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11/07/2013 | FRANCE | N°12BX03100

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 12BX03100


Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par Me Blal-Zenasni, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1202600 du 26 septembre 2012 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux rejetant son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 9 mai 2012 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son enco

ntre une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de deux an...

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par Me Blal-Zenasni, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1202600 du 26 septembre 2012 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux rejetant son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 9 mai 2012 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de deux ans ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de saisir sans délai les services ayant procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir en vue de la mise à jour du fichier en tenant compte de l'annulation qui serait prononcée ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, né le 27 décembre 1970, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en 2008, puis en 2010 ; que le 13 février 2012 il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade ; que par un arrêté du 9 mai 2012 le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour d'une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi ; que M. B...relève appel de l'ordonnance n°1202600 en date du 26 septembre 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, sur le fondement des dispositions combinées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et de l'article R. 411-1 de ce même code, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (....) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ... " ; qu'aux termes de l'article R.411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif comportait l'exposé notamment de moyens de légalité interne tirés de l'appréciation erronée de la réalité de son état de santé, avec la présentation de pièces à l'appui, et de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision d'interdiction de retour au regard de l'absence de menace pour l'ordre public ; qu'ainsi la demande de M. B...comportait des moyens de légalité interne assortis de faits qui n'étaient pas manifestement insusceptibles de venir à leur soutien et qui n'étaient pas manifestement dépourvus de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux, ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, rejeter cette demande en application des dispositions précitées ; que dès lors, M. B...est fondé à demander l'annulation de cette ordonnance ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté pris dans son ensemble :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par Mme Isabelle Dilhac, secrétaire général de la préfecture de la Gironde ; que Mme A...bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 1er février 2012, régulièrement publié le même jour dans le numéro spécial n°5 du 26 janvier au 1er février 2012 du recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature du préfet de la Gironde à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes, mémoires, correspondances et documents, concernant l'administration de l'Etat dans le département de la Gironde " , avec trois exceptions au nombre desquelles ne figurent pas les mesures prises en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 9 mai 2012 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général.(...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre de troubles psychiatriques ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis émis le 13 mars 2012, que l'état de santé de M. B...nécessite un " suivi médical ", que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ; qu'il ressort de plusieurs certificats médicaux établis par des médecins psychiatriques et produits par le requérant que ce dernier présente un état dépressif nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux et un suivi thérapeutique régulier, et que son syndrome dépressif s'est aggravé suite au décès de sa mère au Maroc, où il n'a pu retourner à cette occasion ; que le certificat médical établi par un médecin psychiatre agréé le 30 mars 2012 mentionne qu'il doit poursuivre les soins entrepris pendant au moins un an et que les risques de suicide sont importants en cas de rupture de ce soutien thérapeutique ; que toutefois, aucun de ces certificats médicaux n'établit directement que les médicaments dont M. B...a besoin ne seraient pas disponibles au Maroc et qu'il ne pourrait pas faire l'objet dans son pays d'origine d'un suivi régulier et d'une prise en charge adaptée à son état de santé, ce qui ne permet donc pas de contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'ainsi, en l'absence d'éléments précis et circonstanciés justifiant de son impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Gironde aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions de l'article L.313-11 11° ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

12. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour prononcer la mesure d'interdiction de retour pendant la durée maximale de deux ans, le préfet de la Gironde s'est borné à prendre en compte le fait que M. B...a déjà fait l'objet de deux mesures de reconduites à la frontière, qu'il est entré irrégulièrement en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc et ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, sans faire apparaître qu'il aurait pris en compte le critère relatif à la menace que représenterait pour l'ordre public la présence de l'intéressé sur le territoire français ; qu'il n'a donc pas motivé sa décision en prenant en compte, au vu de la situation de l'étranger, l'ensemble des critères prévus par la loi ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et alors même que le préfet n'avait pas à motiver de manière distincte la durée de l'interdiction, M. B...est fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée et doit être annulée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article R. 511-3 du même code : " (...) Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées. " ; qu'aux termes de cet article : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. Les données enregistrées au titre du 5° du IV de l'article 2 sont effacées, au plus tard, trois ans après la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été signée. La mise à jour des données enregistrées est réalisée, à l'initiative de l'autorité ayant demandé l'inscription au fichier, par les services ayant procédé à l'enregistrement des données en application des dispositions de l'article 4. Des vérifications périodiques sont mises en oeuvre afin de garantir la fiabilité des données" ;

14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le présent arrêt, qui annule l'interdiction de retour sur le territoire français, implique nécessairement que le préfet de la Gironde, qui a eu l'initiative de l'inscription, fasse supprimer dans le système d'information Schengen le signalement de M. B...aux fins de non-admission ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

15. Considérant en second lieu, que le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard à ses motifs, que le préfet de la Gironde délivre à M. B...un titre de séjour ou procède au réexamen de sa situation ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à cette autorité de prendre des mesures en ce sens ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°1202600 du 26 septembre 2012 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde en date du 9 mai 2012 est annulé en tant qu'il interdit à M. B...le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à la suppression du signalement de M. B...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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No 12BX03100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX03100
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BLAL-ZENASNI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-11;12bx03100 ?
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