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02/10/2012 | FRANCE | N°12BX00096

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 02 octobre 2012, 12BX00096


Vu la requête enregistrée le 13 janvier 2012 en télécopie, confirmée par courrier le 17 janvier 2012, présentée pour Mme Raymi X épouse Y, demeurant à la CIMADE, 32, rue du commandant Arnoult à Bordeaux (33000) par Me Coste ;

Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102373 du 20 septembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2011 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays d

e renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au...

Vu la requête enregistrée le 13 janvier 2012 en télécopie, confirmée par courrier le 17 janvier 2012, présentée pour Mme Raymi X épouse Y, demeurant à la CIMADE, 32, rue du commandant Arnoult à Bordeaux (33000) par Me Coste ;

Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102373 du 20 septembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2011 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- les observations de Me Coste, avocat de Mme Raymi X épouse Y ;

Considérant que Mme Y née X, de nationalité béninoise, relève appel du jugement n° 1102373 du 20 septembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2011 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté précise que la requérante a déclaré ne plus avoir de nouvelles de son mari depuis le 13 janvier 2011, qu'elle a déposé une main courante pour abandon de domicile conjugal, qu'elle est dépourvue de tout lien personnel et familial en France et qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente ans ; qu'ainsi, le refus de séjour est suffisamment motivé en fait ; qu'il ressort de cette motivation que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de Mme Y ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; que si Mme Y se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis plus de sept ans, de son intégration en France et de la scolarisation de son fils, il est constant qu'elle a vécu près de trente ans au Bénin, où résident sa mère, ses frères et soeurs et le père de son enfant ; que les cartes de séjour temporaires dont elle a bénéficié en qualité d'étudiante à compter de l'année 2004 ne lui donnaient pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que si elle a épousé un ressortissant français le 27 février 2010, la communauté de vie des époux a cessé en janvier 2011 ; que la circonstance qu'une enquête ait été diligentée à l'encontre de son mari, recherché par les services de police, est sans incidence sur l'appréciation qu'il appartenait à l'autorité administrative de porter sur la situation de Mme Y ; qu'il n'est établi ni que la scolarité de son fils, né le 17 mai 2005 d'un premier lit, ne pourrait se poursuivre hors de France, ni qu'à la date de l'arrêté attaqué, il nécessitait un suivi psychologique ne pouvant lui être dispensé qu'en France ; qu'ainsi, rien ne fait obstacle à qu'il accompagne sa mère hors de France ; que, dans ces conditions, le refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme Y au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont été méconnues ;

Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu du deuxième alinéa de l'article L.313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au renouvellement de la carte de séjour temporaire de conjoint de Français, le préfet doit prendre en considération, lorsque la communauté de vie a cessé, l'existence de violences conjugales, aucune violence conjugale n'est en l'espèce établie ; que dès lors, et en tout état de cause, Mme Y n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions ;

Considérant en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que l'enfant de Mme Y reparte avec sa mère ; qu'ainsi, le refus de séjour ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'en estimant que les circonstances invoquées par Mme Y n'étaient pas de nature à justifier la régularisation de sa situation sur le fondement de ces dispositions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...)" ;

Considérant que tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; que les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008, précises et inconditionnelles, n'avaient pas été transposées à la date de l'arrêté contesté, alors que la date limite de transposition, fixée au 24 décembre 2010, était dépassée ;

Considérant que l'arrêté contesté vise, sans aucune référence aux exigences de la directive du 16 décembre 2008, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, dans sa rédaction en vigueur le 10 mai 2011, prescrivait au préfet d'assortir les obligations de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire d'un mois ; qu'en défense, le préfet ne conteste pas qu'en octroyant à Mme Y un délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire, il s'est borné à appliquer le délai prévu au I de l'article L. 511-1 sans vérifier si ce délai était approprié au cas dont il était saisi ; qu'ainsi, il a entaché d'une erreur de droit sa décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, cette mesure, et par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi, doivent être annulées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ces décisions, que Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté litigieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Gironde délivre à Mme Y une autorisation provisoire de séjour et procède au réexamen de sa situation ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de prendre ces mesures dans des délais respectifs de deux semaines et de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir ces injonctions d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coste, avocate de Mme Y, de la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Coste renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

DECIDE

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Gironde du 10 mai 2011 est annulé en tant qu'il fait obligation à Mme Y de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2011 est annulé en ce qu'il a de contraire à ce qui précède.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois.

Article 4 : L'Etat versera à Me Coste, avocate de Mme Y, la somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N°12BX00096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00096
Date de la décision : 02/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: test
Avocat(s) : COSTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-02;12bx00096 ?
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