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31/12/2012 | FRANCE | N°12BX01298

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2012, 12BX01298


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2012, et le mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2012, présentés pour M. Blaise X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Trebesses, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200706 du 25 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le

délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourne...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2012, et le mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2012, présentés pour M. Blaise X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Trebesses, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200706 du 25 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de l'expiration du délai de départ volontaire, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins de réexaminer sa demande et d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté et d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans ce même délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de retirer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X, ressortissant congolais, est entré en France en juin 2010 et y a demandé l'asile politique, ce qui lui été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 janvier 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 juillet 2011 ; que le 22 août 2011, il a sollicité du préfet de la Gironde la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a expressément invoquées ; que, par un arrêté du 19 décembre 2011 dont M. X demande l'annulation, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que, saisi par M. X d'un recours dirigé contre cet arrêté du 19 décembre 2011 et de conclusions à fin d'injonction, le tribunal administratif a, par l'article 1er du dispositif de son jugement du 25 avril 2012, annulé pour insuffisance de motivation, la décision d'interdiction de retour contenue dans l'arrêté et, par l'article 2 de ce même dispositif, enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à l'effacement du signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de 15 jours ; que, par l'article 3 contesté par M. X devant la cour, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions ; que ses conclusions d'appel tendant, d'une part, à l'annulation de la décision d'interdiction de retour, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen sont irrecevables dès lors que cette annulation et cette injonction ont déjà été ordonnées par les premiers juges ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

2. Considérant que le jugement attaqué énonce : " que par un arrêté en date du 2 mai 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de la Gironde spécial n° 16 du 17 mars au 2 mai 2011, le préfet de la Gironde a donné délégation de signature à M. Marc Burg, préfet délégué pour la défense et la sécurité, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions dans les matières relevant du service de l'immigration et de l'intégration, qui inclut nécessairement les décisions portant obligation de quitter le territoire français, les décisions interdisant le retour sur le territoire français ainsi que les décisions aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté " ; qu'il convient d'adopter cette motivation retenue à juste titre par les premiers juges pour écarter ce moyen repris en appel ;

En ce qui concerne la régularité de la décision fixant le pays de renvoi :

3. Considérant que les premiers juges relèvent que la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté attaqué vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que " M. X n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine " ; qu'ils estiment que, dès lors, le moyen tiré de ce que ladite décision serait insuffisamment motivée manque en fait ; qu'il y a lieu d'adopter cette motivation retenue à juste titre par le tribunal ;

4. Considérant que, si le préfet de la Gironde a rappelé dans les motifs de son arrêté le parcours de M. X depuis son entrée en France, sa demande d'asile et les refus opposés à cette demande, il a analysé la demande d'admission exceptionnelle au séjour expressément faite par le requérant le 22 août 2011 sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué les raisons pour lesquelles il estimait que cette admission exceptionnelle n'était pas justifiée, de même que celles qui fondaient l'obligation de quitter le territoire, et a précisé en quoi la situation de l'intéressé ne faisait pas obstacle à un retour dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des termes de cette motivation non plus que d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait cru tenu, pour apprécier les risques du retour de l'intéressé dans son pays d'origine et désigner le pays de renvoi, par les refus d'asile opposés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile le 5 juillet 2011 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article 10 a) de la directive 2 005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 et de l'article R.741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Considérant que, pour la première fois, le requérant soutient devant la cour ne pas avoir reçu les informations telles que le prévoient les dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, non plus que celles prescrites par les dispositions de l'article R.741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, la méconnaissance, à la supposer établie, de ces obligations d'information attachées à la procédure d'instruction de la demande d'asile est, par elle-même, sans influence sur la régularité du refus opposé à l'intéressé à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour faite par lui sur le fondement de l'article L.313-14 du code précité ; que la circonstance que cette dernière demande avait été précédée d'une demande d'asile ne la soumet pas pour autant à la procédure propre au droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette procédure à l'encontre du refus de séjour et des autres mesures prises par l'arrêté contesté doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité des motifs du refus d'admission exceptionnelle au séjour :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. (...) " ;

7. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que par la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10, le législateur a entendu limiter le champ de l'admission exceptionnelle à cette dernière carte aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement, figurant sur une liste établie au plan national, laquelle, aujourd'hui, est annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 11 août 2011 ;

8. Considérant que M. X se prévaut, devant la cour comme devant le tribunal de ce qu'il exerce les fonctions d'agent de tri et de manutention des colis depuis le mois de mars 2011 pour le compte de la société Huys Transport 33 et de ce qu'il ne peut retourner dans son pays d'origine à cause de son militantisme politique au sein du Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS), dont il soutient qu'il l'a conduit à être détenu puis torturé par les autorités de l'Etat congolais ; que, toutefois, M. X n'établit pas davantage devant la cour que devant le tribunal la réalité des mauvais traitements qu'il invoque ; qu'au demeurant, ceux-ci sont, par eux-mêmes, sans influence sur le refus de l'admettre au séjour en France, alors même que cette admission a été demandée pour des motifs humanitaires ; que le requérant, dont il ressort des pièces du dossier qu'il est entré récemment en France, à l'âge de 36 ans et conserve des attaches fortes dans son pays d'origine où vivent sa concubine et ses trois enfants mineurs, n'apporte pas d'élément relatif à sa situation personnelle de nature à le faire regarder comme relevant des circonstances exceptionnelles exigées par les dispositions précitées ; qu'en outre, la profession d'agent de tri invoquée par lui ne figure pas sur la liste annexée à l'article 1er de l'arrêté du 11 août 2011 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ; qu'en ne procédant pas, dans ces conditions, à la régularisation à titre exceptionnel de la situation de M. X, le préfet de la Gironde ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il n'a pas commis non plus d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité des motifs de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

10. Considérant que, comme il a été dit plus haut, M. X n'établit pas la réalité des mauvais traitements qu'il prétend avoir subis du fait de son engagement politique en République du Congo et n'établit pas davantage la réalité des risques qu'il soutient encourir en cas de retour dans ce pays à cause de cet engagement ; que, par suite, la décision fixant son pays d'origine comme pays de destination n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 19 décembre 2011 en tant qu'il comporte des décisions autre que l'interdiction de retour sur le territoire français annulée par le jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette des conclusions à fin d'annulation de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite les conclusions à fin d'injonction que comporte la requête ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 12BX01298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01298
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-31;12bx01298 ?
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