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04/07/2002 | FRANCE | N°98BX01385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 04 juillet 2002, 98BX01385


Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 3 août, 3 septembre et 14 novembre 1998, les 24 février, 14 avril et 15 juillet 1999 au greffe de la cour, présentés par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN dont le siège est situé à Montaigut, à Saint Yrieix (Haute-Vienne) ;
L'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN demande à la cour :
1° d'annuler un jugement en date du 9 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation du permis de construire déli

vré le 1er décembre 1995 par le maire de la commune de Bessines-surG...

Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 3 août, 3 septembre et 14 novembre 1998, les 24 février, 14 avril et 15 juillet 1999 au greffe de la cour, présentés par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN dont le siège est situé à Montaigut, à Saint Yrieix (Haute-Vienne) ;
L'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN demande à la cour :
1° d'annuler un jugement en date du 9 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation du permis de construire délivré le 1er décembre 1995 par le maire de la commune de Bessines-surGartempe à la compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) ;
2° d'annuler le permis de construire délivré le 1er décembre 1995 par le maire de la commune de Bessines-surGartempe à la compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) et de condamner cette commune à lui verser la somme de 15.000 F (2.286,74 euros) au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 10.000 F (1.524,49 euros) au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2002 :
- le rapport de M. Larroumec, rapporteur ;
- les observations de M. X... pour l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN ;
- les observations de Me Videau pour la SCP Delaporte et Briard, avocat de la compagnie générale des matières nucléaires ;
- et les conclusions de M. Pac, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : "L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concertée. Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : ( ...) L'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques" ;
Considérant que l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN soutient que le tribunal administratif de Limoges a jugé à tort comme irrecevables en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, les moyens relatifs à l'insuffisance du rapport de présentation de la modification du plan d'occupation des sols approuvée le 28 février 1995, au classement du terrain d'assiette du permis litigieux et à la méconnaissance de l'article L.123-4 du code de l'urbanisme ; que, d'une part, le tribunal administratif de Limoges n'a pas jugé irrecevable le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du zonage ; que, d'autre part, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation constitue bien un moyen de légalité externe qui ne pouvait plus être invoquée en application des dispositions précitées de l'article L. 600-1 ; que, toutefois, le moyen tiré de la mise en oeuvre de la procédure de modification du plan d'occupation des sols à la place de la procédure de révision en méconnaissance des dispositions de l'article L.123-4 du code de l'urbanisme n'est pas un vice de forme comme l'a jugé à tort le tribunal administratif de Limoges mais un moyen de légalité interne ; qu'en rejetant ce moyen pour irrecevabilité sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-1 précité, le tribunal a commis une irrégularité ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 9 juillet 1998 doit être annulé ;
Considérant qu'il a y lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par L'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN devant le tribunal administratif de Limoges ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir opposées à la demande :
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne la compétence du maire de Bessinessur-Gartempe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme :
"Dans les communes où un plan d'occupation des sols a été approuvé, le permis est délivré par le maire au nom de la commune. ( ...) Sont toutefois délivrés ou établis au nom de l'Etat par le maire ou le représentant de l'Etat dans la département ( ...) Les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation ou à l'occupation du sol concernant : a) Les constructions, installations ou travaux réalisés pour le compte de l'Etat, de la région, du département, de leurs établissements publics et concessionnaires ainsi que pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales ; b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution ou de stockage d'énergie, ainsi que ceux utilisant des matières ..." ;
Considérant, d'une part, que le permis de construire en date du 1er décembre 1995 du maire de la commune de Bessinessur-Gartempe autorisant l'édification de douze bâtiments de stockage a été délivré au nom de la commune à la compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) ; que cette société privée n'est pas concessionnaire de l'Etat et ne saurait être regardée comme telle du fait qu'elle serait un des acteurs majeurs de la filière nucléaire française ; que, d'autre part, les bâtiments autorisés ont pour destination le stockage d'oxyde d'uranium appauvri qui ne saurait être assimilé à un stockage d'énergie au sens des dispositions précitées de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, ledit oxyde devant être enrichi pour être réutilisé ; que, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 421-21 du code de l'urbanisme, le permis de construire litigieux a pu être légalement délivré par le maire au nom de la commune de Bessines-sur-Gartempe ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 490-3 du code de l'urbanisme : "Les décisions relatives aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol et le certificat de conformité concernant l'édification d'ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie ainsi que les travaux effectués sur ces ouvrages sont prises, sous réserve des dispositions de l'article R. 490-4 : 1° Par le préfet, au nom de l'Etat, lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur de l'autorisation ou de l'acte sollicité ..." ; qu'aux termes de l'article R. 490-4 du même code : "Les décisions relatives aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol et le certificat de conformité concernant l'édification d'installations nucléaires de base ou les travaux effectués sur ces ouvrages sont prises par le préfet au nom de l'Etat" ;

