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04/03/2014 | FRANCE | N°13BX00784

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 04 mars 2014, 13BX00784


Vu la décision n° 343340, en date du 1er mars 2013, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 6 juillet 2010 par lequel la cour avait statué sur la requête n° 09BX01493 de la société Maison Sichel dirigée contre le jugement n° 0501625, en date du 23 avril 2009, du tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 juin 2009, présentée pour la société Maison Sichel, dont le siège social est 19, quai de Bacalan à Bordeaux (33000), par Me A... ;

La société Maison Sichel demande à la cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 0501625, en date du 23 avril 2009, par lequel le ...

Vu la décision n° 343340, en date du 1er mars 2013, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 6 juillet 2010 par lequel la cour avait statué sur la requête n° 09BX01493 de la société Maison Sichel dirigée contre le jugement n° 0501625, en date du 23 avril 2009, du tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 juin 2009, présentée pour la société Maison Sichel, dont le siège social est 19, quai de Bacalan à Bordeaux (33000), par Me A... ;

La société Maison Sichel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501625, en date du 23 avril 2009, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2013 :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président rapporteur ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Vignau, avocat de la société Maison Sichel ;

1. Considérant que la société Maison Sichel, qui exerce une activité de négoce en vins et spiritueux, fait appel du jugement en date du 23 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie, au titre de l'année 1999 ;

Sur la demande en décharge et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une convention du 28 décembre 1994, la société Baron et Guestier (" B et G ") a concédé à la société Etablissements Cordier l'utilisation de vins signés " B et G " en exclusivité pour les grandes et moyennes surfaces de distribution (" gamme Fonset Lacour ") et en exclusivité pour l'enseigne Promodes (" gamme 1725 ") ; que, par un contrat signé le 22 mai 1996, la société Baron et Guestier a cédé gratuitement quatre marques à la société Etablissements Cordier, à savoir les marques " "Robert de Lacour" ", " Hommage ", " Vicomte de Morly " et " Louis de Vermeil " ; que, par un contrat signé le 23 mai 1996 auquel le précédent contrat était annexé, la société Maison Sichel a acquis de la société Etablissements Cordier le droit de commercialiser les vins signés " B et G " correspondant aux gammes " Fonset Lacour ", et " 1725 ", les vins portant les marques " Hommage ", " Vicomte de Morly " et " Louis de Vermeil ", marques cédées gratuitement, et une gamme de vins de châteaux " négoce " ; que cette convention prévoit que la société Etablissements Cordier percevra une rémunération de 1 million de francs hors taxe ; qu'en application de cette dernière convention, la société Maison Sichel a conclu le 31 mai 1996 avec la société MDM Eurobrokerage un " contrat d'assistance technique " en vertu duquel cette dernière conservait l'exclusivité de la prospection et du développement de la clientèle en France métropolitaine pour les vins de Bordeaux commercialisés par la société Maison Sichel et précédemment commercialisés par la société Etablissements Cordier ; que la société Maison Sichel a porté à l'actif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1996 la somme de 1 million de francs au titre des immobilisations incorporelles ; que cependant, estimant, au vu des précisions fournies par la société MDM dans une lettre du 15 juillet 1997, que la marque " Robert de Lacour " avait perdu sa valeur, elle a retiré de l'actif du bilan de l'exercice clos en 1997 ladite somme de 1 million de francs ; que l'administration, estimant que cette minoration d'actif n'était pas justifiée, a réintégré cette somme dans les résultats imposables de l'exercice clos en 1999, premier exercice non prescrit ; que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société Maison Sichel à fin de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt établis à raison de cette réintégration ; que la cour a rejeté l'appel formé par la société en se fondant notamment sur les dispositions du paragraphe IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004 ; que, saisi du pourvoi en cassation introduit par la société, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en se fondant sur ce qu'il convenait, afin de donner tout son effet à la décision n° 2010-78 QPC du Conseil constitutionnel, de permettre au juge du fond de remettre en cause les effets produits par lesdites dispositions de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 ;

