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03/04/2014 | FRANCE | N°12BX02106

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 03 avril 2014, 12BX02106


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012, présentée pour la Société d'exploitation du casino de Pau (SECP), représentée par son président, dont le siège social est 11 rue du Maréchal Foch à Pau (64 000), par Me Poulain de Saint-Père, avocat ;

La SECP demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000914 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pau à réparer le préjudice résultant de la résiliation du contrat de concession du casino de Pau et des actions entreprises pour l'

évincer de tout autre appel à concurrence ;

2°) de condamner la commune de Pau à l...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2012, présentée pour la Société d'exploitation du casino de Pau (SECP), représentée par son président, dont le siège social est 11 rue du Maréchal Foch à Pau (64 000), par Me Poulain de Saint-Père, avocat ;

La SECP demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000914 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pau à réparer le préjudice résultant de la résiliation du contrat de concession du casino de Pau et des actions entreprises pour l'évincer de tout autre appel à concurrence ;

2°) de condamner la commune de Pau à lui verser la somme de 14 576 955 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pau la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gallardo, avocat de la commune de Pau ;

1. Considérant que, par délibération du 10 février 2006, le conseil municipal de Pau a confié à la société d'exploitation du casino de Pau (SECP) la concession du casino municipal et a autorisé le maire à signer le cahier des charges de cette concession et la convention de mise à disposition des locaux de cet établissement ; que le maire de Pau a signé ces contrats le 27 février 2006 ; que, par jugement du 22 juin 2006, le tribunal administratif de Pau a annulé la délibération du conseil municipal de Pau en date du 10 février 2006 en retenant plusieurs illégalités de la procédure de passation ; que, par arrêt du 4 septembre 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie uniquement sur l'injonction prononcée par le tribunal de résilier le contrat, l'a annulée au motif que le tribunal s'étant prononcé postérieurement à une décision du 12 juin 2006 du maire de Pau résiliant le contrat, le tribunal aurait dû prononcer un non lieu sur ce point ; que, par jugement du 30 juin 2009, le tribunal administratif de Pau a, d'une part, annulé les décisions du maire de Pau du 27 février 2006 de signer ces contrats, décision confirmée sur ce point par un arrêt de la cour du 28 octobre 2010, et d'autre part, annulé la décision de résiliation du contrat en date du 12 juin 2006 au motif qu'elle n'avait pas été autorisée par une délibération du conseil municipal ; que la SECP a sollicité le 28 janvier 2010 auprès de la commune l'indemnisation des préjudices résultant, selon elle, des illégalités commises dans la procédure d'appel à la concurrence et des actions entreprises pour lui nuire et l'évincer définitivement de tout autre appel à concurrence, puis a saisi le tribunal administratif de Pau le 10 mai 2010 d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Pau à lui verser une somme de 14 576 955 euros en réparation de ses préjudices, tant au titre des dépenses exposées que des gains perdus ; que la SECP relève appel du jugement n° 1000914 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si la SECP soutient que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré du non respect par la commune de son obligation de loyauté contractuelle, manquement caractérisé par la résiliation illégale du contrat et le lancement d'une nouvelle procédure de sélection juste après l'annulation contentieuse des actes détachables des contrats, le jugement attaqué retient que les contrats signés le 27 février 2006 n'ont pu faire naître d'obligation à la charge des parties en raison de leur nullité et rejette par voie de conséquence les conclusions indemnitaires fondées sur les fautes commises en résiliant lesdits contrats, présentées par la SECP ; qu'il juge également que la société ne démontre pas que le nouveau montant de la caution exigée dans le cadre du second appel à la concurrence l'aurait dissuadée de présenter une nouvelle offre, ni que cette caution ne pouvait être réunie que par le seul candidat qui s'est présenté et a été retenu ; qu'ainsi le tribunal a statué sur l'ensemble de l'argumentation de la société au soutien de ce moyen ; que dans ces conditions, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant que le tribunal a jugé à juste titre que la nullité des contrats, résultant des motifs d'annulation des décisions précitées, faisait obstacle à ce que soit invoquée une responsabilité contractuelle du fait de l'illégalité de la décision de résiliation du 12 juin 2006, mesure d'application du contrat, ce qu'au demeurant la société ne conteste plus en appel ;

4. Considérant que l'entrepreneur, dont le contrat est entaché de nullité, peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

5. Considérant que la SECP, qui n'a pu justifier de dépenses utiles à la commune de Pau, ne demande plus en appel de condamnation fondée sur l'enrichissement sans cause, mais fonde exclusivement ses demandes d'indemnités sur les fautes qu'elle impute à la commune dans la procédure de passation du marché comme postérieurement à cette procédure ;

