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13/11/2008 | FRANCE | N°06BX01503

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 novembre 2008, 06BX01503


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juillet 2006 sous le n° 06BX01503, présentée pour la COMMUNE DE PESSAC, par la SCP d'avocats Noyer-Cazcarra ;

La COMMUNE DE PESSAC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501955 du 11 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mars 2005 par laquelle le maire de la COMMUNE DE PESSAC a refusé à M. Jean-Claude Y l'autorisation de stationnement de deux caravanes sur un terrain situé au n° 16 allée Frédéric Chopin à Pessac ;

2°) de rejeter la demande de M.

Y ;

3°) de condamner M. Y à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'arti...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juillet 2006 sous le n° 06BX01503, présentée pour la COMMUNE DE PESSAC, par la SCP d'avocats Noyer-Cazcarra ;

La COMMUNE DE PESSAC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501955 du 11 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mars 2005 par laquelle le maire de la COMMUNE DE PESSAC a refusé à M. Jean-Claude Y l'autorisation de stationnement de deux caravanes sur un terrain situé au n° 16 allée Frédéric Chopin à Pessac ;

2°) de rejeter la demande de M. Y ;

3°) de condamner M. Y à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2008,

- le rapport de M. Lafon, conseiller ;

- les observations de la SCP Noyer-Cazcarra, avocat de la COMMUNE DE PESSAC ;

- et les conclusions de M. Zupan , commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un jugement en date du 11 mai 2006, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mars 2005 par laquelle le maire de Pessac a refusé de délivrer à M. Jean-Claude Y une autorisation de stationnement de deux caravanes sur un terrain, situé au n° 16 allée Frédéric Chopin à Pessac, constitué de deux parcelles n° BZ 348 et n° BZ 352 classées en espace boisé par le plan d'occupation des sols ; que la COMMUNE DE PESSAC interjette appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue aux chapitres Ier et II du titre Ier livre III du code forestier. (...) » ;

Considérant qu'il résulte des motifs de la décision attaquée que le refus d'autorisation de stationnement est à la fois fondé sur le classement, aux termes du plan d'occupation des sols de la commune, des parcelles en cause en espace boisé et sur les dispositions précitées de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; que toutefois, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Bordeaux, le stationnement de deux caravanes ne constitue pas un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements au sens des dispositions précitées de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la décision de refus d'autorisation de stationnement ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant toutefois que la COMMUNE DE PESSAC a demandé au Tribunal administratif de Bordeaux de substituer comme fondement légal de sa décision de refus d'autorisation de stationnement les dispositions de l'article R. 443-9-1 du code de l'urbanisme, aux termes desquelles : « Le stationnement des caravanes est interdit dans les bois, forêts et parcs classés par un plan local d'urbanisme comme espaces boisés à conserver, sous réserve de l'application éventuelle des articles L. 130-1 à L. 130-3, ainsi que dans les forêts classées en application du titre Ier du livre IV du code forestier. » ;

Considérant que pour contester la substitution de base légale demandée par la COMMUNE DE PESSAC, M. Y soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité des dispositions du plan d'occupation des sols qui opèrent un classement intégral en espace boisé à conserver des parcelles litigieuses ; que toutefois, si un refus d'autorisation de stationnement peut être opposé pour un projet qui méconnaît la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l'annulation d'un refus d'autorisation de stationnement ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l'article L. 125-5 devenu L. 121-8 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'une autorisation de stationnement a été refusée sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce refus méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ;

Considérant qu'en l'espèce, aucun moyen de cette sorte n'a été invoqué par M. Y ; que, par suite, ce dernier ne peut utilement soutenir que l'autorisation de stationnement a été refusée sous l'empire du plan d'occupation des sols illégal de la commune ; qu'ainsi, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article R. 443-9-1 du code de l'urbanisme qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 130-1 ; que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie ; que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée trouve un fondement légal dans les dispositions de l'article R. 443-9-1 du code de l'urbanisme ; que c'est par suite à tort que le Tribunal administratif de Bordeaux a écarté la substitution de base légale demandée par la COMMUNE DE PESSAC pour annuler la décision attaquée ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 443-5-1 du code de l'urbanisme : « L'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de stationnement fait application des dispositions de l'article R. 443-10 pour accorder cette autorisation, avec ou sans prescriptions, ou la refuser. L'autorisation ne peut être accordée pour une durée supérieure à trois ans. Elle peut être renouvelée. (...) La décision doit être adressée à l'intéressé au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la date de l'avis de réception ou de celle du dépôt de la demande. A défaut de notification dans ce délai, l'autorisation est réputée accordée. » ;

