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13/12/2012 | FRANCE | N°12BX00195

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12BX00195


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 janvier 2012 par télécopie, régularisée le 30 janvier 2012, présentée pour la SNC d'exploitation La Cocoteraie, dont le siège social est Avenue de l'Europe à Saint-François (97118), par la SCP Dolla-Vial et associés, société d'avocats ;

La SNC d'exploitation La Cocoteraie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800826 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par le préfet de la Guadeloupe, l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à payer une amende d

e 1 500 euros, et lui a enjoint, d'une part, de démolir l'enrochement surmonté ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 janvier 2012 par télécopie, régularisée le 30 janvier 2012, présentée pour la SNC d'exploitation La Cocoteraie, dont le siège social est Avenue de l'Europe à Saint-François (97118), par la SCP Dolla-Vial et associés, société d'avocats ;

La SNC d'exploitation La Cocoteraie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800826 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par le préfet de la Guadeloupe, l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1 500 euros, et lui a enjoint, d'une part, de démolir l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois édifié au droit de la parcelle AW 42 sur la commune de Saint-François, d'autre part, d'enlever hors du domaine public les produits de démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et a autorisé l'Etat à y procéder d'office aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai ;

2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la Guadeloupe devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................ .........

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 23 septembre 2007, sur la base de constatations effectuées le 12 juin 2007, à l'encontre de la SNC d'exploitation La Cocoteraie pour avoir implanté, sans autorisation, sur le domaine public maritime, un enrochement partiellement immergé surmonté d'une terrasse en bois faisant obstacle au libre passage des piétons dans le secteur de l'anse du Mancenillier au niveau de La Pointe du Lagon sur le territoire de la commune de Saint-François ; que la SNC d'exploitation La Cocoteraie relève appel du jugement n° 0800826 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par le préfet de la Guadeloupe, l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 1 500 euros, et lui a enjoint, d'une part, de démolir l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois édifié au droit de la parcelle cadastrée AW 42 sur la commune de Saint-François, d'autre part, d'enlever hors du domaine public les produits de démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et a autorisé l'Etat à y procéder d'office aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public : 1° Sur les litiges relatifs aux déclarations préalables prévues par l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme ; 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; 3° Sur les litiges en matière de pensions, d'aide personnalisée au logement, de communication de documents administratifs, de service national ; 4° Sur les litiges relatifs à la redevance audiovisuelle ; 5° Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; 6° Sur la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour refus opposé à une demande de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; 8° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; 9° Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine ; 10° Sur les litiges relatifs au permis de conduire " ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le magistrat qui l'a signé a été désigné par le président du tribunal administratif de Basse-Terre, par décision du 7 février 2011, pour statuer sur les litiges visés audit article ; que, cependant, les litiges relatifs aux contraventions de grande voirie ne sont pas visés par ces dispositions mais par l'article L. 774-1 du code de justice administrative qui régit la matière ; que, dès lors, le magistrat signataire du jugement ne peut être regardé comme ayant été régulièrement désigné pour statuer sur la demande du préfet de la Guadeloupe ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, celui-ci doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Guadeloupe au tribunal administratif de Basse-Terre ;

Sur la régularité des poursuites :

5. Considérant que le procès-verbal établi le 23 septembre 2007 par un officier de police judiciaire, sur la base des constatations effectuées le 12 juin 2007, contient des indications permettant d'identifier la nature, les circonstances et les auteurs de la contravention et de connaître les motifs de droit et de fait de l'infraction reprochée à la SNC d'exploitation La Cocoteraie ; que la circonstance que le procès-verbal, qui est ainsi suffisamment motivé, comporte une date de rédaction erronée ne fait pas légalement obstacle à ce que le préfet de la Guadeloupe défère la SNC d'exploitation La Cocoteraie au tribunal administratif de Basse-Terre comme prévenue de la contravention constatée ;

Sur la contravention de grande voirie :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer (...) 4° la zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion " ; qu'aux termes de l'article L. 5111-1 du même code : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l'Etat " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du plan et des photographies versées au dossier que l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois, édifié au droit de la parcelle cadastrée sous le n° AW 42 au lieu-dit anse du Mancenillier à La Pointe du Lagon, a été érigé en bordure de l'océan dans un endroit qu'il couvre et découvre naturellement, à l'intérieur des limites atteintes par les plus hauts flots, en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que l'ouvrage a été ainsi construit sur le rivage de la mer faisant partie du domaine public maritime ;

