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13/05/2014 | FRANCE | N°12BX00172

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 mai 2014, 12BX00172


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 27 juin 2012, présentés pour la société Laffort Oenologie, ayant son siège 7 rue Franc-Sanson à Bordeaux (33100), par Me A...et MeB... ;

La société Laffort Oenologie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0905035, 0905056 du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2008 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impo

sitions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'arti...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 27 juin 2012, présentés pour la société Laffort Oenologie, ayant son siège 7 rue Franc-Sanson à Bordeaux (33100), par Me A...et MeB... ;

La société Laffort Oenologie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0905035, 0905056 du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2008 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'inapplicabilité de méthodes d'évaluation distinctes pour les terrains et les bâtiments ;

- que la lettre du 18 avril 2008, qui ne précisait pas en quoi l'établissement présentait un caractère industriel, ne la mettait pas en mesure de comprendre le fondement des redressements opérés de sorte que les droits de la défense ont été méconnus ;

- qu'elle exerce, non une activité de fabrication, mais une activité de négoce, de retraitement, de stockage et de commercialisation de produits destinés au traitement du vin et de la vigne ;

- que l'entrepôt de 1 958 m2 est affecté au stockage ; que le local dénommé atelier, d'une superficie de 1 400 m2, est utilisé à raison de 933 m2 pour l'entreposage dans des cuves ; que la surface de 520 m2 affectée aux bureaux ne peut être qualifiée de bien à usage industriel ; que l'activité ne nécessite pas de manipulation informatisée et mécanisée des stocks ;

- que les ratios valeur brute des immobilisations/chiffre d'affaires et dotations aux amortissements/chiffre d'affaires varient respectivement de 6,8 % à 7,2 % et de 0,39 % à 0,82 %, ce qui établit que la création de valeur ajoutée est issue de l'activité de négoce, où le rôle de l'outillage et de la force motrice n'est pas prépondérant ; que la part des immobilisations affectées à l'activité de manipulation, en baisse constante, varie de 16 % à 18 ,7 % ; que le chiffre d'affaires généré par ces opérations représente de 18,77 % à 21,24 % du chiffre d'affaires global ; que le nombre des salariés et la masse salariale affectés à l'activité représentent respectivement 8,19 % et 4,18 % des salariés et de la masse salariale globale ;

- qu'en vertu de l'instruction 6 C-2132, des articles 1494 et suivants du code général des impôts et de l'article 324 A de l'annexe II au même code, chaque propriété destinée à une utilisation distincte constitue une unité d'évaluation ; qu'ainsi, quels qu'en soient les propriétaires, le sol, les terrains et les bâtiments qui concourent à une même exploitation constituent une entité unique dont la valeur doit être appréciée globalement ;

- que la SCI Troffal, qui n'est pas une entreprise industrielle et commerciale, est propriétaire du terrain et qu'ainsi, en application de l'article 1500 du code général des impôts, le terrain, les bâtiments et les installations inscrits à l'actif des sociétés Slibail Immobilier et Laffort, qui font partie du même groupement topographique, doivent être évalués, non selon la méthode comptable, mais dans les conditions prévues à l'article 1498 ; que la condition d'inscription à l'actif prévue à l'article 1500 s'apprécie à l'égard du propriétaire et non de l'exploitant ; que l'instruction 6 C-4-12 du 9 mars 2012 a confirmé cette analyse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que les courriers d'information permettaient à la société de présenter utilement ses observations ; qu'elle a largement développé sa contestation du caractère industriel des installations ;

- que l'activité de conception et de fabrication de produits chimiques et de transformation de matières premières, établie notamment par les certifications obtenues, est par nature industrielle et ne peut être assimilée à une activité de stockage et de négoce ; que la société se livre à des opérations de processus industriels tels la mise en agglomérat des tanins ou la division de matières gazeuses ; qu'elle utilise un matériel important et spécifique ; que la valeur brute de l'outillage industriel, comprenant notamment des cuves, pompe et un mélangeur, s'élève à 1 169 229 euros, représentant le tiers des immobilisations corporelles ;

- qu'aucun texte ne s'oppose à ce que certains biens d'un établissement industriel soient évalués selon la méthode comptable et d'autres appartenant à un autre propriétaire selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts ; qu'en l'espèce, c'est à juste titre que les terrains appartenant à la SCI Troffal ont été exclus de l'évaluation selon la méthode comptable ; que, dans ces conditions, le débat sur la notion d'unité d'évaluation est inopérant ;

