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02/11/2012 | FRANCE | N°12BX01806

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 02 novembre 2012, 12BX01806


Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 juillet 2012, sous le n° 12BX01806, présentée pour la société Electricité réseau distribution France (ERDF), dont le siège social est Tour Winterthur 102, Terrasse Boieldieu à La Défense (92085), par Me Kappelhoff-Lançon, avocat ;

La société ERDF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101996 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse annulant la décision du 20 avril 2011 par laquelle elle a refusé de déplacer une ligne basse tension hors de la parcelle appartenant à Mme X et

M. Y, située sur le territoire de la commune de Monclar-de-Quercy, lui a enjoint d...

Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 juillet 2012, sous le n° 12BX01806, présentée pour la société Electricité réseau distribution France (ERDF), dont le siège social est Tour Winterthur 102, Terrasse Boieldieu à La Défense (92085), par Me Kappelhoff-Lançon, avocat ;

La société ERDF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101996 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse annulant la décision du 20 avril 2011 par laquelle elle a refusé de déplacer une ligne basse tension hors de la parcelle appartenant à Mme X et M. Y, située sur le territoire de la commune de Monclar-de-Quercy, lui a enjoint d'enlever, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les deux poteaux de distribution électrique et la ligne électrique situés sur leur propriété et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X et M. Y devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de Mme X et de M. Y en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II°), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 juillet 2012, sous le n° 12BX01807, présentée pour la société Electricité réseau distribution France (ERDF), dont le siège social est Tour Winterthur 102, Terrasse Boieldieu à La Défense (92085), par Me Kappelhoff-Lançon, avocat ;

La société ERDF demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1101996 du 29 juin 2012 susvisé ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'énergie ;

Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

Vu le décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

Vu le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kappelhoff-Lançon, avocat de la société Electricité réseau distribution France et celles de Me Dalbin, avocat de Mme X et de M. Y ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 8 et 16 octobre 2012, présentées par Me Dalbin pour Mme X et M. Y ;

1. Considérant que par jugement n° 1101996 du 29 juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 avril 2011 par laquelle la société Electricité réseau distribution France (ERDF) a refusé de déplacer une ligne basse tension hors de la parcelle appartenant à Mme X et M. Y, située sur le territoire de la commune de Monclar-de-Quercy, lui a enjoint d'enlever, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les deux poteaux de distribution électrique et la ligne électrique situés sur leur propriété et a mis une somme de 1 200 euros à la charge de la société ERDF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;que par les requêtes n° 12BX01806 et n° 12BX01807, la société ERDF relève appel de ce jugement et demande d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;

2. Considérant que les requêtes de la société ERDF sont relatives au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n°12BX01806 :

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Considérant qu'à la suite de l'arrêt des travaux de construction de leur maison d'habitation du fait de la présence sur leur terrain d'une ligne électrique, Mme X et M. Y ont sollicité du syndicat départemental d'électricité de Tarn et Garonne puis de la société ERDF le déplacement de cette ligne ; que la société leur a proposé d'en modifier l'implantation au sein de leur parcelle à ses frais ; que par des lettres des 1er et 22 mars 2011, ils ont exprimé leur refus de signer une convention de servitude relative au déplacement de cette ligne à l'intérieur de leur parcelle, et ont demandé qu'elle soit déplacée à l'extérieur ; que par sa réponse du 20 avril 2011 la société ERDF, exposant que la servitude leur étant nécessairement connue lors de l'acquisition de leur parcelle en 2005, leur était opposable, a réitéré sa proposition de déplacement ou surélévation sans frais de la ligne aérienne en cas de signature de la convention jointe, et a exposé qu'elle facturerait aux requérants le surcoût résultant de leur choix d'une autre hypothèse, comme la mise en souterrain du réseau ; qu'un tel courrier constitue non une simple lettre d'information mais le rejet de la demande présentée par Mme X et M. Y ; que la société ERDF n'est donc pas fondée à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable comme dirigée contre un acte ne faisant pas grief insusceptible de recours ;

