La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2009 | FRANCE | N°09BX01592

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 17 novembre 2009, 09BX01592


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 juillet 2009 sous le numéro 09BX01592, présentée pour Mme Fanta X, demeurant ..., par la SCP d'avocats S. Brunet ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900858 du 17 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 mars 2009 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel el

le sera renvoyée, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Vienne d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 juillet 2009 sous le numéro 09BX01592, présentée pour Mme Fanta X, demeurant ..., par la SCP d'avocats S. Brunet ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900858 du 17 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 mars 2009 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en faveur de son avocat en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la demande d'aide juridictionnelle déposée au bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux le 8 juillet 2009 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2009,

le rapport de M. Verguet, premier conseiller ;

et les conclusions de Mme Fabien, rapporteur public ;

Considérant que Mme X, ressortissante guinéenne, est entrée illégalement en France pendant le mois de novembre 2007 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 9 avril 2008, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 28 janvier 2009 ; que, par un arrêté en date du 4 mars 2009, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour à quelque titre que ce soit, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ; que Mme X relève appel du jugement n°0900858 du 17 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur l'aide juridictionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme X à l'aide juridictionnelle ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Poitiers qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la requérante, a statué sur l'ensemble des moyens soulevés par cette dernière ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme X avant de prendre la décision portant refus de titre de séjour contestée, qui comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, les moyens tirés par Mme X de l'absence d'examen de sa situation personnelle et de l'insuffisance de motivation doivent être écartés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; que, pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que, pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme X fait valoir qu'elle est mère d'une petite fille née à Poitiers le 17 août 2008 qui a été reconnue par son père et qu'elle n'entretient plus de relation avec sa famille demeurée en Guinée depuis qu'elle s'est enfuie pour échapper à un mariage forcé ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme X, qui n'établit pas avoir fui son pays pour échapper à un mariage imposé par sa famille, est entrée irrégulièrement en France en novembre 2007, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie familiale avec sa fille en Guinée ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la brièveté du séjour en France de Mme X, et du caractère récent de la naissance de sa fille, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le préfet de la Vienne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme X ;

Considérant qu'eu égard au très jeune âge de l'enfant de Mme X, né le 17 août 2008 et à la possibilité pour la requérante de poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté contesté mentionne inexactement que Mme X n'a pas d'enfant est sans incidence sur sa légalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précédemment exposés, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, ainsi que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédures applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif précédemment exposé, d'écarter le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que la circonstance que Mme X ait elle-même été victime d'excision dans son pays d'origine ne suffit pas à établir le caractère effectif de ce risque pour sa fille ; que même en admettant, comme elle le soutient, que la pratique de l'excision reste répandue en Guinée, notamment dans la région dont elle est originaire, il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures non contredites du préfet que les autorités guinéennes luttent activement contre cette pratique et qu'il existe, en Guinée, des organisations, officielles ou non gouvernementales, participant à cette lutte et prenant en charge les femmes qui refusent cette pratique ou d'y soumettre leurs filles ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de Mme X serait effectivement exposée en Guinée au risque d'être excisée ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être accueillis ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement de la somme que demande Mme X au profit de son avocat au titre des faits exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Mme X est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme X est rejetée.

''

''

''

''

2

09BX01592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01592
Date de la décision : 17/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Hervé VERGUET
Rapporteur public ?: Mme FABIEN
Avocat(s) : SCP D'AVOCATES S. BRUNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-11-17;09bx01592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award