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17/04/2014 | FRANCE | N°13BX00760

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 17 avril 2014, 13BX00760


Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 mars 2013, et régularisée par courrier le 13 mars suivant, présentée pour l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dont le siège est situé 13 place du Général de Gaulle à Montreuil Cedex (93108), par la SCP d'avocats Gatineau-Fattaccini ;

L'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101096 du 9 janvier 2013 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la dé

cision du 21 mars 2011 de l'inspectrice du travail de la 3ème section de la Ch...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 mars 2013, et régularisée par courrier le 13 mars suivant, présentée pour l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dont le siège est situé 13 place du Général de Gaulle à Montreuil Cedex (93108), par la SCP d'avocats Gatineau-Fattaccini ;

L'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101096 du 9 janvier 2013 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2011 de l'inspectrice du travail de la 3ème section de la Charente qui a, d'une part, infirmé l'avis du 16 novembre 2010 du médecin du travail déclarant Mme A...B...inapte à tous les postes de travail dans l'entreprise et, d'autre part, a déclaré l'intéressée inapte au poste de logisticienne et à tout autre poste sur le centre d'Angoulême mais l'a déclarée apte à un poste assimilé excluant toutes contraintes rachidiennes (port de charge notamment) privilégiant l'alternance assis-debout et ce dans un environnement de travail compatible avec son état de santé ;

2°) d'annuler cette décision du 21 mars 2011 ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2014 :

- le rapport de M. Joecklé, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant Mme A...B..., née en 1957, est entrée en 2000 au sein des services de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour y occuper un emploi d'assistante de gestion ; qu'après avoir occupé un emploi d'acheteuse en 2002, elle a accédé à l'emploi de logisticienne approvisionneuse rattachée au responsable de l'établissement situé à Angoulême ; que l'intéressée, qui s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé à compter du 19 novembre 2009, a bénéficié, à la suite d'un arrêt de travail de deux mois et demi, de l'examen de reprise du travail par le médecin du travail le 6 avril 2010, conformément à l'article R. 4624-21 du code du travail ; qu'à cette occasion puis à celle d'un second examen médical réalisé le 23 avril suivant, le médecin du travail a estimé l'intéressée inapte à son poste mais apte à un autre poste excluant des contraintes rachidiennes fortes notamment de port de charge, permettant d'alterner les situations assis-debout - sans travail assis dépassant des fractions d'une heure et au maximum trois heures par jour - sans stress particulier ; que, le 11 octobre 2010, l'intéressée et son employeur ont convenu de son affectation à un poste d'assistante commerciale, avec effet au 15 novembre 2010 ; que, le 16 novembre 2010, le médecin du travail, à l'issue d'un examen sollicité par MmeB..., l'a déclarée inapte à tous les postes de l'entreprise et considéré qu'il n'y avait pas lieu de prévoir un deuxième examen médical compte tenu du cas de danger immédiat tel que prévu par les dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail ; que l'intéressée a été reçue par son employeur, dans le cadre d'un entretien préalable au licenciement pour ce motif, le 19 janvier 2011 ; qu'elle a formé, le 21 janvier 2011, le recours prévu à l'article L. 4624-1 du même code devant l'inspectrice du travail de la 3ème section de la Charente ; que par une décision du 21 mars 2011, l'inspectrice du travail a, d'une part, infirmé l'avis du 16 novembre 2010 du médecin du travail déclarant Mme B... inapte à tous les postes de travail dans l'entreprise et, d'autre part, a déclaré l'intéressée inapte au poste de logisticienne et à tout autre poste sur le centre d'Angoulême, mais la déclarée apte à un poste assimilé excluant toutes contraintes rachidiennes (port de charge notamment) privilégiant l'alternance assis-debout et ce dans un environnement de travail compatible avec son état de santé ; que, par lettre du 25 janvier 2011, Mme B...s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude physique ; que l'AFPA fait appel du jugement du 9 janvier 2013 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2011 de l'inspecteur du travail ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ;

3. Considérant que la minute du jugement n° 1101096 du 9 janvier 2013 du tribunal administratif de Poitiers, figurant au dossier de première instance, comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, par suite, alors même que l'expédition de ce jugement adressée à l'AFPA ne comporterait pas ces signatures, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au regard des dispositions précitées de l'article R. 741-7 ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis ;