Sur la légalité de la décision du 20 avril 2011 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, aujourd'hui codifié à l'article L. 323-4 du code de l'énergie : " La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11... " ; qu'aux termes de l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 : " L'enquête pour l'établissement des servitudes d'appui, de passage ou d'ébranchage prévue à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 a lieu sur un plan parcellaire indiquant toutes les propriétés atteintes par les servitudes, avec les renseignements nécessaires pour faire connaître la nature et l'étendue des sujétions en résultant. / Le plan des propriétés frappées de servitudes, mentionnant les noms des propriétaires, tels qu'ils sont inscrits sur les matrices des rôles, reste déposé, pendant huit jours à la mairie de la commune où sont situées les propriétés. Avertissement de l'ouverture de l'enquête est donné collectivement aux intéressés par voie d'affichage à la mairie. Notification directe des travaux projetés est, en outre, donnée par le maire aux intéressés. Le maire certifie les notifications et affiches ; il mentionne sur un procès-verbal qu'il ouvre à cet effet, les réclamations et déclarations qui lui ont été faites verbalement et y annexe celles qui lui sont adressées par écrit. / A l'expiration du délai de huitaine, un commissaire enquêteur nommé par le préfet reçoit les observations et appelle, s'il le juge convenable, les propriétaires intéressés. Le commissaire signe le procès-verbal d'enquête, y joint son avis motivé et remet immédiatement le dossier au maire qui le transmet sans délai à l'ingénieur en chef du contrôle du département s'il s'agit d'une concession de distribution publique et à l'ingénieur en chef centralisateur s'il s'agit d'une concession de distribution aux services publics ou de transport. / Si l'exécution des travaux projetés comporte des expropriations, il est procédé à l'enquête pour l'établissement des servitudes en même temps qu'à l'enquête prévue par le titre II de la loi du 3 mai 1841. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 susvisé : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. " ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié à l'article L. 323-4 du code de l'énergie, ne peuvent être instituées qu'après l'enquête publique prévue par l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 ou par la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967 ;

5. Considérant que, pour justifier de l'existence d'un titre susceptible de légitimer dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 l'établissement de la ligne et des supports sur la propriété de Mme X et M. Y, la société ERDF, qui ne se prévaut d'aucune enquête publique concernant cette ligne, produit une convention conclue le 29 août 1999 entre le syndicat départemental d'électricité de Tarn et Garonne et l'ancien nu-propriétaire du terrain ; qu'il ressort des termes mêmes de cette convention que si elle autorise de faire passer les conducteurs aériens " existants " au dessus de la parcelle, elle ne prévoit ni support ni ancrage, et ne peut donc en tout état de cause valablement fonder une servitude d'appui des deux poteaux situés sur le terrain en cause ; qu'ainsi la société ERDF ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle bénéficie par l'un ou l'autre des deux procédés susmentionnés d'une servitude légale prévue par l'article L. 323-4 du code de l'énergie sur la propriété de Mme X et M. Y ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article 650 du code civil, tout ce qui concerne les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale est déterminé par des lois ou des règlements particuliers ; que si les servitudes privées continues et apparentes instituées pour l'utilité des particuliers s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans, les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale résultant de l'article L. 323-4 du code de l'énergie excluent, pour leur acquisition, le recours aux règles régissant les servitudes instituées pour l'utilité des particuliers ; qu'il s'ensuit que la société ERDF n'est pas fondée à soutenir que les installations litigieuses constituent des servitudes visibles et acceptées par Mme X et M. Y lors de l'acquisition de la parcelle en 2005, ni qu'il s'agit de servitudes acquises par la possession de trente ans ;

7. Considérant que si en vertu des dispositions de l'article 2227 du code civil, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, le seul plan de piquetage datant de 1957 produit par la société ERDF ne permet au demeurant pas d'établir que les supports et la ligne installés sur la parcelle acquise par Mme X et M. Y en 2005 existaient depuis plus de trente ans ; que la société ERDF n'est donc en tout état de cause pas fondée à opposer à leur action la prescription trentenaire issue de l'article 2227 du code civil ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ERDF, dépourvue de tout titre l'autorisant à maintenir en l'état l'ouvrage existant sur la parcelle de Mme X et M. Y, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé, pour manque de base légale, la décision du 20 avril 2011 par laquelle elle a refusé de déplacer cette ligne ;

Sur l'injonction prononcée par le tribunal administratif :

9. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;

10. Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a enjoint à la société ERDF d'enlever, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les deux poteaux de distribution électrique et la ligne électrique situés sur la propriété de Mme X et M. Y ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la ligne en cause dessert plusieurs maisons et que la société ERDF avait étudié le seul déplacement des installations existantes à l'intérieur de la parcelle de Mme X et M. Y en suivant un nouveau tracé, en limite de propriété, qui épargne la construction qu'ils ont projetée ; qu'en l'absence d'accord des intéressés, le maintien de la ligne, qui est d'intérêt général dès lors qu'il est nécessaire à l'alimentation de plusieurs maisons, pouvait être obtenu par une procédure de déclaration d'utilité publique de ces travaux de déplacement, fut-ce en limite de la propriété de Mme X et de M. Y ; qu'ainsi une régularisation appropriée était possible sans impliquer nécessairement le déplacement des installations hors de la parcelle ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ERDF est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'injonction susmentionnée ;

12. Considérant que le présent arrêt rend sans objet la requête n° 12BX01807 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1101996 du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête n° 12BX01807.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Nos 12BX01806-12BX01807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX01806
Date de la décision : 02/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-04-01-01-01 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Servitudes. Institution des servitudes. Servitudes pour l'établissement de lignes électriques.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : KAPPELHOFF-LANÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-02;12bx01806 ?
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