La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2012 | FRANCE | N°11BX03121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juin 2012, 11BX03121


Vu la requête enregistrée le 30 novembre 2011, présentée par Me Dieumegard pour M. Abid A demeurant au ... ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101615 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 mai 2011 par lequel le préfet de la Charente lui a retiré sa carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 20 mai 2011 du préfet de la Charente ;

3°) d'enjo

indre, à titre principal, au préfet de la Charente de lui délivrer une carte de séjour tempora...

Vu la requête enregistrée le 30 novembre 2011, présentée par Me Dieumegard pour M. Abid A demeurant au ... ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101615 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 mai 2011 par lequel le préfet de la Charente lui a retiré sa carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 20 mai 2011 du préfet de la Charente ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Charente de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation et, enfin, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au profit de son avocat en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79 587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2012 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre-Maurice Bentolila, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité pakistanaise, est entré en France le 1er septembre 2008 muni d'une carte de séjour d'un état membre de l'Union européenne ; qu'en considération de son mariage avec une ressortissante portugaise célébré le 19 octobre 2007, le préfet du Nord a délivré à M. A un titre de séjour en qualité de " ressortissant Union européenne ou membre de famille" valable du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2013 ; que, toutefois, le préfet de la Charente, où M. A réside désormais, informé de la dissolution de ce mariage et du remariage de M. A avec une compatriote le 1er août 2009 au Pakistan, a décidé par arrêté du 20 mai 2011 de retirer à M. A sa carte de séjour et de l'obliger à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ; que M. A s'est pourvu contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Poitiers qui, par jugement du 2 novembre 2011, a rejeté sa demande ; que M. A interjette appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration: "Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1°En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles les dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière " ; et qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) " ;

Considérant que la décision accordant à M. A un titre de séjour valable du 1er décembre 2008 au 30 novembre 2013 constituait par nature une décision créatrice de droits ; que la décision attaquée du 20 mai 2011 procédant au retrait de ce titre de séjour est ainsi au nombre des décisions qui, en vertu de l'article 24 précité de la loi du 12 avril 2000, doivent être prises à l'issue d'une procédure contradictoire ; qu'il ne ressort des pièces du dossier aucune situation d'urgence ni aucune circonstance exceptionnelle de nature à exonérer, au cas d'espèce, l'administration de l'application des dispositions citées ci-dessus de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant que, d'une part, il n'est pas contesté que le courrier du 28 mars 2011 par lequel le préfet a informé M. A de son intention de procéder au retrait de sa carte de séjour et l'a invité à présenter ses observations a été envoyé à une adresse où celui-ci ne résidait plus et que ce courrier n'est pas parvenu à son destinataire ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la nouvelle adresse de M. A était connue des services de la préfecture de la Charente qui avaient modifié en conséquence le titre de séjour détenu par M. A en qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne ;

Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A aurait été mis à même, préalablement à la décision attaquée, de présenter ses éventuelles observations relatives au retrait de sa carte de séjour envisagé par l'administration ; que la décision de retrait contestée a ainsi été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir respecté la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision en date du 20 mai 2011 par laquelle le préfet de la Charente a prononcé le retrait de son titre de séjour ; qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence les décisions subséquentes du même jour d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel il se fonde pour annuler la décision de retrait du titre de séjour, n'implique pas nécessairement que le préfet de la Charente délivre une carte de séjour temporaire au requérant ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de se prononcer sur la situation de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dieumegard, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de Me Dieumegard, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101615 du 2 novembre 2011 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 20 mai 2011 retirant le titre de séjour délivré à M. A et faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français en désignant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente de réexaminer la situation de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Dieumegard avocat de M. A, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

''

''

''

''

4

No 11BX03121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03121
Date de la décision : 12/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : DIEUMEGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-06-12;11bx03121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award