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24/04/2003 | FRANCE | N°02BX01453

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre, 24 avril 2003, 02BX01453


Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2002 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ;

Le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER demande à la cour :

1° d'annuler le jugement, en date du 14 mars 2002, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de l'Association pour la défense de la Ségone, a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne en date du 17 novembre 2000 déclarant d'utilité publique les travaux de construction

de la déviation de la R.N. 21 au nord ouest d'Agen, d'autre part, a enjo...

Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2002 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ;

Le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER demande à la cour :

1° d'annuler le jugement, en date du 14 mars 2002, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de l'Association pour la défense de la Ségone, a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne en date du 17 novembre 2000 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la déviation de la R.N. 21 au nord ouest d'Agen, d'autre part, a enjoint à l'administration de mettre fin aux travaux en cours ;

2° de rejeter la demande présentée par l'Association pour la défense de la Ségone devant le tribunal administratif ;

.........................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Classement CNIJ : 34-02-01-01-01-005 C

34-01-01-02

34-01-01-02-04

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu la loi n° 95-1001 du 2 février 1995 ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2003 :

- le rapport de M.Valeins, rapporteur ;

- les observations de M. X... du département de Lot-et-Garonne ;

- les observations de M. Ragade, président de l'Association pour la défense de la Ségone ;

- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : (...) 7° l'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tel que défini à l'article 3 du même décret (...) ;

Considérant, d'autre part, que selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 : Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports relatifs notamment à l'environnement, à la sécurité et à la santé et permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de la loi du 30 décembre 1982 : Sont considérés comme grands projets d'infrastructures de transports : (...) 3. Les projets d'infrastructures de transports dont le coût est égal ou supérieur à 545 millions de francs (83,08 millions d'euros) ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ses tranches ; l'évaluation (...) doit être préalable à la réalisation de la première tranche ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : L'évaluation d'un grand projet d'infrastructures incombe au maître d'ouvrage et est financée par lui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que seuls les travaux de construction de la déviation de la RN 21 entre l'extrémité sud de la déviation de La Croix Blanche, au nord, et le raccordement à la RN 113, à Colayrac-Saint-Cirq au lieu-dit Camélat, au sud, déclarés d'utilité publique par l'arrêté préfectoral attaqué, ont fait l'objet d'une décision ministérielle en date du 21 mai 1996 qui fixait notamment le tracé de la voie, ses caractéristiques géométriques, son coût d'objectif et les modalités de son financement ; que, si les travaux susmentionnés correspondent au premier des deux tronçons, dit tronçon A, du fuseau ouest qui figure dans l'étude d'impact, ledit fuseau constituant selon les termes de cette étude une bande de largeur variable dans laquelle le futur projet de contournement de l'agglomération est susceptible de développer son tracé par l'ouest, les travaux correspondant à l'ensemble de ce fuseau n'ont fait l'objet d'aucune décision du ministre de l'équipement seul compétent en la matière ; que, dans ces conditions, le fuseau ouest ne peut être regardé comme un grand projet d'infrastructures de transports au sens des dispositions précitées dont les travaux contestés constitueraient la première tranche ; que la réalisation de la déviation de la RN 21 dont le coût prévisionnel était de 245 millions de francs (37,35 millions d'euros) n'avait donc pas à comporter l'évaluation prévue au 7 du I de l'article R. 11-3 précité du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur l'absence d'évaluation au dossier soumis à l'enquête pour annuler l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne en date du 17 novembre 2000 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la déviation de la RN 21 au nord ouest d'Agen ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'Association pour la défense de la Ségone devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur la légalité externe de l'arrêté préfectoral :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du I de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, le dossier soumis à l'enquête publique doit comprendre obligatoirement 1° une notice explicative (...) 3° le plan général des travaux ; 4° les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants (...) 6° l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés (...) ;

Considérant que l'Association pour la défense de la Ségone soutient que le dossier soumis à enquête ne comprenait pas de précisions suffisantes quant à la localisation et aux caractéristiques de l'ouvrage ; que les documents soumis à l'enquête publique ont pour objet, non de décrire le détail des ouvrages envisagés, mais de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus, ainsi que les caractéristiques générales des travaux les plus importants ; qu'en l'espèce, la notice explicative où figurent les caractéristiques des ouvrages les plus importants, le plan général des travaux au 1/ 10 000 ème qui indique précisément le tracé de la voie, les points de raccordement au réseau routier et les travaux de rétablissement des voies existantes ainsi que les divers documents graphiques compris dans le dossier décrivent la localisation et les caractéristiques de la déviation de la RN 21 avec une précision suffisante ;