Considérant que comme il a été dit précédemment, l'oxyde d'uranium appauvri stocké dans les bâtiments autorisés par le permis de construire litigieux, même s'il est doté d'un pouvoir énergétique réel selon les dires mêmes de la COGEMA, ne constitue pas, en l'état, une source d'énergie directe dont les ouvrages de stockage entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 490-3 ; que ces ouvrages ne constituent pas davantage des installations nucléaires de base au sens du décret du 11 décembre 1963, l'oxyde d'uranium stocké sur le site industriel de Bessinessur-Gartempe n'étant pas considéré comme un mélange de substances radioactives par l'annexe 2 du décret n° 66-450 du 20 juin 1966 modifié ; que, par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire attaqué a été pris en méconnaissance des articles R. 490-3 et R. 490-4 précités ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article R. 421-36 du code de l'urbanisme ne sont applicables que dans les communes où le plan d'occupation des sols n'a pas été approuvé ; qu'il est constant que la commune de Bessinessur-Gartempe était dotée à la date de la décision attaquée d'un plan d'occupation des sols approuvé ; qu'ainsi, même si la superficie hors oeuvre totale des douze bâtiments autorisés par le permis de construire attaqué excède 1.000 mètres carrés, le maire de Bessines-sur-Gartempe était compétent pour délivrer ce permis de construire au nom de la commune ;
En ce qui concerne la procédure suivie :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le maire de Bessines-sur-Gartempe a donné son avis dans le cadre de la procédure d'instruction du permis de construire litigieux alors qu'un tel avis ne serait requis que lorsque le permis de construire est délivré au nom de l'Etat n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 4 août 1955 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes, que sont soumis à la procédure d'instruction mixte, notamment l'établissement, l'aménagement et la suppression des usines et installations utilisées ou susceptibles d'être utilisés pour les études ou des fabrications intéressant la défense nationale ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'oxyde d'uranium appauvri dont le stockage est prévu est exclusivement d'origine civile ; que la circonstance que l'oxyde d'uranium appauvri puisse être utilisé à des fins militaires ne suffit pas pour établir que l'oxyde d'uranium appauvri stocké sur le site de Bessines-sur-Gartempe n'aurait pas une utilisation exclusivement civile ; qu'ainsi, l'installation d'entreposage en cause n'est au nombre des travaux visés par les dispositions de la loi précitée du 29 novembre 1952 et limitativement énumérés par l'article 4 du décret du 4 août 1955 ; que par suite, l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire attaqué méconnaîtrait les dispositions du décret du 4 août 1955 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme : "Si le dossier est incomplet, l'autorité compétente pour statuer dans les quinze jours de la réception de la demande invite, par lettre recommandée avec avis de réception postal, le demandeur à fournir les pièces complémentaires dans les conditions prévues à l'article R. 421-9. Lorsque ces pièces ont été produites, il est fait application de l'article R. 421-12. Le délai d'instruction part de la réception des pièces complétant le dossier" ;
Considérant que la COGEMA a déposé sa demande de permis de construire le 8 avril 1994 ; que, dans un premier temps, par lettre du 14 novembre 1994, le service instructeur, lui a fait connaître qu'une décision lui serait notifiée avant le 8 février 1995 et, qu'à défaut, à compter de cette date, la lettre vaudrait autorisation tacite ; que, dans un second temps, par lettre du 30 janvier 1995, le même service a invité la COGEMA à compléter son dossier dans un délai de deux mois, sauf à voir déclarer sa demande sans suite ; que la COGEMA n'a produit les pièces demandées que le 13 novembre 1995, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois qui lui avait été imparti ; que, toutefois, en l'absence de toute décision expresse de l'administration déclarant sans suite la demande de la COGEMA ou de renvoi de ce dossier, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire sollicité demeurait régulièrement saisie ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme, le maire procède à l' affichage de l'avis de dépôt de la demande de permis de construire dans les quinze jours ; que cette formalité ne présente pas de caractère substantiel, même si l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme prévoit que les permis de construire doivent être portés à la connaissance du public et si l'article L. 200-1 du code rural pose le principe de l'accès du citoyen aux informations relatives à l'environnement ; qu'ainsi, le défaut d'affichage de l'avis de dépôt de la demande du permis de construire litigieux n'est pas de nature à entacher ce dernier d'illégalité ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le service instructeur a le 30 janvier 1995 invité la COGEMA à compléter sa demande de permis de construire d'une étude paysagère telle que prévue par les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 94-408 du 18 mai 1994 afin de mieux appréhender l'importance du projet ; que l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN soutient, dans le dernier état de ses écritures, que même si cette étude n'était pas obligatoire, les dispositions en cause de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'étant applicables qu'aux demandes de permis de construire déposées après le 30 juin 1994, l'invitation faite à la COGEMA de produire cette étude paysagère imposait au service instructeur d'exiger une étude suffisante au regard des dispositions de l'article R. 421-2 précité ; que la COGEMA, qui a déposé sa demande de permis de construire le 8 avril 1994, soit antérieurement à la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret précité du 18 mai 1994, n'avait pas l'obligation de produire une étude paysagère pour compléter son dossier de demande de permis de construire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance, d'ailleurs non établie, de l'étude produite, est sans influence sur la légalité du permis de construire délivré à la COGEMA ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-3-2 du code de l'urbanisme :
"Lorsque les travaux projetés concernent une installation soumise à autorisation ou à déclaration en vertu de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de déclaration" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la COGEMA a produit la justification du dépôt de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées le 8 novembre 1994 à la suite d'une demande de régularisation du service instructeur en date du 21 avril 1994 ; que la circonstance que cette justification n'ait été produite qu'après l'expiration du délai de deux mois fixé par le service instructeur pour compléter la demande de permis de construire n'entache pas pour autant d'irrégularité la procédure d'instruction de ce dernier ;

