxe se rapportant aux véhicules de démonstration ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la taxe sur les achats de véhicules de démonstration :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts " Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / 8° Les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. / Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : / (...) b) L'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien (...) acheté (...) lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète parce que le droit à déduction de la taxe afférente au bien fait l'objet d'une exclusion ou d'une limitation ou peut faire l'objet d'une régularisation... " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts : " Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction. Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins " ;

4. Considérant que, pour remettre en cause la déduction pratiquée par la société requérante, l'administration a considéré que les véhicules en litige ne pouvaient être qualifiés de véhicule de démonstration compte tenu de la durée de leur utilisation et de l'usage dont ils ont fait l'objet et que, en conséquence, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé leur achat n'ouvrait pas droit à déduction par application de l'article 237 précité de l'annexe II du code général des impôts ; que, devant le tribunal administratif comme devant la cour, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a demandé que soit substituée à cette base légale, celle tirée du b) du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts ; que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier une imposition, de demander qu'une base légale soit substituée à celle qui avait été initialement invoquée, à la condition que cette substitution puisse être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, notamment de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ; que, si la société SNDA Touzalin soutient que l'admission de la substitution de base légale présentée par l'administration aurait pour effet de la priver de la garantie que constitue la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le litige, qui porte, non sur la détermination du montant du chiffre d'affaires taxable, détermination qui entre dans les attributions de cette commission, mais sur l'application de l'article 257 du code général des impôts, échappe à la compétence de cet organisme ;

5. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il résulte des dispositions précitées de l'article 257 du code général des impôts et de l'article 237 de l'annexe II de ce code, d'une part, que l'achat des véhicules conçus pour transporter des personnes acquis à l'état neuf par les concessionnaires de marques automobiles n'ouvre pas droit à déduction lorsque, affectés aux besoins de l'entreprise, ces véhicules ne sont pas destinés à la revente à l'état neuf, d'autre part, que les concessionnaires sont tenus, quand ils ont déduit la taxe ayant grevé l'acquisition d'un tel véhicule, de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée l'opération consistant à le réserver à l'exploitation ; que, dans ces conditions, et alors même que les véhicules de démonstration dont s'agit ne pourraient être regardés comme des immobilisations, l'administration était fondée à rappeler, par application des dispositions précitées de l'article 257 du code général des impôts, la taxe ayant grevé leur acquisition ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société SNDA Touzalin, l'exclusion du droit à déduction résultant de l'article précité du code général des impôts ne méconnaît pas le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle n'a pas pour effet de créer des distorsions entre concurrents ; que le moyen tiré de ce que la directive n° 77/388/CEE suffit à justifier la déduction des dépenses relatives aux véhicules routiers à moteur figurant dans les stocks de l'exploitant et destinés à la vente n'est pas suffisamment précis pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que la société ne peut utilement se prévaloir d'un projet de directive communautaire ;

S'agissant de l'application de la doctrine :

7. Considérant que la société SNDA Touzalin se prévaut de la doctrine exprimée par l'instruction administrative du 5 juillet 1986 référencée sous le n° 3-D-6-86, complétée par l'instruction du 12 septembre 1986 référencée sous le n° 3-D-10-86, qui prévoit que, par mesure de simplification, les concessionnaires qui ont déduit la taxe lors de l'acquisition ne la reversent pas lorsque le véhicule est affecté à la démonstration quand, lors de la revente, la taxe est acquittée sur la totalité du prix de vente ; qu'il est constant que la société SNDA Touzalin a appliqué la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de revente des véhicules de démonstration en cause ; que le tribunal administratif a toutefois écarté l'application de la doctrine susmentionnée au motif qu'eu égard à la durée d'utilisation de ces véhicules dans l'entreprise, entre dix-huit et vingt-et-un mois, et à l'importance des kilométrages parcourus, ils étaient devenus des éléments durables de l'exploitation et ne pouvaient plus être qualifiés de véhicules de démonstration ; que, toutefois, il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que les véhicules dont s'agit ont été affectés exclusivement à la démonstration ; que, par ailleurs, l'instruction invoquée ne subordonne pas la dispense de versement de la taxe qu'elle prévoit à une durée limitée de l'affectation du véhicule à la démonstration ; que les kilométrages parcourus, bien que non négligeables, ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l'utilisation de ces automobiles à un autre usage que la démonstration ; que, la société SNDA Touzalin remplissant ainsi les conditions de la doctrine, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ses trois véhicules de démonstration n'ouvraient pas droit à déduction à ce titre ;

