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11/12/2012 | FRANCE | N°11BX03103

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 11 décembre 2012, 11BX03103


Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2011, présentée pour Mme Aline X demeurant ..., par la Selarl d'avocats Cadiot-Feidt ;

Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801492, en date du 22 septembre 2011, en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a limité à 5 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent partiel et la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'assortir c

es indemnités des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2008, date de son reco...

Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2011, présentée pour Mme Aline X demeurant ..., par la Selarl d'avocats Cadiot-Feidt ;

Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801492, en date du 22 septembre 2011, en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a limité à 5 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent partiel et la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'assortir ces indemnités des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2008, date de son recours hiérarchique ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, qui occupait depuis 2001 les fonctions de greffière auprès du tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion, a présenté des troubles anxio-dépressifs à compter du 28 septembre 2004, le lendemain d'un entretien avec le magistrat auprès duquel elle travaillait ; qu'elle a été placée depuis cette date en congé de maladie, après avoir tenté de reprendre des fonctions de greffier auprès du tribunal d'instance de Saint Denis en novembre 2005 ; que le 27 janvier 2005, la commission de réforme départementale a reconnu le lien entre les fonctions exercées par cet agent et la maladie dont elle souffrait ; que l'intéressée a été admise au bénéfice du régime des accidents de service ; que le 27 avril 2006, la commission de réforme a fixé à 25 % le taux d'incapacité permanente partielle dont était atteinte l'intéressée ; qu'elle a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice tant patrimonial que moral qu'elle estimait avoir subi du fait de cet accident ; que Mme X relève appel du jugement en date du 22 septembre 2011, en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis a limité à 5 000 euros, l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser en réparation du préjudice résultant de l'accident de service dont elle a été reconnue victime le 27 septembre 2004 ;

2. Considérant que la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne fait cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré du fait de l'accident ou de la maladie des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre de la justice que la maladie psychique dont Mme X est atteinte a été reconnue comme résultant de l'entretien qu'elle a eu le 27 septembre 2004 avec le magistrat avec lequel elle travaillait, qui a été qualifié d'accident de service ;

4. Considérant que Mme X demande une indemnité de 100 000 euros au titre de la perte de revenus qu'elle subit du fait de son état résultant, d'une part, de l'incidence professionnelle et d'autre part, de ses conséquences sur le montant de sa pension ; qu'elle ne pourrait toutefois prétendre à la réparation des conséquences pécuniaires de l'accident de service que si ce dernier devait être regardé comme résultant d'une faute de service du tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion ; qu'elle soutient que l'entretien qui s'est déroulé le 27 septembre 2004 à l'initiative du juge Maurel est constitutif d'une telle faute ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la déclaration d'accident de service de l'intéressée ainsi que de l'enquête interne diligentée dès octobre 2004 par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis que cet entretien, s'il s'est déroulé dans le bureau du magistrat dont la porte était fermée à clef et le téléphone débranché, a eu lieu en présence de la greffière en chef et de la greffière adjointe, responsables du greffe du tribunal et supérieures hiérarchiques de l'intéressée ; que s'il ressort des pièces du dossier que ce magistrat, arrivé en septembre 2004 à ce poste, a adressé de vifs reproches à Mme X sur son comportement professionnel et en particulier, sur son attitude désagréable à son égard, notamment lors des audiences, il n'est pas établi par l'intéressée que ces reproches auraient présenté un caractère injurieux ou diffamatoire ni que ce magistrat aurait adopté un comportement menaçant ; que les supérieures hiérarchiques de la requérante n'ont d'ailleurs pas jugé utile d'intervenir durant l'entretien ; qu'elles ont toutefois reçu longuement Mme X à l'issue de cet entretien et que celle-ci a ensuite repris normalement ses fonctions ; que si elle soutient que les reproches qui lui ont été adressés étaient injustifiés et contredits par l'excellente notation dont elle avait fait l'objet jusqu'alors, il résulte de l'instruction qu'en novembre 2005, elle a fait l'objet des mêmes reproches quant à son comportement professionnel, et que la greffière en chef du tribunal d'instance de Saint Denis a demandé au premier président de la cour d'appel qu'il soit mis fin immédiatement à sa délégation ; qu'enfin, elle n'est pas fondée à soutenir que l'enquête interne qui a été diligentée par le premier président de la cour d'appel sur la base des faits qu'elle a dénoncés dans sa déclaration d'accident du 28 septembre 2004 n'a pas présenté un caractère contradictoire alors en tout état de cause, qu'une telle demande d'explications, étrangère à tout procès, ne relevait pas des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que s'il est constant que Mme X a mal supporté l'entretien du 27 septembre 2004 et a présenté des troubles psychologiques constatés médicalement dès le lendemain, les affirmations de la requérante selon lesquelles le comportement adopté par le magistrat à cette occasion aurait présenté un caractère fautif, ne sont pas établies par les pièces du dossier ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme X n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 11 alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1983 relatives à la protection due par l'administration aux fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures et diffamations dont ils pourraient être l'objet à l'occasion de leurs fonctions au soutien de ses conclusions indemnitaires ;

6. Considérant que Mme X demande en outre que l'indemnité que le tribunal lui a accordée en réparation de son préjudice moral soit portée à la somme de 100 000 euros ; que toutefois, s'il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas repris d'activité professionnelle en raison des difficultés à trouver un poste compatible avec son état de santé psychique, Mme X, qui ainsi qu'il a été dit précédemment, n'établit pas que l'administration aurait fait preuve de partialité à son encontre, n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer que le tribunal aurait fait une insuffisante appréciation de son préjudice moral en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ;

7. Considérant que Mme X, qui peut présenter une telle demande pour la première fois en appel, a droit aux intérêts sur la somme de 5 000 euros à compter du 26 juin 2008, date de sa réclamation préalable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est seulement fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2008 ;

9. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme X tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : L'indemnité de 5 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme X portera intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2008.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Saint Denis est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

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N° 11BX03103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03103
Date de la décision : 11/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Allocation temporaire d'invalidité. Notion d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SELARL CADIOT-FEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-11;11bx03103 ?
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