Considérant, en septième lieu, que la circonstance que l'arrêté du 20 décembre 1995 du préfet de la Haute-Vienne autorisant la COGEMA à entreposer de l'oxyde d'uranium appauvri dans les édifices autorisés par le permis de construire attaqué ait été annulé par le tribunal administratif de Limoges par un jugement en date du 9 juillet 1998 est sans influence sur la légalité de ce permis de construire ; que la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date de son édiction, l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir que l'annulation précitée de l'autorisation d'installation classée aurait fait disparaître la destination des constructions autorisées par le permis de construire attaqué méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme selon lesquelles la demande de permis de construire doit préciser la destination des constructions ;
Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 8 du décret du 12 octobre 1977 dans sa rédaction issue du décret n° 93-245 du 25 février 1993 : ( ...) Lorsqu'un aménagement ou un ouvrage assujetti à l'étude d'impact ou à la notice, donne successivement lieu à plusieurs décisions d'autorisation ou d'approbation, un exemplaire de l'étude d'impact doit être joint à chacun des dossiers de demande concernant l'opérationA ; que le permis de construire attaqué vise expressément l'étude d'impact produite par la COGEMA dans le cadre de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées ; que la seule circonstance que cette étude impact n'aurait pas figuré au dossier de demande de permis de construire en 1998 n'établit qu'elle n'aurait pas été produite dans le cadre de cette demande ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du décret du 12 octobre 1977 doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la direction régionale de l'industrie et de la recherche, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et la direction départementale des services d'incendie et de secours ont émis leur avis alors que le dossier de demande de permis de construire n'avait pas été complété par l'étude paysagère est sans influence sur la régularité de la procédure, une telle étude n'étant pas, comme il a été dit précédemment, obligatoire ; que, par ailleurs, le moyen tiré du défaut de consultation du service départemental de l'architecture, de la direction générale de l'environnement et du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement est inopérant, aucune de ces consultations ne présentant un caractère obligatoire ;
Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiqueA ; que s'agissant d'une construction d'une installation classée au titre de la loi du 19 juillet 1976 susvisée, l'autorité chargée de délivrer le permis de construire ne peut refuser celui-ci ou l'assortir de prescriptions spéciales sur le fondement de l'article R. 111-2 précité que pour les seuls risques de salubrité ou de sécurité publique créés par la construction elle-même ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les constructions autorisées par le permis de construire litigieux portent, en elles-mêmes, par leur situation ou leurs dimensions atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au maire de la commune de Bessines-sur-Gartempe d'attendre que le préfet de la Haute-Vienne prenne un arrêté de réaménagement du site dans lequel sont situées les constructions avant de délivrer le permis de construire lequel d'ailleurs comporte des prescriptions visant à assurer notamment la salubrité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé si le terrain d'assiette n'est pas desservi par des voies d'accès publiques ou privées répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficiles la circulation des engins de lutte contre l'incendie ; que, d'une part, l'association ne peut utilement soutenir que le permis de construire litigieux aurait du être refusé du fait de l'insuffisance de l'accès ferroviaire, l'article R.111-4 ne concernant pas ce type d'accès ; que, d'autre part, l'insuffisance des accès routiers n'est pas établie par l'association requérante qui se borne à invoquer la méconnaissance de l'article R. 111-4 précité ; que cette insuffisance ne ressort pas des pièces du dossier ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme : "Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut-être opposé" ; qu'aux termes de l'article L. 123-5 du même code : Lorsque l'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit ou lorsque la révision d'un plan approuvé a été ordonnée, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer ; que l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN soutient que le