5. Considérant que la décision contestée du 21 mars 2011, après avoir par l'article 1er de son dispositif infirmé l'avis du médecin du travail, dispose en son article 2 que " Mme B... est inapte au poste de logisticienne et à tout autre poste sur le centre d'Angoulême. / Elle est apte à un poste assimilé, excluant toutes contraintes rachidiennes (port de charges notamment), privilégiant l'alternance assis/debout et ce dans un environnement de travail compatible avec son état de santé. " ; qu'ainsi et alors même qu'elle a retenu parmi les motifs de sa décision la circonstance que les efforts de reclassement ne lui apparaissaient pas complets, l'inspectrice du travail s'est, après avoir recueilli le 18 mars 2011 l'avis du médecin inspecteur régional du travail, prononcée définitivement sur l'aptitude physique de MmeB..., seule question dont elle était légalement saisie ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en portant son appréciation sur les démarches de reclassement pour se prononcer sur l'aptitude de la salariée à occuper son poste, l'inspectrice du travail aurait commis une erreur de droit pour ne pas avoir exercé sa compétence dans les limites que la loi imposait, doit être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " ; qu'en vertu de l'article R. 4624-22 du même code, dans sa rédaction alors applicable, " l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, y compris celles de l'article L. 4624-1 du code du travail citées plus haut au point 4, que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications ; qu'une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical ; qu'elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié ; que le législateur a ainsi entendu définir entièrement les règles de motivation qui s'appliquent aux décisions du médecin du travail et, le cas échéant, de l'inspecteur du travail se prononçant sur l'aptitude d'un salarié à la reprise de son poste à la suite d'une maladie ou d'un accident non professionnel ;

8. Considérant que l'inspectrice du travail s'est fondée sur les circonstances qu'en décembre 2009, après un premier arrêt de travail de six mois, Mme B...avait repris son poste avec des restrictions physiques et un positionnement professionnel difficile lié à une réorganisation et qu'en avril 2010, le médecin du travail avait émis des réserves sur l'aptitude en raison tant de la santé physique que du stress généré ; que l'AFPA n'est, dès lors, pas fondée à prétendre que la décision serait insuffisamment motivée et que l'inspectrice du travail n'aurait pas mis les parties à même d'apprécier la légalité de sa décision ; que l'appréciation de l'inspectrice du travail sur l'aptitude de Mme B...s'étant substituée rétroactivement à celle du médecin du travail, le moyen tiré de ce que la réponse à la question du danger immédiat pour la salariée constaté par le médecin du travail dans son avis du 16 novembre 2010 ne serait pas sérieusement motivée est inopérant alors au surplus qu'il n'est pas établi qu'un tel danger immédiat pour la santé ou la sécurité de Mme B...ou celle des tiers aurait subsisté à la date de la décision contestée ;

9. Considérant que l'AFPA soutient que la décision contestée serait entachée d'erreur de fait au motif que l'inspectrice du travail s'est notamment fondée sur la circonstance que Mme B... avait accepté une mobilité géographique ; que, toutefois, ce moyen doit être écarté dès lors que cette acceptation ressort, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, des propres pièces versées au dossier par la requérante, et notamment des comptes-rendus d'entretiens professionnels des années 2007 à 2009 et du courrier de l'intéressée du 12 juillet 2010 par lequel celle-ci évoquait une possible mobilité géographique ;

10. Considérant que pour écarter le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'incompétence négative au motif qu'elle ne définirait pas avec suffisamment de précisions les restrictions à l'aptitude de Mme B...à son poste, les premiers juges ont relevé que les termes précités de la décision font apparaître l'inaptitude de l'intéressée à tout emploi situé sur le centre d'Angoulême et son aptitude à un poste de logisticienne ou assimilé excluant notamment le port de charge, privilégiant l'alternance assis/debout et dont l'environnement de travail est compatible avec son état de santé ; que les premiers juges ont également considéré que si l'AFPA prétend que le port de charge serait inhérent aux postes de logisticiens, elle ne produit aucune justification à l'appui de cette affirmation et qu'en toute hypothèse, l'extension de l'aptitude aux postes assimilés exclut que la décision soit regardée, de ce fait, comme entachée de contradiction interne ; que les premiers juges ont estimé en outre que si l'AFPA soutient que la décision devait déterminer quel serait l'environnement de travail compatible avec la santé de l'intéressée, cet argument doit être écarté dès lors que les motifs de la décision font, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, suffisamment référence à l'incidence du stress sur l'aptitude au travail de Mme B...dans l'établissement d'Angoulême ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont pertinemment retenus et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens ;

11. Considérant qu'en estimant que Mme B...était inapte au poste de logisticienne et à tout autre poste sur le centre d'Angoulême mais apte à un poste assimilé excluant toutes contraintes rachidiennes (port de charge notamment) privilégiant l'alternance assis-debout et ce dans un environnement de travail compatible avec son état de santé, l'inspectrice du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AFPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2011 de l'inspecteur du travail ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'AFPA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'AFPA une somme de 1 500 euros à verser à Mme B...sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de l'association pour la formation professionnelle des adultes est rejetée.

Article 2 : L'association pour la formation professionnelle des adultes versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 13BX00760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00760
Date de la décision : 17/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-04 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Louis JOECKLÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : BUCAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-17;13bx00760 ?
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