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06/07/2006 | FRANCE | N°01BX02531

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4eme chambre (formation a 3), 06 juillet 2006, 01BX02531


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2001, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole de la Gironde, dont le siège est 304 boulevard du Président Wilson à Bordeaux (33076), par Me X... ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99/3017 du 28 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre d

es années 1991 à 1994 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

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Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2001, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole de la Gironde, dont le siège est 304 boulevard du Président Wilson à Bordeaux (33076), par Me X... ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99/3017 du 28 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1994 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :

- le rapport de M. Vié, premier conseiller ;

- les observations de Me A... pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE et de Mme Y... de Saint-Aignan, représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision du 30 mai 2002 postérieure à l'introduction de la requête, le délégué interrégional des impôts a prononcé, à concurrence de la somme de 243 713,08 euros, un dégrèvement des intérêts de retard et de la majoration de 80 % qui ont assorti le complément d'impôt sur les sociétés auquel la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1991 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l'abus de droit :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : | … qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant que, par acte du 31 mai 1991, la Société nationale des chemins de fer belges a cédé au groupement d'intérêt économique Amaury Z..., dont la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, venant aux droits de la caisse régionale de crédit agricole de la Gironde, détient 10 % du capital, 23 automotrices électriques, mises en service en 1981 et 1982, pour la somme de 420 000 000 F (64 028 587,24 euros) ; que, par contrat de crédit-bail du même jour, le groupement a donné en location ces mêmes biens à la Société nationale des chemins de fer belges pour une durée comprise entre le 7 juin 1991 et le 31 décembre 2005 et ont fait l'objet d'une promesse de vente à la date d'échéance du 30 juin 1999 ou du 31 décembre 2005 moyennant un prix convenu, sous réserve, pour le preneur, de souscrire un emprunt obligataire au 7 juin 1991 et de verser, au 31 décembre 1998, un dépôt de garantie de 238 875 714 F (36 416 367,84 euros) rémunéré par le bailleur au taux nominal de 11 % par an ; que l'administration, estimant que le contrat de crédit-bail était fictif et exclusivement inspiré par des intérêts fiscaux, a écarté cet acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et a réintégré dans les résultats du groupement d'intérêt économique Amaury Z... le déficit constaté au titre des exercices clos en 1991, 1992, 1993 et 1994 ; que, s'étant abstenue de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit, elle supporte la charge de la preuve des intentions qu'elle invoque ;

Considérant que le contrat susmentionné, dont il est constant qu'il a été exécuté conformément aux stipulations liant les parties, prévoit la location, par un groupement d'intérêt économique qui en demeure propriétaire, de biens que la société preneuse a exploités dans le cadre de son activité de transport, en bénéficiant d'une promesse unilatérale de vente du bailleur moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des loyers versés, et répond ainsi à la qualification d'opération de crédit-bail au sens de l'article 1er de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966 ; que la convention de trésorerie qui a assorti l'opération de crédit-bail ne saurait avoir pour effet de remettre en cause cette qualification, ni ne permet de regarder le contrat comme fictif, dès lors, en tout état de cause, que la participation de la Société nationale des chemins de fer belges au financement de l'opération, qu'aucune disposition ne proscrit et qui participe des garanties offertes au bailleur, est restée minoritaire par rapport à l'ensemble des concours bancaires accordés, desquels ne sauraient être exclues les avances consenties au groupement par ses actionnaires dans le cadre de la « tranche C » de financement ; que, de même, le recours à ces avances pour relayer les financements classiques amortis au terme des huit premières années de contrat ne traduit nullement une prolongation artificielle des effets de l'acte, dans la mesure où il est constant que la location des automotrices s'est poursuivie conformément aux termes de la convention ; que le ministre n'établit donc pas, par ces seuls arguments, le caractère fictif du contrat en cause ;

