La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2013 | FRANCE | N°13BX01603

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 10 décembre 2013, 13BX01603


Vu la requête enregistrée le 12 juin 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 17 juin 2013 présentée pour Mme A...B...demeurant ...par Me Brel ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1205529 en date du 14 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2012 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays

de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn...

Vu la requête enregistrée le 12 juin 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 17 juin 2013 présentée pour Mme A...B...demeurant ...par Me Brel ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1205529 en date du 14 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2012 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article 911-1 du code de justice administrative ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante kosovare née en 1985, serait entrée en France le 9 mars 2009 d'après ce qu'elle déclare ; qu'elle a sollicité le statut de refugié qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 8 septembre 2009 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile notifiée le 4 février 2011 ; que le préfet de Tarn-et-Garonne a pris à son encontre, le 18 février 2011, un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2011 ; qu'entretemps, Mme B...a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 juin et par la Cour nationale du droit d'asile le 29 août 2012 ; qu'alors que le recours formé par Mme B...contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides était pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, l'intéressée a présenté le 20 février 2012 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade que le préfet, après avoir recueilli le 16 mars 2012 l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Midi-Pyrénées, a rejetée par décision du 3 août 2012 ; qu'à la suite du refus opposé par la Cour nationale du droit d'asile à la demande d'asile, le préfet de Tarn-et-Garonne a pris, le 29 novembre 2012, à l'encontre de Mme B...un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement en date du 14 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 29 novembre 2012 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort de ses écritures de première instance que Mme B...a soutenu devant le tribunal administratif que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen précis qui n'était pas inopérant et qu'il n'a d'ailleurs pas visé ; que, dès lors, son jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ; que ce jugement doit être annulé dans cette mesure ;

3. Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2012 par laquelle le préfet de Tarn-et-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et de se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête ;

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis par un médecin psychiatre du centre hospitalier de Montauban les 28 décembre 2009, 1er décembre 2010, 30 janvier 2012 et 2 octobre 2012, et des certificats d'un psychologue exerçant dans ce même centre hospitalier en date des 17 septembre 2009, 14 décembre 2010, 23 février 2011 et 2 octobre 2012, que Mme B...souffre d'un état dépressif sévère et que les troubles qu'elle présente rendent nécessaire une prise en charge psycho-thérapeutique et chimiothérapique associant antidépresseurs et anxiolytiques sur le long terme ; que le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 16 mars 2012 a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale et que les soins nécessités par son état de santé devaient, en l'état actuel, être poursuivis pendant plusieurs années ; que, dans ces conditions, il appartient au préfet de Tarn-et-Garonne d'apporter des éléments faisant ressortir qu'à la date de sa décision l'intéressée pouvait recevoir au Kosovo un traitement approprié à sa pathologie ; que le préfet produit une documentation constituée d'une pièce rédigée en anglais, provenant d'une source mal identifiée, qu'il indique être un extrait de la base de données " Medical country of origin information ", évoquant la situation de deux ressortissants kosovares âgés de 52 et 53 ans et comportant une liste de médicaments accessibles au Kosovo, un extrait du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 1er septembre 2010 sur la mise à disposition dans les pharmacies du Kosovo de certains médicaments, mais qui ne correspondent qu'en partie aux troubles dont souffre MmeB..., et d'un rapport émanant de l'Organisation internationale pour les migrations mis à jour le 1er décembre 2009 lequel indique, cependant, que " (...) la santé mentale au Kosovo fait face à de grosses difficultés (...).le pays manque de professionnels qualifiés (...) le système de santé mentale du Kosovo manque cruellement de structures pour accueillir les personnes atteintes de troubles mentaux (...) " ; que ces éléments d'information ne permettent pas d'établir que le suivi et le traitement requis par l'état de santé de la requérante étaient disponibles au Kosovo à la date de la décision attaquée ; que dans ces conditions, Mme B...est fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code précité en prenant la décision contestée ; que l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus de séjour :

6. Considérant que Mme B...soutient que l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé prévoit que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est adressé au préfet sous le couvert du directeur de l'agence régionale de santé, que cette formalité n'a pas été respectée s'agissant de l'avis rendu le 16 mars 2012 sur son état de santé par le médecin de l'agence régionale de santé Midi-Pyrénées et que ce vice de procédure entache la légalité du refus de séjour ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel vice dans le déroulement de la procédure consultative ait pu exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet ; que, par ailleurs, le vice allégué n'a pas privé Mme B...d'une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 16 mars 2012 pour n'avoir pas été transmis sous couvert du directeur de l'agence régionale de santé doit donc et en tout état de cause être écarté ; qu'en se bornant à renvoyer, pour le surplus, à ses conclusions de première instance, sans plus de précisions et sans même joindre à sa requête d'appel ses mémoires de première instance, la requérante ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal administratif en écartant les autres moyens dirigés à l'encontre du refus de séjour ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 novembre 2012 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen par le préfet de Tarn-et-Garonne de la situation de Mme B...; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Considérant que Mme B...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Brel, avocat de MmeB..., de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1205529 du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 2013 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 29 novembre 2012.

Article 2 : La décision faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi que comporte l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne en date du 29 novembre 2012 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de réexaminer la situation de Mme B...dans le délai d'un mois d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Brel, avocat de MmeB..., la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Brel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

''

''

''

''

2

N°13BX01603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01603
Date de la décision : 10/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AARPI DIALEKTIK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-12-10;13bx01603 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award