6. Considérant que pour confirmer l'annulation des décisions du 27 février 2006 de signer la concession et la mise à disposition des locaux, la cour a relevé, dans son arrêt du 28 octobre 2010, devenu définitif, que la procédure de passation était entachée de cinq illégalités, tenant à la composition irrégulière de la commission d'appel d'offres, au défaut de vérification par celle-ci des obligations d'emploi de travailleurs handicapés prévues à l'article L. 323-1 du code du travail par les candidats, à l'admission irrégulière de la candidature de la société SECP alors qu'elle ne pouvait être regardée comme en cours de constitution et n'avait pas justifié de la régularité de la situation fiscale de ses associés, à l'insuffisance du dossier de cette société qui n'avait pas établi l'existence d'un cautionnement, et à la négociation de l'offre sur ce point postérieurement à l'expiration du délai de dépôt des offres, en méconnaissance du principe d'égalité des candidats ; que le tribunal a retenu, en se référant à son seul jugement du 22 juin 2006 annulant la délibération du 10 février 2006, les mêmes motifs, auxquels il a ajouté l'insuffisance de publicité européenne de l'appel d'offres et la présentation par la SECP d'une offre non conforme au cahier des charges, en ce que l'espace restauration n'était pas accessible à tous publics, dès lors que le cheminement imposait de passer par la salle des grands jeux, interdite notamment aux mineurs ;

7. Considérant en premier lieu, que la SECP ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation des fautes commises par la commune de Pau en retenant l'insuffisance de la publicité de l'avis d'appel public à concurrence alors que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 octobre 2010 annulant la décision de signer le contrat n'en faisait pas mention ; qu'au demeurant, ce motif devait bien être retenu pour apprécier les fautes commises respectivement par les parties, dès lors que le jugement du tribunal administratif du 22 juin 2006 était devenu définitif en ce qui concerne la légalité de la délibération du 10 février 2006 ;

8. Considérant en deuxième lieu, que la SECP fait valoir qu'elle n'a pas commis d'imprudence susceptible d'exonérer l'administration de sa responsabilité et qu'elle n'avait pas connaissance du caractère fautif des manquements aux règles de la concurrence ; que toutefois, elle réunit des professionnels avertis dans le domaine des jeux d'argent et de hasard et ne pouvait sérieusement prétendre ignorer qu'à la date du dépôt de son offre, ses associés n'avaient pas signé les statuts ni tous justifié de la régularité de leur situation fiscale, et qu'elle ne présentait pas les garanties financières et le cautionnement exigés par le règlement de l'appel d'offres ; que contrairement à l'interprétation qu'elle en a soutenue, l'article 19-3-1 du cahier des charges stipulait clairement que " la durée de couverture au titre du présent engagement de cautionnement est égale à la durée du contrat de concession ", ce qui faisait obstacle à ce qu'elle puisse utilement se prévaloir de l'article 19.2.1 du même cahier, stipulant que l'engagement écrit d'un établissement bancaire était exigible chaque année " à la date anniversaire de la signature ", pour soutenir qu'il ne l'aurait pas été dès la date de la signature ;

9. Considérant que la société conteste en particulier avoir su que son offre n'était pas conforme au cahier des charges, ce qui se déduisait pourtant de la seule comparaison de ces deux documents, sans qu'il soit indispensable que le tribunal explicite la nécessaire connaissance qu'avait la société de cette irrégularité ; que les seuls motifs précités au point 8, qui sont intégralement imputables à la société, suffisaient au demeurant à rendre son offre inacceptable ; que par suite, en déduisant de ces éléments que la société avait commis des fautes suffisamment graves pour justifier l'exonération totale de la responsabilité de la commune de Pau au titre de l'illégalité de la procédure de sélection des offres et de signature des contrats, le tribunal n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ni apprécié de façon erronée les responsabilités respectives de la commune et de la société ;

10. Considérant en troisième lieu, que si la SECP fait valoir qu'en exonérant la commune de sa responsabilité, le tribunal aurait méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel n°1, la circonstance que le juge des référés précontractuels avait rejeté les demandes de la société concurrente de la SECP critiquant la procédure, alors que le juge du fond a finalement regardé celle-ci comme irrégulière, n'est pas de nature à démontrer que la SECP n'était pas en mesure d'apprécier les conséquences de son comportement sur la validité des contrats à signer ; que par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal ne pouvait lui imputer, pour ce motif, des fautes exonératoires doit être écarté ;

11. Considérant en quatrième lieu, que la société requérante soutient que la commune a commis d'autres fautes en ne protégeant pas son concessionnaire, d'abord en procédant à une résiliation fautive et ensuite en relançant un nouvel appel public à concurrence dont les conditions étaient aggravées pour la désavantager, notamment en rehaussant le niveau de la caution exigée ; que d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, elle ne peut se prévaloir d'une faute de la commune à avoir résilié les contrats signés le 27 février 2006, la décision du 12 juin 2006 étant au demeurant justifiée au fond par l'absence de caution financière ; que d'autre part, la SECP n'apporte aucun élément sur le caractère excessif du cautionnement exigé dans la seconde procédure d'appel d'offres ni sur l'impossibilité pour elle de le produire, qui l'a conduite à ne pas présenter d'offre ; que par suite, la commune de Pau n'a pas porté atteinte à l'égalité des candidats dans la présentation de leurs offres dans cette seconde procédure et n'a pas accordé d'avantage illicite à une autre société dans le choix du candidat attributaire de la délégation d'exploiter le casino ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SECP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Pau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SECP la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée sur le même fondement par la commune de Pau ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation du casino de Pau est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Pau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

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No 12BX02106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02106
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : GALLARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-03;12bx02106 ?
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