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09/05/2012 | FRANCE | N°11BX02803

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 09 mai 2012, 11BX02803


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2011, présentée pour Mme Halime A, demeurant ..., par Me Coste, avocat ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101596 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2011 du préfet de la Gironde portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de

lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéde...

Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2011, présentée pour Mme Halime A, demeurant ..., par Me Coste, avocat ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101596 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2011 du préfet de la Gironde portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2012:

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;

- les observations de Me COSTE, avocat de et de Mme A ;

Considérant que Mme A, de nationalité tchadienne, est entrée en France le 26 août 2009 et a sollicité le bénéfice de l'asile politique, qui lui a été refusé par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 janvier 2010, confirmée le 15 octobre 2010 par la cour nationale du droit d'asile ; qu'elle relève appel du jugement du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2011 du préfet de la Gironde portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Bordeaux, Mme A avait invoqué, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée le dit arrêté ; que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'ils ont ainsi entaché leur jugement d'une omission à statuer ; que, par suite, la requérante est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur le refus de titre de séjour sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale "

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, est entrée en France selon ses dires le 26 août 2009 ; qu'elle partage la vie d'un compatriote bénéficiant du statut de réfugié, dont elle a eu un enfant né à Bordeaux le 5 décembre 2010 ; que, postérieurement à la décision contestée, le couple s'est marié ; qu'en raison du statut de réfugié de son époux, la vie familiale du couple et de son enfant ne peut se poursuivre au Tchad, et l'intéressée ne peut sans danger y retourner dans l'attente de pouvoir bénéficier du regroupement familial ; que, dans les circonstances de l'espèce et alors même qu'elle dispose de la faculté de solliciter le regroupement familial, l'arrêté du préfet de la Gironde a porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant du couple ; que, par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant à Mme A un titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Gironde délivre à Mme A un titre de séjour " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de lui délivrer ledit titre, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. (...) Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat (...) " ; que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coste renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Coste la somme de 1 500 euros ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2011 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 17 janvier 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme A un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Coste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Coste renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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No 11BX02803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX02803
Date de la décision : 09/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : COSTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-05-09;11bx02803 ?
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