Vu le mémoire enregistré le 10 septembre 2012, présenté pour la société Laffort Oenologie, qui persiste dans ses conclusions ;

Elle fait valoir, en outre :

- qu'il ne convient de s'attacher qu'à la réalité économique des prestations qui correspondent à une activité de pur négoce et de stockage et de simples opérations de manipulation de matières premières ;

- que loin d'être inopérant, le débat engagé sur la notion d'unité d'évaluation est essentiel à la résolution du litige portant sur l'inapplicabilité de la méthode comptable ;

Vu le mémoire enregistré le 17 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui persiste dans ses conclusions ;

Il fait valoir, en outre, qu'il résulte de l'article 1494 du code général des impôts que les biens doivent être évalués par propriété, c'est-à-dire par propriétaire, et que ce n'est que par la suite qu'il y a lieu d'apprécier si les biens appartenant à un même propriétaire ont des destinations différentes ;

Vu l'ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 22 octobre 2012 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2014 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Besse, avocat de la société Laffort Œnologie ;

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de la société Laffort Oenologie, qui exerce une activité de préparation et de commercialisation de produits biologiques et chimiques destinés aux professionnels du secteur vitivinicole, l'administration fiscale a réévalué la valeur locative des bâtiments et installations situés à Floirac, servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à reprendre dans les bases de la taxe professionnelle en vertu du 1° de l'article 1469 du code général des impôts, en la déterminant non plus suivant les règles définies pour les locaux commerciaux par l'article 1498 dudit code, mais selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 pour les établissements industriels ; que la société Laffort Oenologie fait appel du jugement du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie de ce chef au titre des années 2005 à 2008 ;

2. Considérant que les règles de détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession, à l'article 1498 pour tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 pour les "immobilisations industrielles" ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1500 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : "Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498." ; qu'il résulte de ces dispositions que la dérogation qu'elles prévoient aux règles d'évaluation de droit commun des bâtiments et terrains industriels s'applique dès lors que le propriétaire des biens à évaluer n'est pas une entreprise industrielle ou commerciale, ou qu'il n'est pas astreint aux obligations définies à l'article 53 A du même code, ou enfin qu'il n'a pas inscrit ces biens à l'actif de son bilan ; qu'il est constant que les terrains sur lesquels ont été édifiés les bâtiments litigieux appartiennent à la SCI Troffal, qui n'est pas une entreprise industrielle ou commerciale ; que, conformément aux dispositions précitées de l'article 1500 du code général des impôts, la valeur locative de ces terrains a été évaluée selon la méthode particulière de l'article 1498 du même code ;

4. Considérant que la société requérante, qui ne conteste pas le bien-fondé de cette évaluation, réclame, par voie de conséquence, en se prévalant de la notion d'unité d'évaluation prévue aux articles 1494 du code général des impôts et 324 A de l'annexe III à ce code, l'application de la même méthode aux bâtiments et aménagements ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article 1494 du code général des impôts, la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508 pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ; qu'aux termes de l'article 324 A de l'annexe III au même code : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : a) En ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels l'ensemble des sols terrains et bâtiments qui font partie du même groupement topographique et sont normalement destinés à être utilisés par un même occupant en raison de leur agencement ; b) En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1494 du code général des impôts et 324 A de l'annexe III au même code que la définition des propriétés à prendre en compte pour la détermination de la méthode d'évaluation applicable est fonction du seul critère de leur utilisation distincte, sans que la circonstance que ces propriétés appartiennent à des propriétaires différents ait une incidence ; que, par suite, les bâtiments et aménagements qui concourent à une même exploitation que les terrains sur lesquels ils sont implantés doivent être évalués selon la même méthode ; que, dès lors, les installations en cause doivent être évaluées selon la méthode particulière prévue à l'article 1498 du code général des impôts appliquée à juste titre, ainsi qu'il a été dit au point 3, à l'évaluation de la valeur locative des terrains ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de se prononcer ni sur la régularité du jugement attaqué, ni sur les autres moyens invoqués par la société Laffort Œnologie, que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Laffort Oenologie et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 novembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La société Laffort Oenologie est déchargée des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2008.

Article 3 : L'Etat versera à la société Laffort Oenologie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laffort Œnologie et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Bertrand Riou, président-assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 mai 2014

Le rapporteur,

Marie-Thérèse LACAU Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Virginie MARTY

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No 12BX00172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00172
Date de la décision : 13/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-05-13;12bx00172 ?
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