Considérant que l'allégation de l'Association pour la défense de la Ségone, selon laquelle la variante est décrite dans l'étude d'impact, qui aurait été écartée à tort par le comité de pilotage du dossier de voirie d'agglomération d'Agen, aurait un coût prévisionnel volontairement exagéré et que les travaux contestés auraient été sous-évalués afin de démontrer que le contournement de l'agglomération par l'ouest était le seul possible et ainsi induire le public en erreur, n'est pas corroborée par les pièces du dossier ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen, tiré de ce que la procédure serait irrégulière dès lors que le préfet aurait refusé de compléter le dossier d'enquête publique et de proroger l'enquête comme le lui avait demandé l'association, n'est fondé sur la méconnaissance d'aucune disposition législative ou réglementaire relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 2 février 1995 codifiées à l'article L. 310-1 du code de l'environnement : I.- Il est établi par l'Etat, dans chaque département, un inventaire départemental du patrimoine naturel. II.- Cet inventaire recense : 1° Les sites, paysages et milieux définis en application de textes dont la liste est fixée par décret ; 2° Les mesures de protection de l'environnement prises en application des textes dont la liste est fixée par décret, ainsi que les moyens de gestion et de mise en valeur qui s'y rapportent, le cas échéant (...) IV.- Cet inventaire est mis à la disposition du public pour consultation. Il est également mis à la disposition du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête lors d'une enquête publique concernant un ouvrage entrant dans le champ de cet inventaire ; que les décrets susmentionnés nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositions n'avaient pas été publiés et qu'ainsi aucun inventaire départemental du patrimoine naturel du Lot-et-Garonne n'avait pu être établi ; que, par suite, l'absence de communication dudit inventaire par le préfet à la commission d'enquête est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : Le commissaire-enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres (...) Le commissaire-enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) ; que la commission d'enquête a examiné les observations consignées ou annexées aux registres et qu'elle a précisé les raisons qui ont déterminé l'avis favorable qu'elle a donné à la déclaration d'utilité publique des travaux de réalisation de la déviation ; que le rapport de la commission d'enquête répond ainsi aux exigences de l'article R. 11-10 précité, alors même que ledit rapport contiendrait des erreurs ;

Considérant, en cinquième lieu, que si l'association entend soutenir que les dispositions du III de l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, codifiées à l'article L. 214-2 du code de l'environnement, auraient été violées dès lors que les travaux déclarés d'utilité publique, qui seraient susceptibles de nuire au libre écoulement des eaux et de provoquer des glissements de terrains, n'auraient pas été autorisés au titre de ces dispositions, un tel moyen ne peut utilement être invoqué, la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique étant distincte de celle prévue par les dispositions susmentionnées ; qu'est également inopérant le moyen tiré de ce que des travaux de terrassement auraient été entrepris avant la signature de l'arrêté attaqué ;

Sur la légalité interne de l'arrêté préfectoral :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant que la construction de la déviation de la RN 21 dont l'arrêté préfectoral attaqué a déclaré l'utilité publique a pour objet le contournement par l'ouest de l'agglomération d'Agen et permettra d'améliorer sensiblement les conditions du trafic routier de transit nord sud ainsi que la commodité et la sécurité de la circulation urbaine, conformément d'ailleurs à ce qui était prévu au schéma directeur de la région agenaise ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis à l'enquête publique que les glissements de terrains, qui pourraient être provoqués par les travaux de terrassement et qui seront évités ou atténués par le profil adapté de la voie, les vibrations dues au fonctionnement des engins de chantier, les atteintes au paysage, que l'administration s'est engagée à atténuer notamment par une revégétalisation des zones dégradées, le bruit, qui devrait diminuer sur le réseau existant, ou la circonstance qu'aucune construction nouvelle ne pourra être autorisée à moins de cent mètres de l'axe de la déviation, soient de nature à faire perdre au projet son caractère d'utilité publique ;

Considérant que, si l'Association pour la défense de la Ségone soutient qu'un autre tracé aurait offert plus d'avantages au prix d'inconvénients moindres, il n'appartient pas à la cour administrative d'appel d'apprécier l'opportunité du tracé choisi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué en date du 14 mars 2002, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2000 et a enjoint à l'administration de mettre fin aux travaux en cours ;

DÉ C I D E :

ARTICLE 1er : Le jugement en date du 14 mars 2002 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

ARTICLE 2 : La demande présentée par l'Association pour la défense de la Ségone devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

6

02BX01453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02BX01453
Date de la décision : 24/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHOISSELET
Rapporteur ?: M. VALEINS
Rapporteur public ?: M. BEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2003-04-24;02bx01453 ?
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