Considérant que la Société nationale des chemins de fer belges, connaissant des besoins structurels de financement, a pu, eu égard aux modalités du contrat ci-dessus analysées, et en particulier à sa participation minoritaire au financement du projet, bénéficier d'un important flux de trésorerie sans dégradation de ses ratios financiers et de sa capacité ultérieure d'endettement, tout en préservant la pérennité de ses moyens d'exploitation ; que si la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE admet qu'elle disposait d'un intérêt fiscal au contrat, elle a pu conclure, grâce notamment à la participation financière de la société et à la garantie émise par le Royaume de Belgique, sous forme d'un arrêté royal couvrant le paiement de toutes sommes dues au titre du contrat, un contrat d'envergure sans supporter la totalité de la charge de l'investissement et comportant, en outre, un risque financier notablement réduit ; que le ministre ne saurait tirer de la dispense accordée à la Société nationale des chemins de fer belges d'assurer les biens loués que la convention ne présentait pas l'intérêt économique des contrats de crédit ;bail dès lors que le preneur, dans le cadre de sa politique de propre assureur, a accepté de se comporter comme tel à l'égard du bailleur, et disposait, comme il a été dit, de la garantie du Royaume de Belgique ; qu'eu égard aux enjeux financiers de l'opération, le recours à un groupement d'intérêt économique répond à la nécessité d'une syndication bancaire ; qu'ainsi, à supposer que les modalités contractuelles de financement aient eu notamment pour effet de donner leur plein effet aux déficits du groupement durant la première partie du contrat, le ministre ne justifie pas de ce que le contrat de crédit-bail en cause aurait été inspiré par le seul motif d'atténuer des charges fiscales que la Caisse aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à écarter le contrat de crédit ;bail en cause sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et à remettre en cause, pour ce motif, la prise en compte des déficits constatés par le groupement ;

En ce qui concerne les amortissements :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : … 2° … les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B » ; que selon l'article 39 C du même code : « L'amortissement des biens donnés en location ou mis à disposition sous toute autre forme est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'en vertu de l'article 30 de l'annexe II du même code : « Les biens donnés en location sont amortis sur leur durée normale d'utilisation, quelle que soit la durée de la location » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les automotrices électriques en cause font l'objet d'un amortissement sur une durée de vingt ans au sein des sociétés nationales des chemins de fer français et belges qui les utilisent ; que cette pratique doit être regardée comme un usage au sens des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; que, dès lors, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause, sans explication particulière, les amortissements pratiqués par le groupement d'intérêt économique Amaury Z... au titre des années en litige, calculés selon une durée d'utilisation de huit ans, qui, compte tenu des amortissements précédemment effectués depuis la mise en service, portait à près de vingt ans la durée totale d'utilisation des biens ;

En ce qui concerne les loyers :

Considérant qu'aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : « … Les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a) Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers … au fur et à mesure de l'exécution » ; que la circonstance qu'une prestation est continue n'implique pas, par elle-même, qu'elle soit effectuée avec une intensité constante pendant toute la durée de son exécution et que sa rémunération doive par suite être rattachée de manière linéaire et prorata temporis aux exercices durant lesquels cette exécution se poursuit ; que lorsque les loyers stipulés dans un contrat de location sont inégaux de période en période, il y a lieu en principe de réputer que cette inégalité des loyers stipulés correspond à une inégalité dans la valeur de la prestation fournie ; qu'il en va cependant autrement s'il résulte de l'instruction que la répartition contractuelle des loyers ne rend pas compte correctement de la valeur de la prestation, laquelle est fonction de l'obligation qui pèse sur le prestataire et de l'avantage économique retiré par le preneur ;

Considérant que le contrat conclu entre le groupement d'intérêt économique Amaury Z... et la Société nationale des chemins de fer belges stipule que les loyers payés par celle-ci augmentent de 3 % l'an environ ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette progression ne rend pas correctement compte de l'évolution de la valeur de la prestation compte tenu notamment de l'évolution de l'utilisation des matériels et des recettes qu'en tire l'exploitant ; qu'ainsi, l'administration ne pouvait régulièrement procéder au rattachement linéaire à chaque exercice des loyers dus pour l'ensemble de la période contractuelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 243 713,08 euros relative au complément d'impôt sur les sociétés auquel la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1991, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête.

Article 2 : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, restant en litige au titre de l'année 1991 et du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993 et 1994.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 28 juin 2001 est annulé.

Article 4 : L'Etat versera à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 01BX02531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 01BX02531
Date de la décision : 06/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : ERSTEIN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc VIE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : MEIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-07-06;01bx02531 ?
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