maire de Bessines-sur-Gartempe aurait du surseoir à statuer sur la demande de permis de construire de la COGEMA sur le fondement de ces deux articles du code de l'urbanisme ; que, d'une part, les travaux résultant de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 13 décembre 1995 visant à réaménager la zone auquel appartient le terrain d'assiette des constructions autorisées pour le compte de la COGEMA, ne sont pas des travaux publics ; que, d'autre part, le plan d'occupation des sols de la commune de Bessines-sur-Gartempe dont la dernière modification avait été approuvée le 15 février 1995, soit antérieurement à la date de délivrance du permis litigieux, ne faisait pas l'objet d'une procédure de révision à la date d'édiction du permis de construire attaqué ; qu'enfin, la circonstance que l'arrêté du préfet de la Vienne en date 13 décembre 1995 prescrive que les travaux de construction relatifs à l'entreposage ne pourront commencer qu'à l'achèvement des travaux d'aménagementA est sans influence sur la légalité du permis de construire attaqué au regard des règles régissant le sursis à statuer sur les demandes d'autorisation de construire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-14-2 du code de l'urbanisme : Le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il ne peut être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables sur l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone concernée ne présente pas un intérêt particulier et ne bénéficie d'aucune protection notamment au titre de la législation relative aux sites naturels ; que sa destination industrielle n'est pas nouvelle et a d'ailleurs modelé de manière sensible l'environnement ; que l'association requérante ne démontre pas que la construction de douze bâtiments d'une surface hors oeuvre nette totale de plus de 36.000 mètres carrés destinés au stockage d'uranium appauvri, pour importante qu'elle soit, aurait des conséquences dommageables sur l'environnement ; que, le permis litigieux n'est donc pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; que comme il a été dit précédemment, la zone sur laquelle a été autorisée la construction des douze bâtiments ne présente pas d'intérêt environnemental particulier ; qu'elle est distante de plus d'un kilomètre du village de Bessines-sur-Gartempe ; que le projet autorisé comporte d'ailleurs une étude paysagère réalisée par un architecte-paysagiste qui prévoit notamment que les douze bâtiments de couleur verte seront ceinturés par des arbres de haute tige de nature à réduire leur impact visuel et à améliorer de manière sensible leur intégration au milieu environnant ; qu'ainsi, même si comme le soutient l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN, il existe dans un rayon de dix kilomètres des monuments inscrits à l'inventaire des monuments historiques et des sites naturels et si les paysages doivent être préservés pour notamment assurer et pérenniser le développement du tourisme rural de la région, il n'est pas établi que les constructions autorisées porteraient atteinte aux lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme doit être écarté ;
En ce qui concerne la méconnaissance du plan d'occupation des sols :
Considérant, en premier lieu, que le terrain d'assiette des constructions autorisées est situé dans une zone classée I NA (UI) par le plan d'occupation des sols de la commune de Bessines-sur- Gartempe ; que si l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN soutient que cette zone aurait du faire l'objet d'un réaménagement et d'un assainissement avant d'être ouverte à de nouvelles activités industrielles, elle ne précise pas quelles seraient les dispositions du plan d'occupation des sols qui imposeraient cette obligation ; que d'ailleurs le règlement du plan d'occupation des sols applicable à la zone concernée ne prévoit pas une telle obligation ; qu'il se borne à préconiser sans autre précision une étude préalable avant l'ouverture à l'urbanisation des zones NA ;
Considérant, en deuxième lieu, que le règlement de la zone NA prévoit la possibilité de construction sous réserve que l'opération soit suffisante pour constituer un îlot organisé ; que contrairement à ce que soutient la requérante, la constitution d'un tel îlot ne suppose pas des constructions diversifiées et à usage d'habitation, un tel îlot pouvant être régulièrement créé, comme en l'espèce, dans une zone NA à vocation industrielle par des hangars destinés au stockage ; que, d'ailleurs, compte tenu de son importance et du nombre de bâtiments concernés, le projet autorisé par le permis constitue un îlot organisé au sens du règlement de la zone NA ;