8. Considérant que la SNC d'exploitation La Cocoteraie n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause les faits ainsi établis concernant particulièrement la situation de l'enrochement édifié et le fait qu'il a été installé sur le rivage de la mer ; que dès lors, la SNC d'exploitation La Cocoteraie n'est pas fondée à soutenir que les poursuites engagées à son encontre reposeraient sur des faits matériellement inexacts ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas pris l'initiative de faire édifier cet aménagement et qu'il aurait été construit par les précédents propriétaires de la parcelle, eux-mêmes titulaires d'autorisations accordées au titre de la législation de l'urbanisme, est sans incidence sur le bien fondé des poursuites dès lors qu'une telle circonstance n'établit pas que la construction de l'enrochement aurait été autorisée au titre de la législation relative au domaine public maritime ;

9. Considérant que la circonstance que les aménagements en raison desquels la SNC d'exploitation La Cocoteraie a été poursuivie contribueraient à l'aménagement du site et à la protection des propriétés privées contre l'action des flots et des intempéries est sans incidence sur la contravention de grande voirie ainsi établie ; qu'il en est de même de la circonstance que des aménagements comparables auraient été également édifiés par des propriétaires voisins sans pour autant donner lieu à des poursuites ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations " ;

11. Considérant que le maintien sans autorisation de l'enrochement édifié sur le domaine public et faisant obstacle au libre passage des piétons, ainsi que l'occupation du domaine public en résultant, constituent la contravention de grande voirie prévue par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ; que la société, qui entretient la terrasse construite sur l'enrochement destiné à protéger la plage devant l'hôtel qu'elle exploite, dispose de la garde effective dudit enrochement, et des pouvoirs lui permettant de prendre toutes dispositions pour faire cesser l'atteinte portée au domaine public alors même qu'elle n'aurait pas construit cet ouvrage ;

Sur l'action publique :

12. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité " ; que les dispositions de l'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques font obstacle, tant que se poursuit l'occupation sans titre de la dépendance du domaine public, à la prescription de l'action publique et permettent de prononcer une peine d'amende pour chaque jour où l'infraction est constatée ; qu'ainsi eu égard au maintien sans autorisation sur le domaine public de l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois édifié au droit de la parcelle AW 42 devant l'hôtel qu'elle exploite et à la persistance de l'occupation du domaine public en résultant, le préfet était fondé à faire constater à tout moment une contravention de grande voirie ;

13. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 " ; qu'il résulte des dispositions dudit article 7 que le délai de prescription a pour point de départ le dernier acte d'instruction ou de poursuite ; qu'il résulte de l'instruction que le tribunal n'a procédé à aucun acte d'instruction ou de poursuite entre la communication du mémoire de la SNC d'exploitation La Cocoteraie intervenue le 26 mai 2009 et la demande d'informations complémentaires adressées au préfet de la Guadeloupe le 17 août 2010 ; que plus d'un an s'étant écoulé entre ces deux actes d'instruction, il s'ensuit que, par application des dispositions combinées des articles 7 et 9 du code de procédure pénale, l'action publique était prescrite ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de condamner la SNC d'exploitation La Cocoteraie à verser une amende ;

Sur l'action domaniale :

14. Considérant qu'en tout état de cause, la prescription de l'action publique en matière de contravention de grande voirie ne s'applique pas, en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à l'action domaniale tendant à la réparation des dommages causés au domaine ; que, pour les motifs précédemment exposés, il y a lieu d'enjoindre à la SNC d'exploitation La Cocoteraie, d'une part, de démolir l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois édifié au droit de la parcelle cadastrée n° AW42 sur le territoire de la commune de Saint-François, d'autre part, à enlever hors du domaine public les produits de démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard ; qu'il y a lieu également d'autoriser l'Etat à procéder d'office à ces opérations aux frais, risques et périls de la contrevenante, en cas d'inexécution passé le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800826 du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 10 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : La SNC d'exploitation La Cocoteraie est condamnée à démolir l'enrochement surmonté d'une terrasse en bois édifié au droit de la parcelle cadastrée n°AW42 sur la commune de Saint-François et à enlever hors du domaine public les produits de démontage, afin de rétablir les lieux dans leur état initial, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard, l'Etat étant autorisé à y procéder d'office aux frais, risques et périls de la contrevenante en cas d'inexécution passé ce délai.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 12BX00195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00195
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BENSUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-13;12bx00195 ?
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