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13/11/2012 | FRANCE | N°12BX00611

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 novembre 2012, 12BX00611


Vu la requête enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour Mme Maia X, demeurant ... par Me Breillat ;

Mme Telieva demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102409 du tribunal administratif de Poitiers du 9 février 2012 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoind

re au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans un délai de quinze jours...

Vu la requête enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour Mme Maia X, demeurant ... par Me Breillat ;

Mme Telieva demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102409 du tribunal administratif de Poitiers du 9 février 2012 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa situation ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 22 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme Telieva, de nationalité géorgienne, fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 février 2012 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Considérant que le préfet de la Vienne a, par un arrêté en date du 28 janvier 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne du 8 février 2010, donné délégation de signature à M. Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département ; qu'aux termes de l'article 5 du même arrêté : " s'agissant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, délégation de signature est consentie à M. Jean -Philippe Setbon (...) pour l'ensemble de ses dispositions (...) " ; que ces dispositions, qui sont suffisamment précises, donnaient compétence à M. Jean-Philippe Setbon pour signer l'arrêté litigieux ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que, conformément aux prescriptions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, l'arrêté litigieux mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait, y compris les éléments relatifs à la situation familiale de Mme Telieva, sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...)" ;

5. Considérant que si le préfet s'est approprié les termes de l'avis défavorable émis le 7 juillet 2011 par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel Mme Telieva pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par cet avis et qu'il aurait ainsi méconnu sa compétence ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

6. Considérant que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est motivé par l'indication que, si l'état de santé de Mme Telieva nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le secret médical interdisait à ce médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'avis du médecin de l'agence régional de santé est insuffisamment motivé ne peut être accueilli ;

7. Considérant que si Mme Telieva soutient, sans autre précision, que les traitements adaptés à ses troubles psychiatriques ne sont pas disponibles en Géorgie, elle n'avance à l'appui de ses allégations aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation émise sur ce point par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, dans ces conditions, en lui refusant le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'en vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à " l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

9. Considérant que Mme Telieva fait valoir qu'elle est en France depuis octobre 2007, qu'elle a fait, ainsi que son compagnon, des efforts d'intégration, que deux de leurs trois enfants sont nés en France, que les deux aînés y sont scolarisés et qu'elle n'a plus de famille en Géorgie ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que son compagnon est lui-même en situation irrégulière et que les enfants du couple sont très jeunes ; que si la requérante soutient qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Géorgie, elle a déclaré dans sa demande de titre de séjour avoir sa mère et son frère dans ce pays ; qu'ainsi, aucune circonstance ne fait obstacle à ce que sa vie familiale avec son compagnon et leurs enfants se poursuive hors de France ; qu'en outre, l'intéressée a fait l'objet en 2010 d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement ; que la circonstance que sa nationalité est différente de celle de son compagnon est sans incidence sur la légalité du refus de séjour, seules les décisions fixant le pays de destination pouvant être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts ; qu'en définitive, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressée, le refus de séjour contesté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui, par elle-même, ne fixe pas le pays de destination, n'implique pas nécessairement que Mme Telieva soit séparée de son compagnon, ressortissant arménien ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que pour le même motif et en l'absence de toute circonstance s'opposant à ce que les trois enfants de Mme Telieva repartent avec leurs parents, la décision litigieuse ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Sur le délai de départ volontaire :

12. Considérant, enfin, que si Mme Telieva se prévaut de son état de santé et de sa situation familiale, elle avait déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement et pouvait raisonnablement s'attendre à l'éventualité d'une nouvelle mesure ; que, par suite, en s'abstenant de lui accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire pour quitter le territoire supérieur à la période de trente jours prévue au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas fait une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce ;

Sur la légalité de la décision désignant la Géorgie comme pays de destination :

12. Considérant, d'une part, que si Mme Telieva, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée à trois reprises par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, fait valoir que son père a été assassiné et qu'elle est recherchée par les autorités géorgiennes depuis l'année 2010, le motif pour lequel elle est recherchée ne ressort pas du dossier ; que les éléments dont il est fait état ne suffisent pas à justifier des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine ;

13. Considérant, d'autre part, que si le compagnon de Mme Telieva est de nationalité arménienne, aucun élément du dossier ne fait ressortir qu'il ne serait pas admissible en Géorgie ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Telieva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Telieva est rejetée.

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N° 12BX00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00611
Date de la décision : 13/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCPA BREILLAT DIEUMEGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-13;12bx00611 ?
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