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13/02/2014 | FRANCE | N°12BX00654

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 13 février 2014, 12BX00654


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012, présentée pour la société Vinci Construction Terrassement, société par actions simplifiée dont le siège est 61 avenue Jules Quentin à Nanterre Cedex (92730), représentée par son président-directeur général en exercice, la société SODAF, société à responsabilité limitée dont le siège est ZI le petit bourbon BP 38 à Belleville sur Vie (85170), représentée par son gérant en exercice, la société SODAF GEO, société à responsabilité limitée dont le siège est ZI le petit bourbon BP 38 à Belleville sur Vie (85170), repré

sentée par son gérant en exercice, par Me A... ;

Les sociétés Vinci Construction Te...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012, présentée pour la société Vinci Construction Terrassement, société par actions simplifiée dont le siège est 61 avenue Jules Quentin à Nanterre Cedex (92730), représentée par son président-directeur général en exercice, la société SODAF, société à responsabilité limitée dont le siège est ZI le petit bourbon BP 38 à Belleville sur Vie (85170), représentée par son gérant en exercice, la société SODAF GEO, société à responsabilité limitée dont le siège est ZI le petit bourbon BP 38 à Belleville sur Vie (85170), représentée par son gérant en exercice, par Me A... ;

Les sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901075, 1003390 du 19 janvier 2012 du tribunal administratif de Poitiers en tant que le tribunal, après leur avoir donné acte du désistement de leurs conclusions à fin de résiliation des marchés pour la construction de deux réserves de substitution aux fins d'irrigation et d'ouvrages annexes aux lieudits " Les Justices " et " Pincenelle ", a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes relatif à la condamnation de l'Association syndicale autorisée (ASA) de Benon à leur verser les sommes de 106 332,79 et 342 330,36 euros augmentées des intérêts au taux légal en règlement des marchés ;

2°) de condamner l'ASA de Benon à leur verser les sommes de 106 332,79 et 342 330,36 euros augmentées des intérêts au taux de 3.99 % à compter du 17 septembre 2008 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de désigner, au besoin, un expert et de surseoir à statuer jusqu'au dépôt de son rapport ;

4°) de mettre à la charge de l'ASA de Benon, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 5 000 euros et le remboursement de la somme de 1 500 euros au paiement de laquelle elles ont été condamnées en première instance ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me A...pour les sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO et de Me B...pour l'ASA de Benon ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par actes d'engagement des 21 octobre et 17 novembre 2005, l'Association syndicale autorisée (ASA) de Benon a confié au groupement d'entreprises solidaires constitué de la société GTM Terrassement, devenue Vinci Construction Terrassement, mandataire du groupement, de la société SODAF et de la société SODAF-GEO, les lots " gros oeuvre " des marchés de construction de réserves d'irrigations et ouvrages annexes aux lieudits " Les justices " sur la commune de Benon et " Pincenelle " sur la commune de Ferrières ; que, par décision du 2 décembre 2005, le préfet de la Charente-Maritime a donné récépissé à l'ASA de Benon de sa déclaration concernant la création d'une réserve d'eau au lieudit " Pincenelle " et, par arrêté du même jour, il a autorisé l'ASA de Benon à créer une réserve de substitution au lieudit " Les Justices " ; que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ayant, par ordonnances du 23 janvier 2006, suspendu l'exécution de ces deux décisions préfectorales, la société Vinci Construction Terrassement a reçu deux ordres de service datés du 6 février 2006 ordonnant l'arrêt des travaux à compter du 25 janvier 2006 ; que le groupement d'entreprises solidaires a saisi le maitre d'ouvrage de deux mémoires en réclamation du 31 juillet 2008 et, n'ayant pas obtenu de réponse, a saisi, le 28 avril 2009, le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la résiliation des marchés et à la condamnation de l'ASA de Benon à verser les sommes de 106 332,79 euros au titre du règlement des travaux exécutés, de 342 330,26 euros au titre des dommages subis du fait de la suspension des travaux et de 1 087,78 euros au titre des commissions bancaires inutilement exposées ; qu'en cours d'instance, l'ASA ayant résilié les marchés, les requérantes lui ont adressé les projets de décomptes généraux, accompagnés de deux mémoires de réclamation du 23 juin 2010 ; que l'ASA de Benon ayant refusé de faire droit à leurs demandes, les sociétés requérantes ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant au versement des mêmes sommes que la première demande ; qu'elles relèvent appel du jugement du 19 janvier 2012 en tant que le tribunal, après avoir prononcé la jonction des demandes et avoir donné acte du désistement des conclusions à fin de résiliation des marchés, a rejeté comme irrecevable le surplus des conclusions de leurs demandes ;

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande n° 0901075 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 50-1 du cahier des clauses administratives générales travaux applicable aux marchés en cause : " 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, L'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur. " ; que l'article 50.2 de ce cahier stipule : " 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande. il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. 50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après. " ; qu'aux termes de l'article 50.3 du même cahier : " 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. (...) " ;

