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11/12/2012 | FRANCE | N°12BX00836

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 11 décembre 2012, 12BX00836


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012, présentée par le préfet de la Martinique qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200194 du 1er mars 2012 par lequel le président du tribunal administratif de Fort-de-France, d'une part, a annulé, à la demande de M. Joël X, les décisions du 28 février 2012 par lesquelles il a fait obligation à ce dernier de quitter sans délai le territoire français, a fixé Haïti comme pays de renvoi et l'a placé en rétention administrative pendant une durée de cinq jours, d'autre part, lui a enjoint de libérer immédiatement

M. X et de lui délivrer un titre de séjour correspondant à sa situation dans ...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012, présentée par le préfet de la Martinique qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200194 du 1er mars 2012 par lequel le président du tribunal administratif de Fort-de-France, d'une part, a annulé, à la demande de M. Joël X, les décisions du 28 février 2012 par lesquelles il a fait obligation à ce dernier de quitter sans délai le territoire français, a fixé Haïti comme pays de renvoi et l'a placé en rétention administrative pendant une durée de cinq jours, d'autre part, lui a enjoint de libérer immédiatement M. X et de lui délivrer un titre de séjour correspondant à sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X, de nationalité haïtienne, entré en France en 2004, a sollicité le bénéfice de l'asile, ce qui lui a été refusé par une décision du 22 mars 2005 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 8 décembre 2006 ; que le préfet de la Martinique a pris à son encontre le 4 mai 2006 une décision de refus de séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire français ; que M. X s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité le 18 mars 2010 puis le 24 octobre 2011 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que les dossiers de demande, restés incomplets, n'ont pas été instruits ; que M. X a été interpellé par les services de la police aux frontières le 27 février 2012 et a fait l'objet d'un arrêté du 28 février 2012 du préfet de Martinique lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et de deux décisions du 28 février 2012 fixant Haïti comme pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ; que, par un jugement du 1er mars 2012, le président du tribunal administratif de Fort-de-France, statuant selon la procédure prévue à l'article L.512-2 du code de justice administrative, a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de libérer immédiatement M. X et de lui délivrer un titre de séjour correspondant à sa situation dans un délai de deux mois ; que le préfet de la Martinique relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X séjourne depuis octobre 2004 en France où il est entré alors qu'il était encore mineur ; qu'il a organisé sa vie sur le territoire français et y a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle pour le métier d'employé de vente en 2007 ; qu'il a entamé des démarches auprès de la préfecture de la Martinique en vue de régulariser sa situation en 2010 et 2011 ; que le père de M. X est décédé le 4 février 2004 à Haïti ; que sa mère vit en France depuis 1990 en situation régulière et l'a hébergé de 2007 à 2011 ; qu'un frère qui a acquis la nationalité française et une soeur titulaire d'une carte de résident sont installés aussi en France ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. X a reconnu en mars 2009 comme étant le sien l'enfant né le 16 février 2009 de sa relation avec une compatriote elle-même en situation régulière en France ; que selon les mentions du jugement, non contesté sur ce point, la compagne de M. X a indiqué au cours de l'audience du tribunal administratif, sans être contredite, que la vie commune existait depuis le mois de novembre 2011 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la durée du séjour de M. X en France, à son âge au moment de son arrivée sur le territoire national et à l'ensemble des liens familiaux qui sont désormais les siens en France, et même en tenant compte de ce que l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière et de ce qu'il aurait reconnu frauduleusement un enfant de nationalité française, c'est à juste titre que le président du tribunal administratif de Fort-de-France a regardé l'obligation de quitter le territoire français impartie à M. X par l'arrêté du 8 février 2012 comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a annulé cette obligation ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et prescrivant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Martinique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Fort-de-France a annulé ses arrêtés du 28 février 2012 ;

DECIDE :

Article 1er: La requête du préfet de la Martinique est rejetée.

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N°12BX00836 - 3 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00836
Date de la décision : 11/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MONOTUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-11;12bx00836 ?
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