4. Considérant que par sa décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le IV de l'article 43 de la loi 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 dont les dispositions avaient pour effet, à titre rétroactif, pour les impositions établies avant le 1er janvier 2005, de priver le contribuable du bénéfice de la " correction symétrique des bilans " à raison d'erreurs ou d'omissions dépourvues de caractère délibéré, et de réserver à l'État cette faculté ; qu'en raison de cette déclaration d'inconstitutionnalité, sont applicables au présent litige, dès lors que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 30 avril 2004, les règles selon lesquelles, d'une part, lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan, d'autre part, les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, d'une part, que seuls les droits attachés à une concession de licence d'exploitation constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession, doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé d'une entreprise ; que la convention du 23 mai 1996 mentionnée précédemment interdit à la société Maison Sichel de concéder à quiconque la commercialisation des vins signés " B et G " sans l'autorisation préalable de la société Etablissements Cordier ; que, du fait de la restriction ainsi portée par cette clause d'agrément, purement discrétionnaire, à la liberté de disposer du concessionnaire, les droits détenus par la société Maison Sichel ne pouvaient être regardés comme cessibles ; que, dans ces conditions, ces droits ne satisfaisaient pas à l'une des conditions qui sont requises pour constituer des éléments incorporels de l'actif immobilisé ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient l'administration, ils ne pouvaient constituer, même partiellement, la contrepartie de la somme de 1 million de francs inscrite à l'actif du bilan de l'exercice clos en 1996 ;

6. Considérant, d'autre part, que la convention passée le 23 mai 1996 entre la société Maison Sichel et la société Etablissements Cordier a, ainsi que le fait d'ailleurs valoir à juste titre l'administration, principalement eu pour objet de donner à la société Maison Sichel le droit de commercialiser en grandes surfaces les vins signés " B et G " des gammes " Fonset Lacour " et " 1725 " ; que si cette convention a également prévu la cession au profit de la société Maison Sichel de la marque " Robert de Lacour ", cette marque avait été cédée gratuitement par la société Barton et Guestier à la société Etablissements Cordier le 22 mai 1996, en vertu de la convention passée entre ces deux sociétés qui a été annexée à la convention du 23 mai 1996 ; que la société MDM, chargée des négociations avec les distributeurs, a indiqué à la société Maison Sichel dans le courant de l'exercice 1997 que, selon ses contacts, les produits écoulés sous la marque " Robert de Lacour " ne correspondaient plus aux nécessités du marché et que cette marque pourrait avantageusement être remplacée par la marque " Sichel " ; qu'en estimant, dans ces conditions, que la marque " Robert de Lacour " avait perdu sa valeur et en décidant qu'il convenait dès lors de retirer de l'actif du bilan de l'exercice clos en 1997 la somme de 1 million de francs qui avait été inscrite à l'actif du bilan de l'exercice précédent, la société requérante ne peut être regardée comme ayant commis une erreur comptable délibérée ;

7. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, et contrairement à ce que soutient l'administration, la société Maison Sichel ne peut être regardée comme ayant commis une erreur délibérée en retirant de l'actif du bilan de l'exercice clos en 1997 la somme de 1 million de francs et en maintenant cette écriture au titre des exercices suivants ; que l'administration n'a pu, dès lors, sans méconnaître les règles qui ont été rappelées au point 4, corriger les écritures comptables litigieuses au titre du seul bilan de l'exercice clos en 1999 sans procéder à la même correction au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et, partant, au titre du bilan d'ouverture de l'exercice 1999 ; qu'une fois cette correction faite, il n'existe aucune différence entre les valeurs de l'actif net à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 1999 qui résulterait des écritures comptables litigieuses et donc aucun rehaussement de bénéfice net susceptible d'être imposé au titre de cet exercice ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Maison Sichel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande à fin de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

Sur les intérêts moratoires :

9. Considérant qu'en l'absence de tout litige né et actuel à ce titre, la demande de la société requérante tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peut être accueillie ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Maison Sichel de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé décharge à la société Maison Sichel des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999.

Article 2 : L'Etat versera à la société Maison Sichel la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 13BX00784 - 2 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00784
Date de la décision : 04/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : VIGNAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-04;13bx00784 ?
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