En ce qui concerne les dépenses d'entretien, de réparation et d'équipement des véhicules de démonstration :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3. (Biens usagers. Déchets neufs d'industrie et matières de récupération) : 1° a) sous réserve le cas échéant, des dispositions des 13° et 15° de l'article 257, les ventes de biens usagers faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même... " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par l'article 26 bis de la directive n° 77/338 du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, modifiée, qui définit les biens d'occasion comme " des biens meubles corporels susceptibles de remploi en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art ou d'antiquité ", que les véhicules de démonstration appartenant à un concessionnaire automobile peuvent recevoir la qualification de biens d'occasion dans la stricte mesure où ces biens ont été utilisés par l'entreprise et sont susceptibles de l'être à nouveau après leur revente ; que, d'autre part, aux termes de l'article 241 de l'annexe II du même code : " Les services de toute nature afférents à ces biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction " ;

9. Considérant que les dépenses engagées par l'exploitant pour l'entretien, la réparation et l'équipement des véhicules de démonstration en vue de leur cession ne sont qu'accessoires à l'opération de revente comme véhicules d'occasion ; qu'une telle opération étant exonérée de taxe sur la valeur ajoutée par application du premier alinéa du a) du 1° du 3 de l'article 261 du code général des impôts, les dépenses d'entretien, de réparation et d'équipement exposées en vue de la revente des trois véhicules de démonstration n'ouvraient pas droit à déduction alors même que la société a pu, sur le fondement de la doctrine précitée, s'abstenir de régulariser la taxe sur la valeur ajoutée lors de la livraison à elle-même des véhicules correspondants, pour leur affectation à la démonstration ;

10. Considérant que la société SNDA Touzalin ne peut utilement faire valoir que les véhicules dont s'agit ne constituent pas des immobilisations dès lors que le refus de déduction de la taxe afférente aux dépenses précitées est fondé sur les dispositions susrappelées du code général des impôts, applicables à la cession des biens usagers ; que les moyens tirés de la méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, de la violation de la 6ème directive et d'un projet de directive doivent être écartés pour les mêmes motifs qu'au point 6 ;

S'agissant de l'application de la doctrine :

11. Considérant, en premier lieu, que l'instruction du 5 juillet 1986 référencée sous le n° 3-D-6-86, complétée par l'instruction du 12 septembre 1986 référencée sous le n° 3-D-10-86 ne se rapporte qu'à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des véhicules qui sont affectés à l'activité de démonstration ; que, par suite, la société SNDA Touzalin ne peut se prévaloir de cette doctrine à l'appui de ses conclusions dirigées contre les rappels de taxe assignés au titre des dépenses engagées pour l'entretien, les réparations et l'équipement des véhicules de démonstration ;

12. Considérant, en second lieu, que la société ne peut invoquer utilement la réponse ministérielle à M.A..., sénateur, du 28 mai 1987, qui est relative à l'application de l'article 238 de l'annexe II du code général des impôts en cas de remise d'articles supplémentaires par les concessionnaires automobiles et qui ne contient aucune interprétation de la loi fiscale en rapport avec le fondement des rappels de taxe en litige ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SNDA Touzalin est fondée à soutenir seulement que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de l'achat des trois véhicules de démonstration ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La société SNDA Touzalin est déchargée, en droits et pénalités, du rappel de taxe auquel elle a été assujettie par avis de mise en recouvrement du 21 février 2005, au titre de l'acquisition des trois véhicules de démonstration.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif n° 0502667 du 18 janvier 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société SNDA Touzalin en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société SNDA Touzalin est rejeté.

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N° 12BX02859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02859
Date de la décision : 28/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : JURICA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-06-28;12bx02859 ?
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