La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2010 | FRANCE | N°10BX00067

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 juillet 2010, 10BX00067


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 12 janvier et le 4 mars 2010 sous le n° 10BX00067, présentés pour M. Jaafer demeurant chez M. et Mme Y ..., par Me Seignalet-Mauhourat, avocat ;

M. Jaafer demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 0903176 du 9 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mai 2009 du préfet de la Haute-Garonne rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays

à destination duquel il serait renvoyé ;

- d'annuler l'arrêté préfectoral ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 12 janvier et le 4 mars 2010 sous le n° 10BX00067, présentés pour M. Jaafer demeurant chez M. et Mme Y ..., par Me Seignalet-Mauhourat, avocat ;

M. Jaafer demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 0903176 du 9 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mai 2009 du préfet de la Haute-Garonne rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

- d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2009 ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention salarié ou vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou d'instruire à nouveau sa demande ;

- de condamner l'Etat à verser la somme de 1.200 euros à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code du travail ;

Vu le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2010 :

- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;

- les observations de Me Seignalet Mauhourat, avocat de M. ;

- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Vu la note en délibéré, enregistrée au greffe de la cour le 10 juin 2010, présentée pour M. ;

Considérant que M. , de nationalité marocaine, qui avait fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une invitation à quitter le territoire français le 21 mai 2001, a sollicité le 7 mai 2007 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ou au titre de la vie privée et familiale ; que par arrêté du 15 mai 2009, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. interjette appel du jugement en date du 9 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ; que l'article 9 du même traité stipule que : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ;

Considérant qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 9 de l'accord franco-marocain que l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France dont la situation est régie par l'article 3 de cet accord ; que par suite, l'arrêté litigieux du 15 mai 2009 ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, en premier lieu, qu'en l'absence de détention par M. du visa de long séjour et d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail, repris à l'article L. 5221-2 de ce code, le préfet pouvait décider de refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article 3, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2007 : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant qu'il ressort des motifs de la décision que le préfet de la Haute-Garonne a examiné l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour, afin de déterminer si l'admission exceptionnelle au séjour se justifiait au regard tant de la situation de l'emploi que des éléments de la situation de l'intéressé, et n'a pas subordonné la recevabilité de cette demande à la seule présentation d'une promesse d'embauche dans l'un des métiers prévus par la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ; qu'il a notamment pris en compte la durée du séjour de l'intéressé en France, sa situation personnelle et familiale et la situation de l'emploi dans le secteur dans lequel M. bénéficiait d'une promesse d'embauche ; que par suite M. n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que si M. se prévaut de l'ancienneté de son séjour, il ne justifie pas d'une présence continue en France depuis plus de dix ans ; que la circonstance qu'il bénéficierait d'une promesse d'embauche dans une entreprise de travaux forestiers n'est pas de nature à établir que son admission au séjour se justifierait au regard de motifs exceptionnels ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le refus de titre de séjour doit être écarté ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que M. soutient que le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'absence de liens personnels avec son pays d'origine et de l'intensité de ses attaches familiales en France ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré à l'administration, en 2000, qu'il était marié à Mme Z demeurant au Maroc et avait huit enfants à charge dans ce pays ; qu'il a par la suite démenti cette déclaration ; qu'il a cependant reconnu une fille née au Maroc en 1980 de son union avec Mme Z ; qu'il s'est marié le 23 avril 2001 avec Mme A ressortissante marocaine résidant régulièrement en France qui a obtenu le divorce le 1er mars 2002 ; qu'il soutient vivre avec Mme B qui lui a donné deux filles, l'une née en 1992 et l'autre née en 2001 qu'il a reconnue seulement en 2007 ; que toutefois il ne justifie pas de la réalité de son concubinage avec Mme B ni de sa participation à l'entretien et l'éducation de ses filles ; qu'au regard de l'ensemble des éléments relatifs à la situation familiale de M. , le préfet de la Haute-Garonne, qui ne s'est pas fondé sur une présomption de polygamie de l'intéressé mais s'est borné à rappeler l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour ; que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que M. invoque l'illégalité, par voie d'exception, de la décision du préfet de la Haute-Garonne portant refus de titre de séjour ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'illégalité de cette décision n'est pas établie ; que dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, que l'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 15 mai 2009 portant refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

''

''

''

''

5

No 10BX00067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10BX00067
Date de la décision : 29/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. ZUPAN
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-07-29;10bx00067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award