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01/04/2014 | FRANCE | N°13BX02095

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 01 avril 2014, 13BX02095


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour par télécopie le 24 juillet 2013 et régularisée le 26 juillet, présentée pour la société Total Réunion, dont le siège est au 3 rue Jacques Prévert Rivière des Galets BP 286 à Le Port Cedex (97827), par Me Vital-Durand ;

La Société Total Réunion demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100327 du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice subi du fait des arrêtés en date des 16 décembre 2009, 1

6 avril 2010, 23 juin 2010, 16 septembre 2010 et 26 octobre 2010 par lesquels le préfet d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour par télécopie le 24 juillet 2013 et régularisée le 26 juillet, présentée pour la société Total Réunion, dont le siège est au 3 rue Jacques Prévert Rivière des Galets BP 286 à Le Port Cedex (97827), par Me Vital-Durand ;

La Société Total Réunion demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100327 du 13 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice subi du fait des arrêtés en date des 16 décembre 2009, 16 avril 2010, 23 juin 2010, 16 septembre 2010 et 26 octobre 2010 par lesquels le préfet de la Réunion a fixé le prix de certains hydrocarbures liquides et du gaz à la Réunion ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 3 439 170 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande préalable, d'autre part, une somme correspondant aux frais financiers subis par elle, correspondant au taux Euribor 3 mois + 0,60, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n°88-1045 du 17 novembre 1988 réglementant les prix de certains produits dans le département de la Réunion ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;

- les conclusions de M. A...de la Taille Lolainville , rapporteur public ;

- les observations de Me Vital-Durand, avocat de la société Total Réunion ;

Vu la note en délibéré présentée le 14 janvier 2014 pour la société Total Réunion ;

1. Considérant que la société Total Réunion a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qui lui aurait été causé par les arrêtés en date des 16 décembre 2009, 16 avril 2010, 23 juin 2010, 16 septembre 2010 et 26 octobre 2010 par lesquels le préfet de la Réunion a fixé les prix de certains hydrocarbures liquides et du gaz à la Réunion ; que, par un jugement en date du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ; que la société Total Réunion fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-2 du code de commerce issu de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 : " Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. / Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence./Les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d'Etat, contre des hausses ou des baisses excessives des prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois. " ;

3. Considérant que le décret n° 88-1045 du 17 novembre 1988 a été pris sur le fondement des dispositions alors en vigueur du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 reprises au deuxième alinéa précité de l'article L. 410-2 du code du commerce ; qu'il a, par son article 1er, fixé les prix de vente maxima des produits pétroliers (supercarburant, essence, pétrole lampant, gazole) dans le département de la Réunion ; qu'aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les prix fixés toutes taxes comprises par le présent décret sont modifiés par arrêté préfectoral en fonction de la variation des droits et taxes assis sur les produits " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " Les prix fixés pour les produits pétroliers peuvent être modifiés par arrêté préfectoral en fonction de l'évolution du prix des produits importés. / Le préfet peut modifier, une fois par an, les prix prévus aux articles 1er et 2 compte tenu des variations justifiées des salaires et des autres éléments de prix de revient " ;

4. Considérant que les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 17 novembre 1988 donnent au préfet de la Réunion la possibilité de modifier les prix fixés pour la vente des produits pétroliers à la Réunion en fonction de l'évolution du prix des produits importés et, une fois par an, en fonction des variations justifiées des salaires et autres éléments du prix de revient ; qu'eu égard à l'objectif que le législateur a poursuivi en autorisant le pouvoir réglementaire à réglementer les prix dans des secteurs ou des zones caractérisés par une altération du libre jeu de la concurrence, ces dispositions ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de contraindre le préfet, dans l'exercice de son pouvoir propre de réglementation, à répercuter sur les prix maximums qu'il fixe pour la vente des produits pétroliers, l'intégralité des hausses, comme d'ailleurs des baisses, qui ont pu être constatées dans le prix des produits importés à la Réunion, non plus que les évolutions qui ont pu être constatées en ce qui concerne les autres éléments constitutifs du prix de revient supportés par les distributeurs ; qu'au contraire, les dispositions du premier alinéa de l'article 5 du décret permettent au préfet de la Réunion de tenir compte notamment, d'une part, de l'évolution tendancielle du prix des produits importés, et d'autre part, de la situation économique de l'île, en particulier de l'évolution du pouvoir d'achat des consommateurs et de la situation des entreprises ; que, par suite, en décidant de tenir compte, pour fixer, par les arrêtés contestés, pris sur le fondement de ces dispositions, les prix maximums applicables pour la vente des produits pétroliers à la Réunion, de l'évolution tendancielle du prix des produits importés et de la nécessité de préserver les intérêts des ménages et des entreprises, le préfet de la Réunion n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, commis d'erreur de droit ;

5. Considérant que les arrêtés contestés ayant été légalement pris, ainsi qu'il vient d'être dit, sur le fondement de l'article 5 du décret du 17 novembre 1988 pris pour l'application des dispositions désormais codifiées au deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code du commerce, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu sa compétence en prenant des mesures qui ne pouvaient être prises que par le Gouvernement sur le fondement du troisième alinéa précité de ce même article L. 410-2 ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant que si la société requérante soutient que le préfet de la Réunion a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant les prix de vente maxima des produits pétroliers à un niveau trop bas, déconnecté de la réalité économique, la circonstance que ces prix auraient conduit les opérateurs à réduire leur marge, voire même à vendre à perte, n'est pas, à la supposer même établie, de nature à faire regarder les arrêtés en litige comme entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant enfin qu'à supposer qu'en prenant les arrêtés litigieux, le préfet n'ait pas pris en compte, contrairement à ce que prescrit l'article 4 précité du décret du 17 novembre 1988, les variations des droits et taxes assis sur les produits pétroliers, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, qu'une telle omission aurait eu, compte tenu du faible impact de ces variations sur le prix des produits et de la marge d'appréciation légalement conférée au préfet dans la détermination des prix réglementés, une incidence sur le niveau des prix fixés par les arrêtés contestés et aurait ainsi eu des conséquences préjudiciables pour la société requérante ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Total Réunion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Total Réunion demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre des outre-mer au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Total Réunion est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13BX02095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02095
Date de la décision : 01/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-01;13bx02095 ?
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