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15/11/2012 | FRANCE | N°12BX01147

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 12BX01147


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 2012 par télécopie, régularisée le 11 mai 2012, présentée pour Mme Anahit X épouse Y, retenue au centre de rétention administrative, situé au n° 2 de l'avenue Pierre Georges Latécoère à Cornebarrieu (31700), par Me Tercero, avocat ;

Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200737 du 21 février 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2012 par laquelle le préf

et du Loiret a prononcé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler la ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 2012 par télécopie, régularisée le 11 mai 2012, présentée pour Mme Anahit X épouse Y, retenue au centre de rétention administrative, situé au n° 2 de l'avenue Pierre Georges Latécoère à Cornebarrieu (31700), par Me Tercero, avocat ;

Mme Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200737 du 21 février 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2012 par laquelle le préfet du Loiret a prononcé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard un mois après sa notification ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la Selarl Aty de la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tercero, avocat de Mme Y ;

1. Considérant Mme Anahit X, épouse de M. Armen Y, de nationalité arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 4 octobre 2009 accompagnée de son époux et d'un de leurs trois enfants mineurs, Archak ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office de protection des réfugiés et apatrides du 21 décembre 2009, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 28 février 2011 ; que le préfet du Loiret a pris à leur encontre le 2 mai 2011 des arrêtés rejetant leurs demandes de titre de séjour au titre de l'asile et leur faisant obligation de quitter le territoire français ; que leurs demandes de réexamen de leur situation au regard de l'asile ont été rejetées par décision du 28 juillet 2011 de l'Office de protection des réfugiés et apatrides ; que par jugement du 18 octobre 2011, devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du préfet du Loiret en date du 2 mai 2011 ; que Mme Y a été interpellée le 16 février 2012 au centre d'accueil des demandeurs d'asile de la Croix Rouge de Chaingy alors que son époux avait été interpellé le même jour pour vol à l'étalage ; que le 17 février 2012, le préfet du Loiret a décidé leur placement en rétention avec leur enfant mineur au centre de rétention administrative de Toulouse 2 à Cornebarrieu ; que Mme Y relève appel du jugement n° 1200737 du 21 février 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours tendant à l'annulation de décision de placement en rétention du 17 février 2012 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : / a) il existe un risque de fuite, ou / b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. / Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise " ; qu'aux termes du 1 de l'article 17 de la même directive relatif à la " rétention des mineurs et des familles " : " Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible " ;

3. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé "; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; que le II de l'article L. 511-1 dispose que " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :... c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;... d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement;... f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. L'autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. " ;

4. Considérant que l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, par dérogation aux cas dans lesquels un ressortissant étranger est susceptible d'être placé en rétention, la faculté de prendre une mesure d'assignation à résidence lorsque l'étranger présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français ; qu'en vertu des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code, ce risque doit être notamment regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas où l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; que le constat par l'autorité administrative de faits relevant du 3° du II de l'article L. 511-1, s'il est de nature à faire présumer l'existence d'un risque que le ressortissant étranger se soustraie à son obligation de quitter le territoire, ne dispense pas cette même autorité, avant toute décision de placement en rétention, de l'examen particulier des circonstances propres à l'espèce ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 de ce code, et conformément aux objectifs de l'article 17 de la directive 2008/115/CE, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;

5. Considérant que pour la transposition de la directive précitée, l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 , prévoit que : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / La décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l'autorité administrative pour une durée de cinq jours./La prolongation de la mesure par le juge des libertés et de la détention s'effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme Y, qui était accompagnée de son époux et de leur fils âgé de quatre ans Archak, était hébergée depuis plusieurs années au foyer du centre d'accueil des demandeurs d'asile de Chaingy, et que l'enfant était scolarisé ; qu'elle a été interpellée le 16 février 2012 dans ce foyer, où la famille se maintenait irrégulièrement alors que la direction du centre lui avait demandé de quitter les lieux à la suite du rejet des demandes de réexamen de leur situation au regard de l'asile par décision du 28 juillet 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que pour prononcer la mise en rétention, le préfet du Loiret s'est borné à constater que Mme Y ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes en ce qu'elle n'avait pas présenté de passeport valide, ne disposait ni d'une domiciliation stable ni de ressources suffisantes et n'avait pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet ait recherché, au regard de la présence de l'enfant, si une mesure moins coercitive que la rétention était possible pour la durée nécessairement brève de la procédure d'éloignement ; que dans ces conditions, sa décision est entachée d'une erreur de droit et doit pour ce motif être annulée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2012 la plaçant en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui annule le placement en rétention de Mme Y, n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour ; que ses conclusions d'injonction ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que Mme Y ne justifie pas avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux ; que, par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme Y d'une somme de 750 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme Y, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'Etat de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200737 du 21 février 2012 du tribunal administratif de Toulouse et la décision du préfet du Loiret du 17 février 2012 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme Y une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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No 12BX01147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX01147
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-15;12bx01147 ?
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