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03/04/2014 | FRANCE | N°12BX00900

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 03 avril 2014, 12BX00900


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ousseni, avocate ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000048 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 du receveur des finances de la trésorerie générale de Mayotte opposant un refus à sa demande de restitution d'une bande de terrain du " Domaine de Kangani " dont il est propriétaire, incluse dans la zone des cinquante pas géométriques ;

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°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 0...

Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Ousseni, avocate ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000048 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 du receveur des finances de la trésorerie générale de Mayotte opposant un refus à sa demande de restitution d'une bande de terrain du " Domaine de Kangani " dont il est propriétaire, incluse dans la zone des cinquante pas géométriques ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le décret du 4 février 1911 portant réorganisation du régime de la propriété foncière à Madagascar ;

Vu le décret du 28 septembre 1926 portant règlementation du domaine à Madagascar et dépendances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2014 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Dupuy, conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ruffié, avocat de M. A...

1. Considérant que le " Domaine de Kangani ", terrain de 245 hectares situé sur le territoire de la commune de Koungou (Mayotte), a été cédé en 1857 par l'Etat à des propriétaires privés ; que, suite à l'acquisition de ce terrain par sa mère en 1936, M. A...en est devenu propriétaire par dévolution successorale en 1960 ; que par un jugement du 23 mai 1946, le tribunal de Paix à compétence étendue de Mayotte, dont le jugement a été confirmé par une décision de la cour d'appel de Madagascar du 22 janvier 1947, a prononcé l'immatriculation de cette propriété et ordonné la distraction de forêts situées au Sud par voie de bornage complémentaire et l'inscription sur le titre foncier à venir ; que les opérations de bornage qui ont fait suite à ce jugement ont donné lieu à un procès-verbal de bornage complémentaire du 2 juillet 1951, lequel précise que la propriété a pour limite, au nord, côté mer, la zone des cinquante pas géométriques, borne " B1-B2 " ; que M. A...a introduit une action en reprise de bornage de sa propriété, en demandant qu'y soit incluse, au nord, la partie de terrain comprise dans la zone des cinquante pas géométriques ; que cette action a été rejetée par un jugement du tribunal de première instance de Mamoudzou (Mayotte) du 8 juin 2000, au motif que cette parcelle appartenait au domaine public maritime ; que, par courrier du 6 novembre 2009, M. A...a sollicité la restitution, à son profit, de cette bande de terrain ; qu'il relève appel du jugement n° 1000048 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 du receveur des finances de la trésorerie générale de Mayotte opposant un refus à sa demande de restitution ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 4 février 1911 portant réorganisation du régime de la propriété foncière à Madagascar : " Le régime foncier créé par le présent décret, dit régime de l'immatriculation, a pour but d'assurer aux titulaires la garantie des droits réels qu'ils possèdent sur les immeubles préalablement immatriculés. (...) La garantie des droits réels est obtenue au moyen de la publication sur des livres fonciers, à un compte particulier ouvert pour chaque immeuble, de tous les droits réels qui s 'y rapportent (...) " ; que l'article 4 de ce décret dispose : " (...) Si des portions du domaine public sont englobées dans un immeuble immatriculé, elles restent régies par les règlements concernant le domaine public, indépendamment de toute inscription et de toute réserve " ; que l'article 96 du même décret prévoit que : " Les tribunaux de première instance statuent au fond dans les formes réglées par la loi ; ils prononcent l'admission en tout ou partie de l'immatriculation et ordonnent l'inscription des droits réels et des charges dont ils ont reconnu l'existence ; ils font rectifier le bornage et le plan, s'il y a lieu. " ; qu'aux termes de l'article 118 de ce décret : " Le titre foncier est définitif et inattaquable ; il constitue devant les juridictions le point de départ unique des droits réels et charges foncières existant sur l'immeuble, au moment de l'immatriculation, à l'exclusion de tous les autres droits non inscrits. Toute action tendant à la revendication d'un droit réel non révélé en cours de procédure est irrecevable. " ; qu'aux termes de l'article 119 du même décret : " Toute personne dont les droits ont été lésés par suite d'une immatriculation n'a jamais de recours sur l'immeuble, mais seulement, en cas de dol, une action personnelle en dommages-intérêts contre l'auteur du dol (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 5331-4 du code général de la propriété des personnes publiques en vigueur depuis le 1er juillet 2006 et relatif au domaine public de Mayotte : " La réserve domaniale