3. Considérant que les sociétés requérantes ont saisi l'ASA de Benon de mémoires de réclamation du 31 juillet 2008 qui portent sur la réparation des préjudices subis du fait, d'une part, des conditions dans lesquelles s'étaient déroulés les travaux jusqu'à leur arrêt et, d'autre part, de l'ajournement de ces derniers à partir du 25 janvier 2006 ; que les réclamations, qui ont trait notamment aux conditions d'exécution des travaux et à l'indemnisation des conséquences de l'ordre de service prescrivant l'ajournement des travaux, ont le caractère d'un différend opposant l'entreprise au maître d'oeuvre au sens des stipulations de l'article 50.11 rappelées ci-dessus ; que, toutefois, ces mémoires ont été adressés, non au maître d'oeuvre, mais au maître d'ouvrage avec copie au maître d'oeuvre, et ne pouvaient, dès lors, être regardés comme élevant régulièrement un différend entre l'entreprise et le maître d'oeuvre ; qu'en conséquence, en l'absence de réclamation formée dans les conditions prescrites par ces stipulations, la demande enregistrée devant le tribunal administratif Poitiers sous le n° 0901075 était irrecevable : qu'en revanche, et contrairement à ce qu'on jugé les premiers juges, une telle irrecevabilité était sans influence sur la recevabilité de la demande n° 1003390 ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande n° 1003390 :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 50.5 du cahier des clauses administratives générales travaux relatif au règlement des différends et litiges en cas d'entrepreneur groupés conjoints : " Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date, définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque entrepreneur étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges qui le concernent. " ; qu'aux termes du 1 de l'article 44 : " 44.1 Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que le mandataire d'un groupement d'entreprises conjoint cesse de représenter le groupement à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception des travaux ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le groupement d'entreprise constitué de la société GTM Terrassement, devenue Vinci Construction Terrassement, mandataire du groupement, de la société SODAF et de la société SODAF-GEO est un groupement solidaire, ainsi d'ailleurs que le précisent les actes d'engagement ; que, par suite, l'ASA de Benon n'est pas fondée à soutenir qu'à la date du dépôt des projets de décompte final par la société Vinci Construction Terrassement, cette société n'avait plus qualité pour représenter le groupement d'entreprises en application de l'article 50.5 du cahier des clauses administratives générales, lequel ne s'applique qu'aux groupements d'entreprises conjoints ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales travaux : " (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) " ; qu'aux termes de l'article 50.31 : " (...) l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. " ;

7. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les sociétés requérantes n'avaient pas adressé régulièrement un mémoire de réclamation au maitre d'oeuvre et ne pouvaient, dès lors, se voir opposer une forclusion, aucune décision implicite de rejet n'ayant pu naître et être contestée ; que, par suite, les société requérantes étaient recevables à contester le décompte général du marché au titre des mêmes chefs de préjudice que ceux qui figuraient dans les mémoires de réclamation du 31 juillet 2008 ;

8. Considérant, d'autre part, que les mémoires de réclamation du 23 juin 2010 produits par les requérantes reprennent l'ensemble des différends développés dans les précédents mémoires de réclamation du 31 juillet 2008 ; que, par suite, l'ASA de Benon n'est pas fondée à soutenir que la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2010 serait irrecevable faute pour les requérantes de justifier des chefs de préjudices développés dans les mémoires de réclamation ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales relatif à la résiliation du marché : " Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général. " ;

10. Considérant que si l'ASA de Benon soutient que l'indemnisation des conséquences de la résiliation du marché doit faire l'objet d'une demande spécifique, distincte du mémoire de réclamation présenté dans le cadre de l'établissement du décompte général et définitif, une telle demande spécifique n'est pas imposée par les stipulations de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales travaux ; qu'après la notification du décompte général le 26 mai 2010, les sociétés requérantes ont demandé, par mémoire de réclamation du 24 juin 2010, à être indemnisées, notamment, du préjudice subi du fait de la résiliation du marché ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des stipulations de l'article 46.1 du cahier des clauses administratives générales doit être écartée ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande n° 1003390 comme irrecevable ; que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer la requête n° 1003390 devant le tribunal administratif de Poitiers pour qu'il statue à nouveau sur la demande des sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO, ainsi que, le cas échéant, sur les conclusions d'appel en garantie présentées par l'ASA de Benon ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que soit mise à la charge des requérantes et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, la somme que l'ASA de Benon demande au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'ASA de Benon la somme de 1 500 euros au profit des sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 janvier 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevable la requête enregistrée devant lui sous le n° 1003390.

Article 2 : La requête n° 1003390 est renvoyée devant le tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : L'ASA de Benon versera la somme de 1 500 euros au profit des sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des sociétés Vinci Construction Terrassement, SODAF et SODAF GEO est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'ASA de Benon tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12BX00654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00654
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : POLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-02-13;12bx00654 ?
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