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16/10/2014 | FRANCE | N°14BX01151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14BX01151


Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Bonneau, avocat ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302843 en date du 20 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 26 novembre 2013 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de

la Charente de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire...

Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Bonneau, avocat ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302843 en date du 20 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 26 novembre 2013 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Charente de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler cet arrêté et de prononcer cette injonction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 321-2000 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014 :

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant bulgare, est entré en France le 16 janvier 2013 en compagnie de son épouse et de leurs enfants et petits-enfants ; que le préfet de la Charente a, par un arrêté en date du 26 novembre 2013, rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que M. A...relève appel du jugement n° 1302843 du tribunal administratif de Poitiers en date du 20 mars 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que la requête d'appel, qui ne consiste pas dans la seule reproduction littérale de la demande présentée au tribunal administratif, énonce de manière précise les critiques dirigées contre l'arrêté du préfet de la Charente, ainsi d'ailleurs que des critiques dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers ; que, par suite, le préfet de la Charente n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait irrecevable faute de respecter les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu soulevé par le requérant, dans son mémoire en réplique, à l'encontre de l'ensemble de l'arrêté en litige ; que, par suite, le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur la légalité de l'arrêté du 26 novembre 2013 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu' après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites, et, le cas échéant, des observations orales (...) " ;

6. Considérant que l'arrêté litigieux a été pris sur une demande de M. A...formée auprès de la préfecture de la Charente le 15 octobre 2013 ; que, par suite, M. A...ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées pour contester la légalité de cet arrêté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

8. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'ainsi les moyens tirés de la méconnaissance de ce droit, notamment reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...)à quitter le territoire français (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de la Charente a visé les textes dont il fait application et a détaillé la situation administrative et familiale de M. A..., ainsi que l'a rappelé le tribunal ; que ce refus de titre de séjour énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle de la décision relative au séjour dont elle découle nécessairement ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté et de l'absence d'examen de la situation personnelle de M. A...doivent être écartés ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 30 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 : " 1. Toute décision prise en application de l'article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l'intéressé dans des conditions lui permettant d'en saisir le contenu et les effets./ 2. Les motifs précis et complets d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d'une décision le concernant sont portés à la connaissance de l'intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l'État ne s'y opposent (...) " ; que ces dispositions, qui figurent au chapitre VI de la directive, relatif à la limitation du droit d'entrée et du droit de séjour pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, ne s'appliquent qu'à l'éloignement forcé d'un citoyen de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille ordonné pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ; que, d'autre part aux termes de l'article R.512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret n°2011-820 du 8 juillet 2011 : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire est imparti peut demander que les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 lui soient communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'obligation de communication, dans des conditions permettant d'en saisir le contenu, des motifs d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d'une décision relative à la limitation du droit au séjour d'un citoyen de l'Union européenne prévue par l'article 30 de la directive du 29 avril 2004 a été régulièrement transposée en droit interne par l'article 48 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ; que le requérant ne peut dès lors, en tout état de cause, se prévaloir directement des dispositions précitées de l'article 30 de la directive du 29 avril 2004 ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que M.A... ait demandé une traduction des éléments de la décision dans une langue qu'il comprend ; que par suite le moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du refus de titre de séjour :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; que l'article L. 121-1 de ce code prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; /2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ; que l'article L. 511-3-1 du même code dispose : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate :1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. " ; qu'enfin l'article R.121-4 dudit code précise que : " Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. /La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour.(...)Les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 121-1 entrés en France pour y rechercher un emploi ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l'irrégularité de leur séjour tant qu'ils sont en mesure de faire la preuve qu'ils continuent à rechercher un emploi et qu'ils ont des chances réelles d'être engagés. " ;

14. Considérant, en premier lieu, que si M. A...se prévaut de ces dernières dispositions pour faire valoir son inscription à Pôle emploi le 15 avril 2014, cette démarche effectuée plus d'un an après son entrée sur le territoire ne démontre pas qu'il aurait effectivement été à la recherche d'un emploi à la date de la décision du préfet du 26 novembre 2013 ; que la circonstance, postérieure à la décision contestée, qu'il a signé un contrat de travail à durée indéterminée, le 16 juin 2014, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; que par suite, il n'est pas fondé à contester le constat fait par le préfet qu'il n'établissait pas être à la recherche d'un emploi au sens de l'article R. 121-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne justifiait d'aucune ressource ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que si le préfet de la Charente a également relevé " que, bénéficiant de l'aide médicale d'Etat, on peut considérer que sa présence constitue une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale ", il ressort de l'ensemble de la motivation de l'arrêté qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs opposés ; que par suite, M.A... ne peut utilement soutenir qu'en l'absence de perception de prestations sociales, l'abus de droit ne serait pas établi ;

16. Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

17. Considérant que M. A...fait valoir qu'il est arrivé en France en compagnie de son épouse, de ses enfants et petits-enfants, qu'ils résident chez son beau-frère titulaire d'une carte de résident valable dix ans, que ses enfants sont scolarisés en France et qu'il suit des cours de français ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que la famille n'est entrée en France que le 16 janvier 2013, que l'épouse de M. A...est également en situation irrégulière et qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que la scolarisation en France des enfants, en classe d'accueil compte tenu de leur absence de connaissance du français, ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale hors de France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant de délivrer un titre de séjour à M.A..., le préfet de la Charente n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

18. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

19. Considérant que l'arrêté litigieux ne comporte aucune disposition contraignant M. A... et son épouse à se séparer de leurs enfants ; que, dans ces circonstances et eu égard à la courte durée de la scolarisation de ses enfants en France, M. A...n'établit pas que le préfet de la Charente aurait méconnu, en prenant cet arrêté, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

20. Considérant, en cinquième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autre que celles invoquées par l'intéressé, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de sa demande de titre de séjour, que M. A...n'a pas fondé sa demande sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas fait expressément état de motifs exceptionnels en vue de son admission exceptionnelle au séjour ; qu'il ne peut dès lors utilement invoquer une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

21. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la directive du 29 avril 2004 : " La présente directive concerne : a) les conditions d'exercice du droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;b) le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l'Union et des membres de leur familles ;c) les limitations aux droits prévus aux points a) et b) pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. " ; qu'aux termes de l'article 27 de cette directive : " 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques(...) " ;

22. Considérant que, la décision en litige n'ayant pas été prise pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, M. A...ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'article 27 précité de la directive du 29 avril 2004 ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions de la directive est inopérant et doit être écarté ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

23. Considérant, d'une part, que le prononcé des décisions de retour ne revêt jamais un caractère automatique dès lors qu'il appartient, dans tous les cas, à l'autorité administrative de se livrer à un examen de la situation personnelle et familiale de l'étranger et de prendre en compte les éventuelles circonstances faisant obstacle à l'adoption d'une mesure d'éloignement à son encontre ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige, qui prend en compte la situation de la famille et l'absence de risque établi dans le pays d'origine, que le préfet de la Charente se serait cru lié par son refus de délivrance d'un titre de séjour pour décider de l'assortir d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;

24. Considérant, d'autre part, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 27 de la directive du 29 avril 2004, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés en ce qui concerne le refus de séjour ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente en date du 26 novembre 2013 doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Charente de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

27. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302843 du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers et les conclusions qu'il a présentées devant la cour sont rejetées.

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No 14BX01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01151
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP ARTUR - BONNEAU - CALIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-10-16;14bx01151 ?
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