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11/12/2012 | FRANCE | N°12BX00823

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 11 décembre 2012, 12BX00823


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 avril 2012, présentée pour M. Huseyn X, demeurant chez M. Sih Mehmet X, ... par Me Trebesses ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104701 du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 novembre 2011 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et désignation du pays de renvoi, d'autre part, s

es conclusions à fin d'injonction ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté en tant ...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 avril 2012, présentée pour M. Huseyn X, demeurant chez M. Sih Mehmet X, ... par Me Trebesses ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1104701 du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 novembre 2011 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et désignation du pays de renvoi, d'autre part, ses conclusions à fin d'injonction ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et désignation du pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à défaut de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil européen du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X, ressortissant turc né en 1966, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Gironde du 2 novembre 2011 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours, désignant son pays d'origine comme pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que, saisi par M. X, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette dernière décision, mais rejeté le surplus de son recours dirigé contre l'arrêté du 2 novembre 2011 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction ; que M. X fait appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Burg, préfet délégué pour la sécurité et la défense, qui avait reçu délégation pour ce faire par un acte du 2 mai 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs ; que cette délégation, suffisamment précise, autorise la signature des décisions de la nature de celles que comporte l'arrêté en litige ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que l'arrêté contesté qui n'avait pas à relater toutes les données de la situation personnelle de l'intéressé, énonce de manière suffisante, au regard de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979, les éléments de fait comme de droit qui fondent les mesures qu'il contient ; qu'une telle motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. X ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que par la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 20 novembre 2007, limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle était, à la date de la décision attaquée, annexée à l'arrêté interministériel du 11 août 2011 ; que, dans l'hypothèse de l'examen de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel précité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

5. Considérant que le refus de séjour opposé à M. X par l'arrêté contesté à la suite de sa demande de régularisation adressée aux services de la préfecture le 14 octobre 2011 sur le fondement de l'article L.313-14, cité dans cette demande, est fondé, aux termes de cet arrêté, sur son entrée récente en France, sur le fait que sa famille réside dans son pays d'origine et sur la circonstance que l'emploi de maçon qui lui a été proposé ne fait pas partie des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement, figurant sur une liste annexée à l'arrêté interministériel du 11 août 2011 ;

6. Considérant que la durée de séjour de M. X, entré selon ses dires sur le territoire national en décembre 2009, était de moins de deux ans à la date de l'arrêté attaqué ; que le reste de sa famille, composé de son épouse et de ses quatre enfants, est demeuré en Turquie où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 43 ans ; que le métier de maçon, objet du contrat de travail produit par le requérant à l'appui de sa demande de régularisation, ne figure pas sur la liste annexée à l'arrêté du 11 août 2011, non plus que les autres métiers du bâtiment dont il se prévaut en appel concernant " la plaquerie, la peinture, la finition et le coffrage " ; que, dans ces conditions, les risques qu'il soutient encourir en Turquie en tant que militant de la cause kurde et qui ne sont au demeurant pas établis ainsi qu'il sera dit plus loin, non plus que les qualités professionnelles de polyvalence qu'il prétend détenir ou la présence en France d'un de ses frères ne suffisent à faire regarder sa demande de régularisation comme procédant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires ; que, par suite, le refus de séjour contesté n'est pas entaché d'illégalité au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a pu opposer ce refus sans commettre l'erreur manifeste d'appréciation invoquée par le requérant ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient en appel que les dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, transposées par les dispositions du décret n°2011-1031 du 29 août 2011 codifiées sous l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont été méconnus par l'arrêté contesté dès lors qu'il n'a pas reçu, lors de la procédure de demande d'asile, les éléments d'informations requis par ces textes ; que, toutefois et si le bénéfice de l'asile a été préalablement refusé au requérant par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 mars 2010 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 septembre 2011, et si l'arrêté contesté du préfet de la Gironde vise ces deux décisions, ce même arrêté fait explicitement référence à la demande de régularisation adressée par M. X le 14 octobre 2011 sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et répond à cette demande sur ce terrain ; que, par suite et à supposer que les obligations attachées à la demande d'asile n'auraient pas été respectées, ce non-respect est sans influence sur la régularité de la procédure au terme de laquelle est intervenu le rejet de la demande de régularisation présentée par M. X le 14 octobre 2011 ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de illégalité du refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en second lieu, que, pour les raisons exposées plus haut à propos du refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que le préfet n'a pas non plus entaché d'erreur manifeste l'appréciation qu'il a portée quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, que si la décision du préfet de la Gironde mentionne, comme il est dit plus haut, les refus opposés à M. X par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, elle ne se borne pas à cette mention et se prononce au regard des circonstances de son entrée et de son séjour en France, des liens qu'il conserve dans son pays d'origine ainsi que des données de sa vie professionnelle ; que, ce faisant, le préfet de la Gironde a exercé son pouvoir d'appréciation ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que M. X fait valoir qu'il serait soumis, personnellement de même que sa famille, à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il se prévaut ainsi d'une procédure judiciaire à son encontre pour des motifs fiscaux dont il soutient qu'ils masquent la volonté de réprimer son activité de militant de la cause kurde ; que, toutefois, ni la réalité de cette activité de militant, ni celle d'une répression à son encontre pour cette cause ne sont établies ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Gironde désignant le pays de destination ne saurait être regardée comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile non plus que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 2 novembre 2011 en tant qu'elles concernent le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la désignation du pays de renvoi ;

Sur les autres conclusions :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions du requérant aux fins d'annulation, n'implique lui-même aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions présentées en appel à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ; que, par voie de conséquence, ses conclusions devant la cour tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.X est rejetée.

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N° 12BX00823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00823
Date de la décision : 11/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-11;12bx00823 ?
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