dite " zone des cinquante pas géométriques " est constituée, à défaut de délimitation de cette réserve, par une bande de terrain présentant une largeur de 81,20 mètres à compter de la limite haute du rivage de la mer. " ; qu'aux termes de l'article L.5331-5 du même code : " La zone comprise entre la limite haute du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone de cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5331-4 fait partie du domaine public maritime de l'Etat. Ces dispositions ne s'appliquent pas : 1° Aux parcelles appartenant en propriété à des personnes privées ou à des personnes publiques autres que l'Etat qui peuvent justifier de leur droit (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 28 septembre 1926 portant règlementation du domaine à Madagascar et dépendances, applicable à la date du bornage de la propriété de M. A... : " Le domaine public se subdivise en trois fractions principales caractérisées par l'origine des biens qui les composent : 1°) le domaine public naturel, essentiellement immobilier, dont l'assiette et la destination sont l'oeuvre de la nature ; 2°) le domaine public artificiel (...) ; 3°) le domaine public légal, c'est à dire celui qui par sa nature et sa destination serait susceptible d'appropriation privée, mais que la loi a expressément classé dans le domaine public. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " En conséquence, font partie du domaine public les biens ci-après, sans que cette énumération soit limitative (...) c) domaine public légal : le long du rivage de la mer, une zone de 50 pas géométriques, soit de 81 mètres 20 centimètres mesurés à partir de la limite des plus hautes marées " ; que l'article 18 du même décret dispose : " Si des particuliers étaient en mesure de revendiquer au moment de la promulgation du présent décret, des droits de propriété et autres droits réels relatifs à des biens dépendant du domaine public, ces droits seraient transformés en des créances d'indemnité, fixées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et soumises à la déchéance prévue par les articles 237 et suivants du décret du 30 décembre 1912 " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions précitées, la zone des cinquante pas géométriques à Mayotte appartient au domaine public depuis au moins le décret du 28 septembre 1926 ; que le requérant fait valoir qu'il justifie de titres de propriété de personnes privées, antérieurs à ce décret, sur la bande de terrain du " Domaine de Kangani " située dans cette zone ; que cette circonstance n'a cependant pas fait obstacle à l'incorporation de la parcelle en cause au domaine public légal, laquelle pouvait donner lieu à indemnisation en vertu de l'article 18 du décret du 28 septembre 1926 ; qu'ainsi, et comme l'ont relevé les premiers juges, la parcelle dont M. A...sollicite la restitution a été intégrée au domaine public au plus tard en 1926 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant se prévaut, devant la cour, de l'immatriculation de la propriété du " domaine de Kangani " prononcée par un jugement du Tribunal de Paix à compétence étendue de Mayotte du 23 mai 1946, confirmé par la cour d'appel de Madagascar ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le bornage complémentaire ordonné par ces juridictions, effectué en 1951, fixe comme limite de propriété la zone des cinquante pas géométriques ; que si M. A...a sollicité une reprise de bornage au motif que le bornage de 1951 aurait à tort appliqué d'office le retrait des cinquante pas géométriques qui n'était pas mentionné dans les décisions judiciaires précitées, le tribunal de première instance de Mamoudzou l'en a débouté par jugement du 8 juin 2000 au motif qu'il n'avait pas agi pendant plus de quarante ans, que l'indemnité prévue par le décret de 1926 était prescrite, et que le domaine public est imprescriptible ; que le requérant ne justifie ainsi pas d'un titre foncier portant sur la bande de terrain qu'il revendique ; qu'il ne saurait dès lors invoquer les dispositions des articles 118 et 119 du décret du 4 février 1911, ni davantage se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par les anciennes décisions qu'il invoque ;

6. Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la parcelle litigieuse n'appartient pas en propriété privée à M.A... ; que le requérant ne peut, par suite, se prévaloir de la dérogation à l'appartenance au domaine public maritime de l'Etat prévue par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 5333-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2009 du receveur des finances de la trésorerie générale de Mayotte opposant un refus à sa demande de restitution de parcelle ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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No 12BX00900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00900
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-01-02-01-01 Domaine. Domaine public. Consistance et délimitation. Domaine public naturel. Consistance du domaine public maritime. Terrains faisant partie du domaine public maritime.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : OUSSENI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-03;12bx00900 ?
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