La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2008 | FRANCE | N°07BX00238

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 22 février 2008, 07BX00238


Vu la requête, enregistrée au greffe le 31 janvier 2007, présentée pour M. Akakpo X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 30 novembre 2006, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 16 mars 2004, par laquelle le préfet de la Gironde a opposé un refus à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de leurs trois enfants mineurs, ensemble la décision du même préfet, en date du 2 juillet 2004, rejeta

nt son recours gracieux, ainsi que la décision, en date du 20 décembre 2004, ...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 31 janvier 2007, présentée pour M. Akakpo X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 30 novembre 2006, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 16 mars 2004, par laquelle le préfet de la Gironde a opposé un refus à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de leurs trois enfants mineurs, ensemble la décision du même préfet, en date du 2 juillet 2004, rejetant son recours gracieux, ainsi que la décision, en date du 20 décembre 2004, par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté son recours hiérarchique, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions, et d'enjoindre au préfet de la Gironde d'autoriser la « venue » en France de son épouse et de leurs trois enfants au titre du regroupement familial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, le remboursement à leur avocat de la somme de 1 500 euros ;

………………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Lomé le 13 juin 1996 et publiée au journal officiel du 28 décembre 2001 par le décret n° 2001-1268 du 20 décembre 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :
- le rapport de M. Labouysse, conseiller ;
- les observations de Me Jouteau, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant togolais entré régulièrement sur le territoire français en janvier 2002, a sollicité, le 13 novembre 2003, auprès du préfet de la Gironde, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de leurs trois enfants mineurs, les jeunes Emmanuel Assouvi, Yao Gustave et Emma Assoup, tous restés au Togo ; que, par une décision en date du 16 mars 2004, ledit préfet a opposé un refus à cette demande ; que, dans le délai de recours contre cette décision, l'intéressé a simultanément formé un recours gracieux et un recours hiérarchique qui ont été respectivement rejetés par le préfet de la Gironde le 2 juillet 2004, et par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale le 20 décembre 2004 ; que M. X fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé contre ces trois décisions, et, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction dont il était assorti ;

Sur la légalité des décisions litigieuses :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur : « Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales » ; que l'article 8 de la convention franco-togolaise susvisée énonce que « Les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants ont le droit de rejoindre le conjoint régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial. (…) » ; que l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée relatif au regroupement familial dispose : « I. Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix huit ans (…) Le regroupement ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas des ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance (…) » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que la mise en oeuvre des dispositions précitées relatives au regroupement familial ne saurait avoir pour effet de permettre à l'autorité administrative de prendre une mesure de refus de titre de séjour qui contreviendrait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X bénéficie depuis 2002 d'une carte de séjour temporaire qui a été renouvelée à chaque échéance ; que l'état de santé de l'intéressé, qui est atteint de poliomyélite, affection pour laquelle il s'est vu délivrer en 2002 une carte d'invalidité avec un taux d'incapacité de 80 %, nécessite en particulier le port d'un appareillage lourd ; que cet état de santé requiert l'assistance quotidienne d'une tierce personne pour les gestes courants de la vie quotidienne et exige la poursuite en France du traitement, impliquant notamment une rééducation intensive, qui lui est administré ; qu'il n'a plus aucun membre de sa famille en France susceptible de lui apporter cette aide ; que, dans ces conditions, et alors même que M. X a obtenu le bénéfice de l'allocation compensatrice lui permettant de rémunérer une tierce personne, laquelle peut être, en vertu des textes qui en régissent l'octroi, une personne appartenant à l'entourage de son bénéficiaire, les décisions litigieuses ont porté, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en refusant à son épouse, avec qui il est marié depuis 1980, le bénéfice du regroupement familial ; que ces décisions ont également porté la même atteinte à ce droit en n'admettant pas au même titre le séjour des trois enfants des époux X, alors âgés de 9 ans et 5 ans ; que, par suite, les décisions du préfet de la Gironde des 16 mars et 2 juillet 2004, ainsi que celle du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en date du 20 décembre 2004 ont méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et doivent, pour ce motif, être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours pour excès de pouvoir ;



Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui prononce l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de la Gironde et le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ont refusé le regroupement familial de l'épouse de M. X et de leurs trois enfants mineurs au motif qu'elles portent à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique, comme le demande le requérant, que le préfet de la Gironde autorise le séjour, au titre du regroupement familial, de l'épouse et des enfants de M. X ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de leur délivrer cette autorisation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jouteau, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de faire droit, à hauteur de la somme de 1 300 euros, aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions, et de mettre ainsi à la charge de l'Etat le paiement à Me Jouteau de cette somme ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 30 novembre 2006 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision, en date du 16 mars 2004, par laquelle le préfet de la Gironde a opposé un refus à la demande de regroupement familial présentée par M. X au bénéfice de son épouse et de leurs trois enfants, ensemble la décision du même préfet, en date du 2 juillet 2004, rejetant son recours gracieux, ainsi que la décision, en date du 20 décembre 2004, par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté son recours hiérarchique, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme Y Ablavi, épouse de M. X, et aux jeunes Emmanuel Assouvi, Yao Gustave et Emma Assoup, leurs trois enfants, l'autorisation de séjourner au titre du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Maître Jouteau la somme de 1 300 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me Jouteau de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

3
No 07BX00238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 07BX00238
Date de la décision : 22/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David LABOUYSSE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-02-22;07bx00238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award