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31/01/2013 | FRANCE | N°12BX02007

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 31 janvier 2013, 12BX02007


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour Mme A...C...demeurant..., par Me E... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100350 en date du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2010 par lequel le préfet de la Guyane a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une autorisation p

rovisoire de séjour dans l'attente d'un réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, sou...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2012, présentée pour Mme A...C...demeurant..., par Me E... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100350 en date du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2010 par lequel le préfet de la Guyane a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme de 2 000 euros ;

Elle soutient que :

- M. D...B..., signataire de l'arrêté en litige, n'avait pas reçu régulièrement délégation de compétence ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que la signature est partiellement effacée ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'elle ne comporte aucun élément de fait notamment sur sa vie privée et familiale en France ;

- la décision attaquée méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle vit en France depuis plus de dix ans de manière ininterrompue ; sa fille, née et scolarisée en France, est atteinte de drépanocytose et nécessite des soins qu'elle ne peut avoir au Surinam ;

- un retour forcé de la famille au Surinam serait contraire à l'intérêt de supérieur de sa fille en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que sa fille n'a jamais vécu dans ce pays, qu'elle est très malade et que sa maladie nécessite un suivi médical régulier ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 14 mai 2012 accordant à Mme C...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 19 septembre 2012 portant clôture de l'instruction au 15 octobre 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Michèle Richer, président ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., de nationalité surinamaise, relève appel du jugement en date 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 juillet 2010 du préfet de la Guyane décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de renvoi ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

3. Considérant que Mme C...est mère d'une fillette, née le 16 avril 2000 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de deux certificats médicaux établis le 28 mai 2010 par le docteur Marconi et le 18 janvier 2006 par le docteur El Gendy du centre hospitalier de l'ouest guyanais, que l'enfant est atteinte de drépanocytose homozygote ayant entraîné plusieurs crises depuis sa naissance et que son état de santé nécessite un bilan biologique, un suivi médical et un traitement mensuel ; que le médecin inspecteur de la santé publique a admis que le défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il n'est pas contesté que la mère de l'enfant n'aurait pas les ressources suffisantes pour se procurer le traitement approprié au Surinam, dont Mme C...est originaire ; qu'en outre, l'enfant vit depuis sa naissance en France où elle est scolarisée ; que, dans ces conditions et eu égard au fait que la présence de Mme C...est nécessaire auprès de sa fille, âgée de dix ans, la décision du préfet de la Guyane ordonnant la reconduite à la frontière de Mme C...porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant et doit être regardée comme contraire aux stipulations précitées de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté en litige, il incombe au préfet de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer la situation de l'intéressée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen dans un délai de deux mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme C...d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne du 16 février 2012 et l'arrêté du préfet de la Guyane en date du 17 juillet 2010 décidant la reconduite à la frontière de Mme C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de la situation de Mme C... dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à l'avocat de Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

Mme Michèle Richer, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2013.

Le président-assesseur,

Antoine BECLe président,

Michèle RICHERLe greffier,

Isabelle OLLAGNIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 12BX02007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02007
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MONGET SARRAIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-01-31;12bx02007 ?
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