Considérant que le conseil de M. Y a demandé à la COMMUNE DE PESSAC une autorisation de stationnement de deux caravanes par courrier du 6 août 2004 reçu le 19 août 2004 ; que par une lettre du 2 septembre 2004, le maire de la COMMUNE DE PESSAC a régulièrement demandé à l'intéressé de compléter son dossier en produisant notamment un plan de masse représentant l'implantation prévue des caravanes ; que M. Y justifie avoir satisfait à cette demande le 10 novembre 2004 ; que, par suite, à défaut de notification d'une décision dans le délai de deux mois à compter de cette date, l'autorisation sollicitée était réputée accordée le 10 janvier 2005 ; qu'il s'ensuit que la décision attaquée constitue un retrait de cette autorisation de stationnement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : « Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : (...) /2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; (...) » ;

Considérant que la décision attaquée, datée du 2 mars 2005, est intervenue dans le délai de deux mois à compter du 10 janvier 2005, date de l'autorisation tacite de stationnement ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la COMMUNE DE PESSAC était tenue de refuser l'autorisation de stationnement sollicitée ; qu'ainsi, l'autorisation tacite était entachée d'illégalité ; que, par suite, la COMMUNE DE PESSAC pouvait légalement procéder, par la décision attaquée, à son retrait ;

Considérant que la décision attaquée a été signée par M. Verdon, adjoint au maire, qui bénéficiait d'une délégation concernant « les actes et pièces administratives relatifs aux autorisations d'occupation du sol », délivrée par le maire de la COMMUNE DE PESSAC, par arrêté en date du 3 avril 2001, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la commune ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 443-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Les interdictions prévues aux articles R. 443-3 et R. 443-6-1 sont prononcées, les autorisations prévues aux articles R. 443-4, R. 443-7, R. 443-8-1 et R. 443-8-2 sont délivrées conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour le mode d'occupation du sol prévu, notamment de celles qui résultent du plan local d'urbanisme rendu public ou approuvé ou du document d'urbanisme en tenant lieu. / Les interdictions prévues aux articles R. 443-3 et R. 443-6-1 peuvent être prononcées, les autorisations prévues aux articles R. 443-4, R. 443-7, R. 443-8-1 et R. 443-8-2 peuvent être refusées ou subordonnées à l'observation de prescriptions spéciales si les modes d'occupation du sol envisagés sont de nature à porter atteinte : /A la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique ; /Aux paysages naturels ou urbains, à la conservation des perspectives monumentales. /A l'exercice des activités agricoles et forestières ou à la conservation des milieux naturels de la faune ou de la flore. » ; que la décision attaquée étant légalement justifiée par l'article R. 443-9-1 du code de l'urbanisme, M. Y ne peut utilement soutenir qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 443-10 du même code ;

Considérant que, alors même que la caravane constituerait l'habitat permanent et identitaire de la famille de M. Y, la décision attaquée, qui se borne à refuser une autorisation de stationnement de deux caravanes sur deux parcelles situées sur le territoire de la COMMUNE DE PESSAC, n'a pas pour effet de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de l'intéressé, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant que si M. Y soutient que la décision attaquée constitue une atteinte excessive au droit au respect de ses biens, compte tenu de l'entrave à la pleine jouissance du droit de sa propriété, de sa situation particulière et de l'absence d'intérêt général poursuivi, celle-ci n'a pas pour objet de le priver de la propriété de son bien mais de réglementer le droit de l'occupation du sol qui, faute d'un droit nécessairement attaché à la propriété du terrain, relève de l'usage d'un tel bien au sens des stipulations précitées du protocole ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE PESSAC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision en date du 2 mars 2005 refusant une autorisation de stationnement à M. Y ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accorder à la COMMUNE DE PESSAC le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 11 mai 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Jean-Claude Y devant le Tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE PESSAC tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 06BX01503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06BX01503
Date de la décision : 13/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : SCP NOYER-CAZCARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-13;06bx01503 ?
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