Considérant, en troisième lieu, que l'association requérante n'apporte aucun élément établissant que la hauteur des bâtiments autorisés excéderait la hauteur maximale autorisée par le règlement de la zone NA ;
En ce qui concerne l'illégalité du plan d'occupation des sols :
Considérant, d'une part, que l'association requérante soutient que le permis de construire attaqué serait illégal car délivré sous l'empire du plan d'occupation des sols de la commune de Bessines-sur-Gartempe, résultant de la modification illégale approuvée le 28 février 1995, la commune ayant méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme alors applicable ;
Considérant que si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet de construction respectant la réglementation d'urbanisme applicable, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; qu'il suit de là que la constatation par le juge de l'illégalité d'un plan d'occupation des sols n'entraîne pas, de plein droit, celle d'un permis de construire délivré sous l'empire de ce plan, sauf dans le cas où cette illégalité affecte une disposition ayant pour objet de rendre possible l'octroi du permis contesté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la modification du plan d'occupation des sols précitée qui ne concerne pas les parcelles d'assiette des constructions autorisées n'a pas rendu possible l'octroi du permis de construire litigieux ; que, par suite, les moyens tirés de l'illégalité de cette modification du plan d'occupation des sols pour insuffisance du rapport de présentation et méconnaissance des articles L. 123-4 et L. 300-2 du code de l'urbanisme ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre du permis de construire du 1er décembre 1996 ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que la zone concernée ait été dans le passé une zone d'exploitation minière et de traitement du minerai d'uranium n'imposait pas qu'elle soit classée ND en raison des risques et nuisances résultant de la contamination du sols ; que le classement I NA de cette zone n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN tendant à l'annulation du permis de construire en date du 1er décembre 1995 délivré à la COGEMA doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 précité font obstacle à ce que la commune de Bessines-sur-Gartempe qui n'est pas dans la présente espèce la partie perdante soit condamnée à verser à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN la somme qu'elle réclame au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 précité et de condamner l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN à verser à la COGEMA la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant enfin que les conclusions de l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN tendant à ce que la commune de Bessines-surGartempe soit condamnée à lui verser la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle devant le tribunal administratif de Limoges ne sauraient être accueillies en appel ;
Article 1er : Le jugement en date du 9 juillet 1998 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'ASSOCIATION POUR LE DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : L'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE L'ENVIRONNEMENT DU PAYS AREDIEN ET DU LIMOUSIN versera à la COGEMA la somme de 1.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01385
Date de la décision : 04/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - INSTRUCTION DE LA DEMANDE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - AUTORITE COMPETENTE POUR STATUER SUR LA DEMANDE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - NATURE DE LA DECISION - SURSIS A STATUER.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION NATIONALE - AUTRES DISPOSITIONS LEGISLATIVES OU REGLEMENTAIRES.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION LOCALE - PLAN D'OCCUPATION DES SOLS (VOIR SUPRA PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME).

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - DETOURNEMENT DE POUVOIR.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code rural L200-1, R421-9, R421-2, R421-3-2, R421-1-1, R111-2, R111-4, L111-10, L123-5, R111-14-2, R111-21, L123-4, L300-2
Décret du 11 décembre 1963
Décret 55-1064 du 04 août 1955 art. 4
Décret 66-450 du 20 juin 1966 annexe 2
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977 art. 8
Décret 93-245 du 25 février 1993
Décret 94-94 du 18 mai 1994
Loi du 29 novembre 1952
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 1
Loi 76-663 du 19 juillet 1976


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Larroumec
Rapporteur public ?: M. Pac

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-07-04;98bx01385 ?
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